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GLOIRE

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opinions, librement discutées dans l’Eglise, ont la valeur d’opinion, rien de plus. Il est clair que ni le catéchisme du concile de Trente, ni le pape Benoit XII, ni le concile de Vienne, pas plus que le concile de Francfort dans sa lettre aux évêques espagnols, n’ont voulu trancher la question, toute scolastique et d’ordre métaphysique, de l’élément formel de la béatitude essentielle. Qu’on attribue cette qualité à la vision de Dieu ou qu’on l’attribue à l’amour ou à la jouissance béatifique, peu importe ; ce qui est important, c’est qu’on ne sépare point ces opérations, en soi inséparables. Et quand on parle de gloire essentielle, il faut rester dans la limite dogmatique très nettement tracée par le cardinal Billot : Hic a substantiel beatitadinis contradislinguuntur solum Ma quse ab ea possunt separari, ut per modum unius accipiantur lum visio Dci, tum concomilans amor et jruilio. De novissimis, Borne, 1903, q. v, thés, ix, p. 118.

QuanL à l’autorité des Pères, on constate ici une fois de plus ce qui a été dit à l’art. Béatitude, t. il, col. 504. Seul ou à peu près seul, saint Augustin a formulé une véritable théorie de la béatitude. C’est à lui seul qu’il appartiendrait donc de patronner une opinion de préférence aux autres. Or, on a vu que toutes se réclament de lui. Les textes accumulés par Suarez et Bipalda ne sont pas sans faire impression, mais il faut signaler l’explication satisfaisante que Jean de Saint-Thomas, op. cit., q. v, disp. II, a. 3, n. 22-28 ; a. 4, n. 4-G, donne de la pensée de saint Augustin. L’amour, la jouissance béati tiques ne sont, pour saint Augustin comme pour saint Thomas, que le complément nécessaire de la vision. Cette explication s’appuie surtout sur De diversis quæsl. i.xxxiii, q. xxxv, P. L., t. xl, col. 23, 24, et De libero arbilrio, 1. I, c. xii-xiv, P. /.., t. xxxiii, col. 1134-1137.

Concluons donc que, pour définir la gloire, essentielle selon l’enseignement de l’Église ?, il faut faire abstraction de toutes les controverses d’école et en retenir indistinctement les éléments inséparables, vision, amour, jouissance béati tiques. C’est ainsi qu’avant d’en venir à l’examen des opinions, le P. C. Pesch, Prselection.es dogmatiese, t. iii, tr. II, prop. 40, expose la question au point de vue doctrinal. Ce point servira plus tard de point de départ quand on exposera la nature, l’objet et les propriétés de ces actes, à l’art. Intuitive (Vision).

S. Thomas d’Aquin, Sum. (licol., I > II, q. ni ; I 1, q. xxvi ; Cont. gentes, 1. III, e. xxv, xxvii ; Opusc, II (I), c. cv-cvn ; In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. i, n ; Cajétan, Sum. theol. S. Thomiv, I" II 1’, q. ni ; Suarez, De fine hominis, disp. VI, VII, dans Opéra oninia, Paris, 183(>, t. iv ; Lcssius.De summo bono et wterna beatiludine, 1. II, III, dans Opnsciita, Anvers, 107(5 ; Jean de Saint-Thomas, De a leptinne beatitadinis, disp. II, a. 1-4, dans Cursus theologicus, Paris, 1885, t. v, q. v ; Gilles de la Présentation, Disputationes de anima et eorporis beatitudine, Coïmbre, 1609 ; Gonet, De ultiino fine hominis, disp. III. dans Clypeus théologien thomistiac, Paris, 1870, t. m ; Hipalda, De ente supernatarali, disp. C, Paris, 1871, t. m ; Salmanticenses, De beatitudine, disp. I, dans Cursus llieologicus, Paris, 1878, t. v ; Pègues, Commentaire littéral de la Somme théologique, t. vi, q. l-vi.

