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GLOIRE

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non par un habitus, mais par une opération de l’âme. Voir plus haut, col. 1401. — b. Étant donné que l’opération qui constitue la gloire est causée par la puissance d’agir, perfectionnée ici par les habilus de l’ordre surnaturel, la gloire se trouve donc, par rapport à la grâce, dans un rapport qu’on peut ramener au rapport d’elîet à cause. La grâce est donc vraiment cause physique de la gloire, dans l’ordre de la cause vraiment efficiente, à la différence des bonnes œuvres qui ne causent la grâce et la gloire que méritoirement. Il n’est pas besoin d’une nouvelle acceptation de l’âme par Dieu à la gloire ; cf. S. Thomas, Sum. theol., V’IV, q. exi, a. 5 ; q. exiv, a. 3, à la filiation naturelle correspond le droit â l’héritage ; mais la grâce constitue l’homme fils adoptif de Dieu et lui confère un droit connaturel à l’héritage du ciel ; et, comme l’homme n’est pas naturellement capable d’hériter du ciel, la grâce lui confère par elle-même cette capacité, en communiquant â l’âme une qualité surnaturelle que l’âme ne possédait point, et qui la rend formellement, quoique analogiquement, participante à la nature divine. Cf. Rom., viii, 16-18 ; Billot, De gratia, Rome, 1912, p. 136-137 ; Salinanticenses, Cursus theologicus, tr. XIV, De gratia Dei, disp. IV, dub. ii, § 2, n. 29.— c. Mais si la grâce contient la gloire comme la cause contient l’effet, il faut cependant dire que le rapport de cause à effet n’est encore ici-bas que virtuel, d’autant plus que, si la grâce rend par elle-même, sans acceptation nouvelle de Dieu, l’homme apte à la gloire, l’obtention actuelle de la gloire nécessitera une nouvelle intervention de Dieu. La gloire est constituée par une opération qui requiert, dans l’âme glorifiée, l’infusion d’un nouvel habilus, voir col. 1401, et Intuitive (Vision), la lumière de la gloire. Dieu peut, de puissance absolue, refuser cette intervention et de même qu’il produit et conserve la grâce dans l’homme sur cette terre sans la gloire, il pourrait à la rigueur le faire dans l’autre vie. A l’inverse, on peut concevoir la possibilité absolue d’une gloire conférée par Dieu à une âme dépourvue de la grâce, parce que l’opération qui naturellement provient de Yhabitus surnaturel, peut provenir d’une simple motion actuelle par laquelle Dieu élèverait transitoirement les facultés de l’âme ; mais un tel mode d’agir serait violent et en dehors des voies posées par la sagesse et la justice divines. Suarez, De gratia, . VIII, c. iii, n. 12 ; Salmanticenses, loc. cit. Il faut conclure avec saint Thomas, Sum. theol., I a II æ, q. exiv, a. 3, ad 3’"", que, dès cette vie, la grâce contient virtuellement la gloire et se trouve par rapport à cette gloire dans la relation de cause à effet et que, par là même, elles sont l’une et l’autre dans le même genre ou plutôt, comme il s’agit ici de l’ordre surnaturel qui échappe à nos classifications scolastiques, qu’on peut les réduire au même genre. Cf. Cont. génies, 1. IV, c. xxiv.

b) Dans l’autre vie. — Le rapport de la grâce à la gloire restera substantiellement le même, mais il ne s’agira plus ici d’un rapport virtuel de causalité, puisque la grâce produira actuellement la gloire. L’union physique de l’une et de l’autre n’en sera que plus affirmée. La gloire actuellement possédée apportera-t-elle des modifications à la grâce ou plutôt à l’ordre surnaturel de la grâce ? c’est ce qu’il convient de rechercher brièvement en exposant ce que l’état de gloire, par rapport à l’ordre présent de la grâce, ajoute, supprime, conserve en le modifiant.

a. Ce que l’état de la gloire ajoute. — La vision béatifique requiert l’infusion d’un nouvel habitus surnaturel, la lumière de la gloire, dans l’intelligence glorifiée, voir Intuitive (Vision) ; dans la volonté, nul habitas nouveau ; pour aimer Dieu et en jouir dans la gloire, la charité consommée dans cette gloire suffira par elle-même. Voir Charité, t. ii, col. 2226, n. 4. Comment

toutes les opérations qui constituent la gloire procèdent de ces deux habitas, on l’expliquera à l’art. Intuitive (Vision) ; mais on l’a déjà rappelé brièvement dans le présent article, à propos des dotes animée bealse. Voir col. 1402.

