Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

1427

GLOIRE

1428

donc légitimement connaître et approuver, faire connaître et faire approuver ce qui est bien en lui. S. Thomas, loc. cit. Mais pour rester dans les limites de la vérité, nous ne devons en premier lieu attacher à la gloire humaine qu’une valeur humaine, c’est-à-dire une valeur incertaine, non définitive, et infiniment inférieure à celle que comporte, par exemple, la gloire promise par Dieu aux élus : Quærere gloriam ab homine, ut homine, non est secundum se pravum, ut ctllala ratio (celle apportée par saint Thomas au corps de l’article) probal : sed, si quseratur gloria humana ultra humanos limites, vel quia quæritur ab homine lanquam a certo, vel magno testimonio, aul etiam ullima teslimonio, tune vitium est inanis gloriæ. Cajétan, Com. in jjum jj æ g Thomæ, loc. eit. En second lieu, il faut que cette gloire humaine ne s’oppose pas à notre fin dernière et puisse être, au moins médiatement, rapportée à Dieu. C’est le cas de tous les biens particuliers, considérés comme mobiles de nos actions. Voir Fin dernière, t. v, col. 2491-2492. Or, lorsqu’on recherche la gloire humaine dans les limites convenables, même si l’on ne pense pas explicitement à rapporter cette gloire à Dieu, l’acte posé est cependant bon moralement, parce que la gloire humaine recherchée légitimement en faveur d’une vertu qui existe réellement en nous, se rapporte médiatement à Dieu, fin de la vertu. Cajétan, loc. cit., à la fin. A plus forte raison, sera bonne, et même méritoire, la recherche de la gloire humaine qui se propose immédiatement pour fin, ou la gloire de Dieu, ou l’utilité du prochain, ou notre utilité personnelle : 1. la gloire de Dieu, cf. Matth., v. 16 ; I Pet., ii, 12, en provoquant les autres à honorer Dieu par l’exemple que nous leur donnerons, en leur faisant connaître notre vertu personnelle et en les entraînant à nous imiter ; c’est ainsi que saint Paul agit vis-à-vis des Romains, Rom., xv, 17 sq. ; 2. l’utilité du prochain. Cf. Rom., xii, 17 ; xv, 2 ; I Cor., x, 32-33 ; II Cor., xii, 1 sq. Saint François de Sales, continuant sa pensée, s’exprime ainsi : « elle (l’humilité) consent bien neantmoins à l’advertissement du Sage, qui nous admoneste d’avoir soin de nostre renommée (Eccl., xli, 15), parce que la bonne renommée est une estime, non d’aucune excellence, mais seulement d’une simple et commune preud’homie et intégrité de vie, laquelle l’humilité n’enpesche pas que nous ne reconnaissions en nous-mesmes, ni par conséquent que nous en desirions la réputation. Il est vraij que l’humilité mespriseroil la renommée, si la charité n’en avait besoin ; mays, par ce qu’elle est l’un des fondemens de la société humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles, mays dommageables au public à cause du scandale qu’il en reçoit, la charité requiert et l’humilité a g grée que nous la desirions et conservions précieusement. » Loc. cit. Envisagée sous cet aspect, la gloire humaine ou plutôt l’estime des autres est un lien de concorde et de charité, et « le mépris formel et complet de l’estime des autres est le plus souvent une marque d’orgueil, une manifestation de mépris pour ceux qui nous entourent, et il nous est inspiré par le sentiment exagéré et déréglé de notre supériorité. » De Smet, Noire vie surnaturelle, t. il, p. 325-326. 3. Notre utilité personnelle, dum considérât (homo), dit saint Thomas, bona sua ab aliis laudari, de his gratias agit, et firmius in cis persislit, De malo, loc. cit. ; ainsi, pour affermir les premiers chrétiens, saint Paul les encourage en publiant le bien qu’ils font, ou en les proclamant la gloire de l’Église. Rom., ii, 10 ; xv, 14, 29 ; xvi, 2-12 ; I Cor., xvi, 10 ; II Cor., i, 14 ; viii, 2sq. ; IThes., ii, 20, etc. Saint François de Sales, loc. cit., exprime cette fin de la gloire humaine d’une façon charmante : « Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d’ellesmesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neantmoins de beaucoup, non seulement pour les

embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu’ilz sont encor tendres : ainsy la bonne renommée, qui de soy-mesme n’est pas une chose fort désirable, ne laisse pas d’estre très-utile, non seulement pour l’ornement de nostre vie, mays aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des verluz encor tendres et joibles. L’obligation de maintenir ncslre réputation, et d’estre tclz que l’on nous estime, force un courage généreux d’une puissante et douce violence. »