II. Gloire accidentelle.

Le principe général qui nous sert de guide dans l’exposé de la gloire accidentelle est celui que Gonet a formulé, op. cit., disp. III, a. 2, n. 09 : Pree oculis semper habendum essentiam beatitadinis formalis esse assecutionem finis ultimi seu objecti beat i [ici : unde. Ma actio vel illæ actiones censendse sunt cd formalem beatitudinem perlinere, quæ essentialiler et formaliler sunt assecuiio finis ultimi : contra vro illæ qiuv ad rationem asscculionis finis ultimi et objectiva : beatitadinis mate RI ALITER, ( OXCOMITAb TER VEL ACCIDENT UAIEHse liabenl,

non speclant ad rationem formalem beatitadinis sed cjns essentiam comilantur vel subsequuntur. Donc, tout

| ce qui n’est pas l’élément formel de la béatitude doit être considéré comme clément étranger à la gloire essentielle, et en quelque façon comme élément accidentel. Mais il convient d’apporter une distinction : ce peut être un élément matériel ou concomitant de la gloire essentielle ; on pourra l’appeler alors gloire accidentelle, mais dans un sens tout à fait impropre ; ce peut être aussi un élément strictement accidentel : accidentalia beatitudinis duplieiter sumi possunt : vel pro iis quiv ab essentiel sunt non modo dislinela, verum elium separabilia ; vel pro iis quæ distinela quidem sunt, tamelsi essentiam necessario et semper comilentur. Billot, De novissimis, p. 118.

Aussi, pour être complet, nous distinguerons la gloire accidentelle improprement dite de la gloire accidentelle proprement dite.

l u Gloire accidentelle improprement dite. — Sous ce nom générique, on peut grouper les différents éléments de la béatitude, qui, inséparables de la gloire essentielle, s’en distinguent cependant formellement. Bappelons, pour éviter toute équivoque, que, dans le langage commun, cette gloire accidentelle rentre dans la gloire essentielle, selon la remarque du card. Billot. Voir col. 1401.

1. Conditions ou compléments nécessaires de la gloire essentielle. — C’est la contrepartie de l’élément formel de la gloire. Dans l’opinion thomiste, amour et jouissance béatitiques sont le complément nécessaire de la vision, élément formel, c’est-à-dire essentiel de la gloire. Dans l’opinion scotiste, c’est la vision, au contraire, qui n’est que la condition nécessaire de la gloire, fin un sens, ce seraient donc des éléments accidentels ou quasi accidentels de la gloire. Cf. S. Thomas, Sum. theol., D IL’, q. iii, a. 4 : *</ beatitudinem duo requiruntur : unum quod est esse beatitudinis, aliud quml est quasi per >i : accidlss / ;.//>, scitieel delectatio ci adjuncta.

2. Propriétés de la gloire essentielle.

La perpétuité de la gloire, l’impeccabilité de l’âme humaine sont des propriétés intrinsèquement dérivées de la vision béatifique. A ce litre, elles seront étudiées à l’art. Intuitive (Vision) ; mais elles doivent être signalées ici comme appartenant au complément de la gloire essentielle.

3. Qualités glorieuses de l’âme béatifiée.

De même que les corps glorieux ont des qualités propres, dont la source est la gloire même de l’âme rejaillissant sur le corps, voir Corps glorieux, t. iii, col. 1900 sq., de même l’âme bienheureuse sera dotée de qualités glorieuses qui correspondront aux opérations spécifiques de la gloire, vision, amour, jouissance béatitiques. Les théologiens appellent ces qualités dotes animée beulæ, par une métaphore empruntée au terme du droit, la dot de l’épouse. La gloire éternelle est comme un mariage de l’âme avec Dieu : il est convenable que l’épouse s’approche de l’époux ornée de qualités qui la disposeront à jouir en paix de son mariage, en la rehaussant aux yeux de son époux. Les théologiens fondent leur doctrine des dotes animæ sur l’Écriture, Apoc, xxi, 2. Cf. II Cor., xi, 2 ; Eph., v, 23-32. Pour saint Thomas, les qualités sont, en soi, des habilus disposant l’âme à la parfaite béatitude. Ils sont donc distincts des opérations qui constituent la gloire. Sum. theol., IIP SuppL.q. xcv, a. 1, 2. Ces qualités existent dans l’âme du Christ et chez les esprits angéliques, mais non à titre de dotes anima : ’, l’âme du Christ et les esprits angéliques n’ayant pas la qualité d’épouses vis-à-vis de Dieu et du Christ lui-même, a. 3, 4. Il y a trois dotes, l’une, répondant à la vertu de foi, rend l’acte de vision délectable, et, du nom de l’opération à laquelle elle dispose l’âme, se nomme vision ; les deux autres établissent la convenance de l’objet au sujet et la possession de celui-là par celui-ci ; la convenance est établie par la dilection, la jouissance (jruilio), ou