Il est inutile donc d’admettre, avec quelques rares théologiens scolastiques, la nécessité, dans la gloire, d’autres habilus ou qualités similaires pour expliquer la sécurité dont jouissent les élus, Richard de Middletov, n, In TV Sent, 1. IV, dist.XLIX, a. 3, q. vii, la tension ou la compréhension de leur connaissance béatifique. S. Bonaventure, ibid., a. 1, q. v ; D. Soto, ibid., q. iv, a. 3 ; Occam et plusieurs autres. Voir plus haut, loc. cit. Cf. Suarez, De ultimo fine hominis, disp. X, sect. ii, n. 9, 10.

b. Ce que l’étal de gloire supprime. — Encore une fois il ne s’agit que des suppressions dans l’ordre de la grâce, le seul dont nous ayons à préciser le rapport avec la gloire actuellement possédée.— a. La foi est supprimée par la gloire. I Cor., xiii, 8. L’inccrr possibilité de la claire vue de Dieu et de la foi a été expliquée à l’art. Foi, col. 449 ; elle est admise communément par les théologiens, cf. Suarez, De fide, disp. V I, sect. ix, n. 6, mais pour des raisons différentes. Les thomistes n’y voient qu’une application particulière de leur doctrine de l’incompossiblité de la science et de la foi par rapport au même objet. Voir Foi, col. 450. Or, disent-ils, si la claire vue deDieu ne rend pas les élusoirniscients et laisse à Eieu la possibilité de faire à ses élus de r ou" elles révélations, l’état glorieux s’oppose à ce que ces révélations se fassent d’une façon obscure : tout ce que les bienheureux désireront savoir, ils le sauront et le verront, sinon dans l’essence divine, du moins par le moyen d’une science divinement infuse. Voir col. 1407. Tout autre moyen que la science (laquelle satisfait pleinement les légitimes exigences de l’esprit humain) serait imparfait et, par conséquent, indigne de 1 état glorieux. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ixvii, a. 3, 5 ; 11° IL 1’, q. i, a. 4, 5 ; In IV Sent., 1. Ill.dist. XXXI ; Capréolus, In IV Sent., 1. III, dist. XXX I, a. 1 ; cf. Lessius, De summo 60/10, 1. II. c. x, n. 81, 82. Les théologiens qui, comme Suarez et ses disciples, n’admettent pas l’incompossibilité de la science et de la foi, recourent à une autre explication, tirée uniquement de l’imperfection de la connaissance obscure par la foi. Suarez, De fide, disp. III, sect. ix, n. 23 ; disp. VI, sect. ix, n. 7 ; disp. VII, sect. v, n. 5 ; cf. Lessius, De summo bono, 1. II, c. xix, n. 159 sq.

En censéquence, l’état de gloire supprime chez les bienheureux non seulement la vertu surnaturelle infuse de foi, mais encore tout habitus surnaturel, infus ou acquis, se rappertant à la foi, en particulier, le don de science prophétique, tous les objets de connaissance étant actuellement présents aux intelligences glorifiées. Voir S. Thomas, Sum. theol., IP II*, q. clxxiv, a. 5 ; Suarez, De ultimo fine hominis, disp. VIII, sect. 1, n. 3 ; cf. De allributis negativis Dei, c. xxviii. Il faut en dire autant de la science de la foi, c’est-à-dire de la théologie ; toutefois, les espèces intelligibles acquises demeurent et resteront présentes à la mémoire des élus qui, voyant clairement les mystères, y trouveront un sujet nouveau de gloire accidentelle par rapport aux efforts méritoires qu’ils auront faits ici-bas pour les atteindre moins imparfaitement. Suarez, De ultimo fine hominis, loc. cit., n. 4-6, 12. L’opinion contraire, improbable, est défendue par Cajétan, Comment, in I" m Sum. theol. S. Thomic, q. 1, a. 2, et Melchior Cano, De locis theol., 1. XII, c. n. Ces auteurs assurent que l’obscurité n’est pas inhérente à la théologie en tant épie science de la foi, mais en tant qu’elle a ici-bas pour sujets des intelligences non encore parvenues à la claire vision des mystères. Saint Thomas n’a pas traité la question.