Aussi les maîtres de la vie spirituelle recommandent-ils de travailler à conserver la juste estime des autres et à écarter ce qui pourrait injustement y faire tort, comme seraient des accusations fausses, des reproches mal fondés qui pourraient détruire ou diminuer cette estime. Mais cette recherche de l’estime d’autrui doit s’allier toujours au plus grand calme et à la plus grande modération ; dépasser les limites convenables en cette matière, manifester des sentiments de colère ou d’indignation serait témoigner qu’on accorde à la gloire humaine plus qu’elle ne mérite et tomber dans la faute de la vaine gloire. N’oublions pas, comme dit encore saint François de Sales, que « la réputation n’est que comme une enseigne qui fait connoistre où la vertu loge : la vertu doit donq être en tout et partout préférée… ; il faut estre jaloux, mays non pas idolâtre, de nostre renommée ; et comme il ne faut offenser l’œil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir arracher celuy des malins. » Loc. cit. L’humilité véritable est la condition même de la magnanimité et de la modestie qui doivent gouverner notre désir instinctif de la gloire. Cf. S. Thomas, Sum. iheol, IP IP, q. cxxix, a. 1, 2 ; Hugueny, Humilité, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. il, col. 526. On connaît, sur ce point, le texte de saint Grégoire le Grand, conciliant Matth., vi, 1, avec v, 16 : Sic autem sit opus in publico, quatenus intentio maneat in occullo ut et de bono opere proximis pricbeamus exemplum, et tamen per inlentionem qua Dco soli placere quærimus, semper optemus secretum. Homil. in evangel., 1. I, homil. xi, n. 1, P. L., t. lxxvi, col. 1115. En résumé : « L’amour des louanges n’est pas en lui-même un sentiment condamnable ; il est même un acte vertueux, lorsqu’il réunit les quatre conditions suivantes : 1. que ce qui donne lieu à la louange soit une qualité vraiment estimable, constitue une véritable perfection pour l’être intelligent ; 2. que cette qualité se trouve réellement en nous ; 3. qu’il n’y ait pas dans la louange un caractère d’exagération qui fait qu’elle manque de sincérité ou de justesse ; 4. que le témoignage d’estime soit rapporté par celui qui le reçoit à une fin digne d’un être intelligent éclairé des lumières de la foi, fin qui doit être en dernière analyse la gloire de Dieu, le bien du prochain ou sa propre utilité. » De Smet, op. cit., p. 333.

Sa possibilité psychologique.

Difficulté. —

Pour obtenir l’estime des autres, on veut paraître parfait. Comment allier psychologiquement ce désir de paraître parfait à l’extérieur avec la réalité de nos imperfections intérieures ? Ne sera-ce pas l’hypocrisie ? Et lorsque nous nous montrerons, dans les moments de surprise et d’oubli, tels que nous sommes réellement, c’est-à-dire remplis de faiblesses et peut-être de défauts, n’allons-nous pas scandaliser davantage et détruire notre prestige ?

Réponse. — Si l’on voulait se contenter de parai tic parfait, sans l’être réellement, la difficulté n’aurait pas, au point de vue psychologique, d’autre solution que dans l’hypocrisie. Il faut supposer que l’on désire mériter l’estime d’autrui plus encore que l’obtenir. « Dès lors, la préoccupation de nous montrer parfaits sera d’un puissant secours pour nous prémunir contre les mouvements irréfléchis des passions humaines. Il nous arrive trop souvent de nous faire illusion sur