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GLOIRE

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infuses, la permanence des vertus acquises est facilement démontrable. La vertu acquise n’est pas autre que l’habitude d’où résulte une plus grande facilité de produire des actes vertueux. Or, si la possibilité d’actes vertueux provenant des vertus morales infuses est démontrée dans l’état de gloire, il faut conclure que non seulement les vertus acquises subsisteront, mais même que là où elles seront ou nulles ou dans un état d’insuffisance et d’infériorité, Dieu les infusera per accidens, conformément aux principes rappelés plus haut à propos de la science infuse per accidens dans l’âme des bienheureux. Cf. col. 1407. Enfin, il faut dire que la gloire ne supprime pas le caractère sacramentel, qui demeurera chez les élus comme une marque perpétuelle de leur fidélité à leur vocation. Voir Caractère sacramentel, t. il, col. 1706. Cf. S. Thomas, Sum. IheoL, III’, q. lxv, a. 5, ad 3° m.

L’ordre surnaturel, ici-bas, comporte aussi le secours de la grâce actuelle. La grâce actuelle subsistera-t-ellc chez les élus ? Il semble qu’on doive répondre affirmativement, quoique non plus pour les mêmes effets pour lesquels elle est donnée dans l’état de voie, non plus bien entendu pour éviter le mal et faire le bien, mais pour d’autres effets convenables à l’état de béatitude, en appliquant ici, toute proportion gardée, la distinction qu’on a coutume de faire là où il est question de la durée des vertus morales dans l’autre vie. La principale raison qui appuie cette réponse, c’est que les dons du Saint-Esprit demeurent chez les élus, comme ils existaient dans l’âme bienheureuse de Notre-Seigneur. Voir t. iv, col. 1748. Or, les dons sont des habitudes passives, c’est-à-dire des dispositions à recevoir les motions du Saint-Esprit ; habitudes qui doivent nécessairement, partout où elles existent, avoir leur emploi et conserver leur raison d’être. Nous voyons dans l’Évangile que Jésus-Christ était conduit par son Esprit, Matth., iv, 1 ; qu’il tressaillait sous l’action du Saint-Esprit. Luc, x, 21, etc. Ainsi en sera-t-il dans le royaume de la gloire, quoique nous ne puissions nous faire une idée des mouvements que le Saint-Esprit imprimera à ces heureux citoyens du ciel, des accents, des cantiques que lui, le divin citharœdus, tirera de ces âmes glorieuses. Apoc, xiv, 2-4. Or, ces motions, auxquelles sont ordonnés les dons, ont tout ce qu’il faut pour vérifier la notion de grâce actuelle. D’autre part, si l’on entend par grâce actuelle le concours divin nécessaire pour le jeu régulier des vertus surnaturelles, ce concours sera aussi nécessaire dans le ciel qu’ici-bas. Voir Grâce. Cf. Billot, De gratta, Prato, 1912, th. v, § 2.

Pour la première partie, voir la bibliographie complète à l’art. Grâce : consulter spécialement Salmantiecnses, De gratia, disp. IV, dans Cursus theologicus, Paris, 1878, t. ix. — Pour la seconde partie, consulter les auteurs cités au cours de l’exposition, mais particulièrement S. Thomas, Sum. theol., I" II » , q. lxvii ; In IV Sent, I. III, dist. XXXI, q. il ; Suarez, De ultimo fine hominis, disp. XIII, sect. x, et les différents traités De fide et De spe auxquels cet auteur renvoie lui-même ; parmi les auteurs modernes, C. Pesch, Pnvleetiones théologien*, t. iii, n. 476-480, 485, 486.

Questions connexes.

Il suffit de les indiquer

brièvement : ce sont celles qui se rapportent au mérite et à la prédestination.

