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GLOIRE

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la délectation qui expriment, sous des noms différents, la qualité répondant à la charité ; la possession de l’objet est réalisée par la jouissance dans le sens d’appréhension ou compréhension ou tension vers l’objet ; toutes dénominations pour exprimer la même qualité répondant à l’espérance, a. 5. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. iv. Ontologiquement, ces qualités sont les habilus de l’âme bienheureuse ; or, ces habitus sont au nombre de deux, le lumen gloritv et la charité consommée. La qualité nommée vision, c’est donc la lumière de la gloire élevant l’intelligence, au-dessus de toute obscurité, dans les régions de l’évidence et de la clarté ; la compréhension, c’est encore la lumière de la gloire, éloignant tout obstacle à l’union de l’âme avec Dieu ; la dileclipn ou jouissance, c’est toujours la lumière de la gloire jointe à la charité consommée et disposant l’âme à jouir pleinement de Dieu. Mazzella, De Deo créante, disp. VI, a. 4, n. 1240. Cf. S. Thomas, III* SuppL, q. xcv, a. 5, ad 3°’; Salmanticenses, op. cit., disp. II, dub. m ; Billuart, op. cit., diss. II, a. 5, § 1. Mais pour bien comprendre comment ces habilus peuvent revêtir la formalité de qualités glorifiant l’âme au titre de dots surnaturelles, il faut leur restituer leur double aspect : en tant que principes des opérations qui constituent la gloire essentielle, ils ne peuvent être appelés dotes animer, puisque, loin d’être la dot du mariage spirituel de l’âme avec Dieu, ils sont ce mariage lui-même consommé entre Dieu et l’âme. Mais, par le fait même, ils élèvent l’âme à un état glorieux, très supérieur à l’état présent, et dans lequel sont supprimées toutes les imperfections : en tant que ces habitus de la lumière de gloire et de la charité consommée élèvent ainsi l’âme et la rendent apte à entrer en commerce direct avec Dieu, sans aucune des obscurités de la foi, dans la pleine clarté de la vision faciale, dans la pleine sécurité de la possession de la divinité, ils lui donnent, vis-à-vis de Dieu, une relation toute particulière qui fait véritablement que l’âme est l’épouse dotée en vue de plaire à son époux et de jouir pleinement de son union. A ce titre, ils deviennent les dotes anima’. Jean de Saint-Thomas, op. cil., q. v, disp. II, a. 8, n. 18.

Richard de Middletown, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, a. 3, q. vii, a substantiellement la même doctrine que saint Thomas : pour lui, les dotes sont vision, amour et sécurité, dont il fait un habilus spécial. Pierre de la Palu, ibid., q. viii, a. 3, tout en maintenant une thèse identique à celle du docteur angélique, emploie les dénominations de vision, délectation, dilection.

Avec saint Bonaventure, In IV Sent., I, IV, dist. XLIX, a. 1, q. v ; D. Soto, ibid., q. iv, a. 3, nous avons des dotes animée une conception différente. Ce ne sont plus des habitus, mais des opérations, car la lumière delà gloii e, qui est V habilus des âmes élues, ne peut être identifiée avec ces qualités glorieuses. Suarez, op. cit., disp. XI, sect.i, n. 4, fait remarquer à juste titre que c’est là une pétition de principe et que saint Thomas enseigne le contraire, IIP’SuppL, q. xcv, a. 5, ad 3°’". Si ces habilus sont désignés par l’opération, vision, compréhension, délectation, etc., c’est parce que la perfection de la béatitude, perfection à laquelle l’âme est par eux disposée, réside en cet acte dernier, l’opération. Vasquez, op. cit., disp. XVIII, c. n ; Montesinos, Commentaria in /"" IV Sum. S. Thomæ, Alcala, 1622, q. iv, a. 3, disp. VI, q. vi, maintiennent la thèse de saint Bonaventure.

Ces controverses sont de minime importance et renferment trop de subtilités. Une fois admis que l’expression : dotes animx, est une métaphore pour désigner l’élévation de l’âme à un état supérieur, peu importe que cette élévation réside en des opérations ou des principes d’opérations. Les théologiens actuels

n’accordent presque plus d’attention à cette question.

