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GLOIRE

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Origène et le dogme du purgatoire, dans les Questions ecclésiastiques, 1913, t. il, p. 407.

3° La raison théologique s’appuie sur cette vérité que la gloire correspond à la grâce et que grâce et gloire sont l’objet du mérite. A des mérites égaux, à des degrés de grâce différents correspondront par conséquent des degrés de gloire différents. Cf. S. Thomas, Sum. theol.. V IV, q. exiv, a. 3, ad 3°" ; In IV Sent., 1. II, dist. XXVII, q. i, a. 3 ; a. 5, ad 1

Cette raison théologique n’a aucune valeur pour Luther et ses disciples, à cause du système protestant touchant le principe de la justification. Voir ce mot. En résumé, pour Luther, il n’y a pas de véritable justice en nous-mêmes ; nous ne méritons d’être appelés justes que par l’imputation des mérites du Christ. Or la justice du Christ est égale pour tous. La conclusion d’un tel principe est que les élus, ne devant rien à leur propre mérite, mais tout au Christ, jouiront tous et chacun du même degré de gloire dans le ciel. On exposera et réfutera à Justification le faux principe adopté par Luther.

Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 2, ajoute à la raison théologique générale, une raison particulière tirée de la liturgie : « L’Église, dit-il, rend des honneurs très différents aux différents saints ; elle vénère la bienheureuse Vierge par-dessus les anges et les saints ; elle accorde aux apôtres un honneur plus élevé, et elle en agit de même à l’égard de quelques élus qu’elle paraît mettre à part. » Il y a là une simple indication, non un argument véritable.

I. EXAGÉRATION DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE.

Quelques théologiens, notamment Pierre de la Palu, cité par Suarez, De allribulis negalivis Dei, c. xx, n. 2, prétendent que l’inégalité des degrés de gloire chez les élus est telle que le même degré de gloire ne pourra pas être commun à plusieurs élus. Une telle opinion, en soi plausible, paraît cependant devoir être rejetée comme exagérée et trop absolue. En ce qui concerne les adultes en effet, nous ne pouvons rien affirmer de précis ; mais rien ne s’oppose à ce que deux âmes se présentent au tribunal de Dieu avec les mêmes mérites et le même degré de grâce et, par conséquent, reçoivent le même degré de gloire. Quant aux enfants morts avec le baptême ou martyrisés avant l’âge de raison, on ne voit pas quel pourrait être, entre eux, le principe d’une inégalité de gloire.

L’argument de Pierre de la Palu repose sur Luc, xx, 36 : Si les hommes sont égaux dans le ciel aux anges, les anges différant entre eux spécifiquement, il doit en être de même des hommes. Tout d’abord, il n’est pas certain que les anges soient tous inégaux en gloire, Suarez, loc. cit., n. 7 ; la différence spécifique des anges entre eux n’est qu’une opinion et ne concerne que l’ordre naturel. Voir Angélologie, t. i, col. 1230. Ensuite, la prédestination des hommes à la gloire peut être indépendante du fait de la chute des anges ; si les hommes tiennent dans le ciel la place des anges déchus et sont par là les égaux des bons anges, c’est peut-être simplement per accidens ; d’où il suit que, même en admettant comme vérité certaine l’inégalité des anges entre eux, aussi bien dans l’ordre surnaturel que dans l’ordre naturel, la même conclusion ne s’imposerait pas pour les hommes.

D’autres théologiens s’emparent de I Cor., xv, 41, et prétendent qu’aucune égalité n’existant entre le soleil, la lune et les étoiles, il ne peut en exister dans les degrés de la gloire céleste, dont l’éclat de ces astres est l’image. C’est trop presser la comparaison de saint Paul ; la grandeur mathématique et l’éclat respectif des astres n’ont rien de commun avec les degrés de gloire des élus. Suarez, loc. cit.