La distinction fondamentale qui éclaire les discussions relatives au mérite et à la prédestination est, du côté de la gloire, la distinction entre gloire première et gloire seconde. La gloire première est celle qui correspond à la première grâce justifiante, que le pécheur ne mérite pas, sinon de congruo. Voir t. iii, col. 1138 sq. Cf. Ripalda, De ente supcrnaturali, disp. LXXXIX. C’est sur cette distinction qu’est construite la théologie de beaucoup d’auteurs touchant la

prédestination. Voir ce mot. Quant au mérite, on exposera, à l’art. Mérite, comment la gloire essentielle est son objet tout comme la grâce, et dans quelle mesure l’accroissement de gloire répond à l’augmentation des mérites. On a d’ailleurs déjà touché cette question à propos de l’accroissement de la charité. Voir t. ii, col. 2230-2231. Ces questions sont connexes au rapport de la gloire à la grâce, parce que le problème de la prédestination à la gloire et celui du mérite de la gloire dépendent intimement de la question de la grâce, qui, dans l’ordre ontologique, précède et produit la gloire.

A. Michel.

III. GLOIRE HUMAINE. La gloire purement humaine est celle qui se conçoit par rapport à une connaissance purement humaine de notre excellence. Objectivement, elle est constituée par cette excellence elle-même, abstraction faite de la connaissance dont elle peut être ou devenir l’objet, et de l’honneur qui résulte de cette connaissance. Elle existe soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel. C’est ainsi que la femme est la gloire de l’homme, I Cor., xi, 7 ; l’âme humaine, la partie la meilleure de notre être, est nommée dans l’Écriture kâbôd, gloire, de kâbâd, être illustre, Gen., xlix, 16 ; Ps. vii, 6 ; xxix, 13 ; evi, 9 ; evi, 2 ; les nobles d’une nation sont appelés sa gloire. Is., v, 13 ; vin, 7 ; x, 6 ; xvi, 14 ; xvii, 3, 4 ; Mien., i, 15 ; Judith, xv, 10. Voir Gloire, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. iii, col. 251. Formellement, la gloire humaine est constituée par l’honneur humain qui rejaillit sur nous de la connaissance qu’on peut avoir de notre excellence. Selon l’acception stricte du mot « gloire » , cette connaissance doit être le fait du grand nombre, la gloire ne se concevant facilement qu’en rapport avec une louange rejaillissant sur nous par l’estime que la multitude fait de nos qualités. Mais, dans un sens plus large, la gloire s’entend encore de l’honneur qui rejaillit sur nous à la suite de la connaissance que peu de personnes ou même une seule personne ont de notre excellence ; bien plus, la connaissance personnelle que nous pouvons avoir de notre valeur peut suffire à nous constituer, à nous-mêmes, une certaine gloire. Cf. II Cor., i, 12 ; S. Thomos, Sum. theol., IIa-IIæ, q. cxxxii, a. 1 ; Demalo, q. ix, a. 1. Cette gloire humaine peut être :
1° légitime et bonne ;
2° désordonnée. En ce dernier cas, on l’appelle la vaine gloire.

I. Gloire humaine légitime.

1° Sa possibilité morale. —

Il semble difficile que la recherche de la gloire humaine puisse être, moralement parlant, légitime : « La louange, l’honneur et la gloire ne se donnent pas aux hommes pour une simple vertu, mays pour une vertu excellente. Car par la louange nous voulons persuader aux autres d’estimer l’excellence de quelques-uns ; par l’honneur, nous protestons que nous l’estimons nous-mesmes ; et la gloire n’est autre chose, à mon advis, qu’un certain esclat de réputation qui rejaillit de l’assemblage de plusieurs louanges et honneurs : si que les honneurs et louanges sont comme des pierres précieuses, de l’amas desquels reùscit la gloire comme un esmail. Or, l’humilité ne pouvant souffrir que nous ayons aucune opinion d’exceller ou devoir estre préférés aux autres, ne peut aussi permettre que nous recherchions la louange, l’honneur, ni la gloire, qui sont deues à la seule excellence. .. » S. François de Sales, Introduction à la vie dévote, part. III, c. vu. Il y a cependant des limites raisonnables, dans lesquelles la recherche de l’estime des autres ou de sa propre estime — ce qu’avec saint Thomas, dans un sens large, nous avons appelé gloire humaine — est légitime au point de vue de la morale. En effet, il est légitime et naturel à l’homme de rechercher la connaissance de la vérité : l’homme peut