Parmi les théologiens contemporains, voir Mazzelki » De Deo créante, Woodstock, 1877, disp. VI, a. 4, n. 12311240 ; Pesch, Pnvlecliones donmatiew, Fribourg-en-Brisgau, 1899, t. iii, n. 153. Anciens auteurs plus complets, Salmanticenses, De beatitudine, disp. II ; Suarez, De ultimo fine hominis, disp. XI, sect. i ; Jean de Saint-Thomas, De adeptionè beatitudinis, disp. II, a. 8 ; Gonet, Clypeus tlieologiæ Ihomisticse, De Deo uHimo fine, disp. V, a. 1 ; Lessius, De beatitudine, a. 3, dub. n ; De sunimo bono et œterna beatitudine hominis, 1. II, c. xx ; S. Thomas, Sum. theol., III » ’SuppL, q. xcv ; In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. iv.

Gloire accidentelle proprement dite.

1. Existence d

caractère spécifique de la gloire accidentelle proprement dite. — Qu’en dehors de la gloire essentielle, vision, amour, jouissance béatifiques, il y ait une autre gloire pour les élus, c’est là une doctrine communément admise : a) l’Écriture la suppose expressément, Luc, xv, 7, 10 ; Ps. exix, 5, 6 ; Sap., iii, 7 ; Matin., xix, 28 ; b) la raison demande qu’une essence créée reçoive le complément de sa perfection dans ses accidents. Gloire essentielle et gloire accidentelle sont ontologiquement des accidents physiques de l’âme bienheureuse ; le mot accidentel est donc employé ici analogiquement pour désigner une gloire qui s’ajoute à la gloire essentielle. Suarez, op. cit., disp. XI, sect. il, n. 3.

Saint Thomas, Sum. theol., I", q. xcv, a. 4, place le principe de la gloire accidentelle dans le mérite lui-même, non en tant qu’il procède de la charité, mais en tant qu’il est proportionné à la nature ou à la difficulté de l’œuvre méritoire accomplie. Envisagé sous son premier aspect, le mérite est récompensé par la gloire essentielle ; sous son second aspect, par la gloire accidentelle. Cf. In Epist. D. Pauli ad Romanos, c. viii, lect. v ; I"° ad Cor., c. iii, lect. n. Suarez, loc. cit., n. 5-8, accepte difficilement cette explication et, n. 9, lui substitue celle de la bonté divine qui récompense les élus, non seulement dans les limites de la justice, mais au delà, selon une mesure bonam et confcrlam et coagilalam et superejjluentem. Luc, vi, 38. Les deux conceptions peuvent se compléter l’une l’autre. Pesch, op. cit., n. 474.

On peut toutefois se demander quel caractère spécifique distingue la gloire accidentelle de la gloire essentielle. Certains théologiens, Richard de Middletown, In IV Sent., I. IV, dist. XLIX, a. 5, q. i ; Gabriel Biel (suppl.), ibid., q. iii, et même saint Thomas, Sum. theol., P, q. xcv, a. 4 ; cf. In IV Sent., 1. IV, dist. XII, q. ii, a. 1, q. ii, placent cette raison dans la nature de l’objet de la béatitude : la béatitude essentielle se rapporte à un objet incréé, la béatitude accidentelle a un objet créé : gaudium (est) de bono creato (S. Thomas). Suarez, loc. cil., fait remarquer que cette raison n’est pas complète, car la connaissance et l’amour de Dieu, en dehors de la vision béatifique, font partie, pour les élus, de la gloire accidentelle ; au contraire, la connaissance et l’amour des créatures, vues et possédées dans l’essence divine, font partie de la gloire essentielle, dont les créatures, vues et possédées en Dieu, forment l’objet secondaire. Voir Intuitive (Vision). C’est donc au moyen de connaissance, plutôt qu’à Vobjet connu, qu’il faut s’attacher pour distinguer la gloire accidentelle de la gloire essentielle. Aussi Suarez la définit-il exactement, semble-t-il : Quwlibct perjectio bcali quæ versatur extra objecium primarium et essenliale beatifitum, quod est Deus prout bcali ficus est, id est claie visus. Remarquons d’ailleurs que l’élément formel de la gloire, la connaissance, entre ici en jeu pour en donner la définition exacte.

2. Détermination des différentes gloires accidentelles.

— a) Gloire accidentelle particulière ci certains élus. — Cette gloire accidentelle, d’après les scolastiques, est réalisée par les auréoles et les fruits spirituels ou