S. Thomas, In Evangelium Joannis, c. xiv, lect. i ; Sum. theol., la II-, q. v, a. 2 ; q. exiv, a. 3 ; In IV Sent., 1. II,

dist. XXVII, q. i, a. 3, 5 ; et surtout 1. IV, dist. XLIV, q. i, a. 4, q. ii, iii, iv ; Suarez, De Deo uno, 1. II, De atlributis negalivis Dei, c. xx ; Jean de Saint-Thomas, Cursus tlieologicus, q. xii, part. I, disp. XV, a. 6 ; Salmanticenses, Cursus tlieologicus. De visione Dei, tr. II, disp. V, dub. i ; Pctau, Theologica dogmata, De Deo Deique proprictatibus, I. VII, c. x, xi ; C. Pesch, Prwlectiones dogmaticiv, t. iii, n. 517-520 ; Hurter, Theologùv dogmaticæ compendium, t. iii, tlies. ccLxxvi, n. 838 ; Jungmann, De novissimis, Ratisbonne, 1871, n. 140, 141, 142, 154,

V. Gloire et grâce, et questions connexes.

Nous ne donnerons ici que quelques brèves indications, toutes les questions touchées devant être exposées aux art. Grâce, Mérite et Prédestination.

1° Gloire et grâce. —

1. Existence d’un rappoil entre la gloire et la grâce. — Rappelons les principes, qui seront développés à l’art. Grâce. La grâce est la vie éternelle dans son principe, Rom., vi, 23 ; la participation à la nature même de Dieu, II Pet., i, 3-11, et, par conséquent, le principe d’une activité, d’une vie nouvelle d’un ordre surnaturel, créé en nous à l’image même du Christ Homme-Dieu, Rom., vi, 4 : II Cor., v, 17 ; Col., ni, 3, et qui doit aboutir à l’état de gloire dans la société des élus. Rom., vi, 22 ; I Cor., i, 9 ; cf. I Joa., i, 3 ; Terrien, La grâce et la gloire, t. i, 1. II, c. n. La grâce est donc le principe de la gloire, puisqu’elle est le principe des opérations d’ordre surnaturel, vision, jouissance, amour, qui constituent voir col. 1395 sq., la gloire essentielle des élus et c’est pourquoi dès ici-bas la pratique des vertus est déjà en quelque sorte une gloire. Eccli., i, 11 ; xxiii, 38. Plus le principe sera puissant, plus les opérations seront intenses : plus la grâce sera abondante, plus la gloire sera parfaite. Il y a donc correspondance entre l’une et l’autre ; grâce et gloire « se rapportent [donc] au même genre, la grâce n’étant en nous que le commencement de la gloire, » S. Thomas, Sum. theol., II" 1P’, q. xxiv, a. 3, ad 2°’" ; la gloire < étant une grâce à son état d’achèvement et de perfection, » Catechismus concil. Trid., De oral, dom., p. iv, le degré de gloire sera proportionné au degré de grâce, et tout accroissement de grâce comportera un accroissement de gloire. Concile de Trente, De justificatione, can. 32, Denzinger-Bannwart, n. 842.

2. Nature de ce rapport.

a) Dans cette vie. — a. Ce n’est évidemment pas un rapport d’identité ; dans cette vie, en effet, il n’y a pas de gloire, parce que c’est la demeure qui passe, le voyage vers la patrie, II Cor., v, 1-3 ; cf. I Cor., xiii, 9, 12 ; Rom., viii, 18, 23 ; Heb., xiii, 14 ; le temps du labeur et du combat, que doit suivre l’éternité de récompense dans la gloire. I Pet., i, 3 sq. ; II Tim., ii, 1 sq. ; cf. I Cor., xv, 19 ; vu, 27 sq. La gloire n’est ici-bas le partage de personne, du moins d’une façon permanente ; l’erreur des béghards sur ce point a été condamnée au concile de Vienne, Denzinger-Bannwart, n. 474 ; voir lh’; r, HARDs, t. ii, col. 532 ; ce n’est qu’au ciel, après la mort, que la gloire pourra être possédée dans la vision béatifique.Denzinger-Bannwart, n.530 ; voirBENOiTXII, t. ii, col. 657 sq. Sur les exceptions possibles de la sainte Vierge, de Moïse, de saint Paul, de saint Benoit, et sur la gloire dont le Christ jouissait nonobstant sa condition mortelle, voir Intuitive (Vision). D’ailleurs la théologie de la gloire et celle de la grâce nous montrent l’identification de la gloire et de la grâce comme impossible. L’ordre de la grâce est constitué par l’habilus qu’on appelle substanlivus (non qu’il soit ontologiquement une substance, mais parce qu’il réside dans l’essence même de l’âme) de la grâce habituelle, d’où découlent, perfectionnant les puissances de l’âme, les habitas operativi des vertus infuses, lesquels disposent l’âme aux actes surnaturels, et les dons du Saint-Esprit. Or, la gloire est formellement constituée,