Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

1399

G L 1 R E

1400

sible, parce que l’amour ne cause pas nécessairement la possession de l’objet aimé. Les thomistes distinguent l’objet dr la volonté, le souverain bien, objet de désir ou de jouissance, de la formalité sens laquelle l’âme est mise en possession de ce bien suprême. C’est par l’appréhension de l’intelligence seule que cette possession peut être réalisée. Salmanticenses, loc. cit., dub. iv, S 6-9 ; Jean de Saint-Thomas, loc. cit., a. 3, 4. C’est, au fond, toujours la distinction de la gloire objective et de la gloire formelle : cette dernière suppose essentiellement un acte de connaissance. Voir plus haut, col. 1387.

c) Opinion éclectique. — Combinant les deux opinions précédentes, un grand nombre de théologiens, tant anciens que modernes, voient dans l’opération de l’intelligence (vision) et dans celle de la volonté (amour et, par voie de conséquence, jouissance) les éléments essentiels de la gloire des élus : Tertia sententia asserit essenliam bealiludinis jormalis complecii adœquate tum visionem, lum amorcm, negans eam vcl in sola visione, vel in solo amore, sed in ulroque simul mil esse aut apprehendi, Ripalda, op. cit.. disp. C, sect. ii, n. 9 ; c’est à cette opinion que se rallie Dante, Paradiso, Cant. xxx, vs. 40, décrivant ainsi la gloire des élus :

Luce intellectual piena d’amore,

Amor di vero ben pien di letizin,

Letizia, che trascende ogni dolciorc.

Tant qu’il ne s’agit que d’affirmer la pluralité des opérations comme élément formel de la gloire des élus, les partisans de l’opinion éclectique sont d’accord. Certains d’entre eux prétendent même que, sous cet aspect général, leur opinion s’impose comme une vérité définie par le décret de Benoît XII : ex lali visione et foi irioXE… ncre beatæ, Denzinger-Bannwart, n. 530, et par suite de la condamnation de l’erreur suivante des beghards : Quod quselibet intelleclualis natura in se ipsa naturaliter est beala, quodque anima non indigel lumine gloriæ, ipsam élevante ad Deum vwexdum et ex eo beale t-ruenduh. Denzinger-Bannwart, n. 475. Ces exagérés sont, au dire de Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 6, Thomas de Strasbourg, In IV Sent., Strasbourg, 1490, dist. XL1X, q. iii, iv ; André Véga, op. cit., 1. VII, c. m ; Corduba, O. M., Quæstionarium, Tolède, 1578, 1. I, q. xui, prop. 1, arg. 10 ; Alphonse de Tolède, In IV Sent.. 1. I, dist. I, q. ii, a. 3, ad 3°". Sont mieux inspirés ceux qui défendent cette doctrine à titre de simple opinion : S.Bonaventure, dans le sens indiqué plus haut, In IV Sent., dist.XL IX, a. 1, q. i ; Alexandre de Aies, Sum. iheol., part. III, q. xxiii, m. i, ad 1°" ; Albert le Grand, Richard de Middletown, le Supplément de Gabriel Biel, Pierre de la Palu, Holchot. Marsile d’Inghem, Jean Major [Lemaire], Bassolis et même Occam, dans leurs commentaires In IV Sent., l.IV, dis t. XL IX ; Gilles de Rome, Quodl., III, q. ult. Voir, sur ces anciens théologiens, Gilles de la Présentation, op. cit., I. IV, q. vii, a. 2, § 1. Il faut ajouter les noms de Salas, S. J., Disputationes in V"" // Sum. d. Thomse, Barcelone, 1607, tr. II, disp. II, sect. v ; Tanner, S. J., In ! "" 77*., disp. I, q. m ; Gilles de la Présentation op. cit., et surtout les grands théologiens de la Compagnie de Jésus : Suarez, De ultimo fine hominis, disp. VII, sect. i, n. 24-63 ; Grégoire de Valence, In I" m Sum. S. Thomæ. q. xxvi, disp. I, q. iii, p. iv ; Tolet, In IV Sent., 1. I, dist. I, q. ii, a. 2, 3 ; et même Lessius, De ultimo fine hominis, ([. iii, a. 4, dub. i ; De summo bono et beatitudine sempiterna, 1. II, c. v. Le P. Neubauer dans la Théologie de Wurzbourg, Paris, 1852, t. iii, p. 2, s’exprime ainsi : Ilnitiludo jormalis consistil initiative in visione Dei, perfective in amore Dei, complétive in gaudio, quiète et puce animi. Ripalda, loc. cit., et sect. iii, professe cette opinion avec une note particulière. Pour lui, la vision

de Dieu et l’amour de Dieu, pris ensemble ou pris séparément, sont l’élément formel adéquat de la gloire des élus ; et il explique son sentiment en se représentant la béatitude essentielle comme composée de parties quasi homogènes qui, prises séparément, forment chacune une béatitude complète en son espèce. Voir n. 13, 11. D’ailleurs, ici encore, les tenants de la même opinion se divisent sur des points d’une extrême subtilité. La question qui domine toutes les divergences est celle-ci : l’opération de la volonté doit-elle avoir une priorité sur celle de l’intelligence’? Controverse justement qualifiée par Ripalda, après Occam. J. Major et Vasquez, de arbilrariam et vocalem. Voir Lessius, De summo bono, !. II, c. vi.

Les principales raisons sur lesquelles s’appuient les partisans de ce troisième système sont les suivantes : a. L’autorité de l’Écriture qui s’affirme autant en faveur de l’opération de la volonté qu’en faveur de l’opération de l’intelligence. Voir les textes plus haut, col. 1397 et 1398. b. L’autorité des Pères : les thomistes peuvent citer un certain nombre de Pères qui appuient leur opinion ; mais on peut en citer un aussi grand nombre attribuant à l’amour et à la jouissance une partie prépondérante dans la gloire des élus. Pour saint Augustin, voir t. ii, col. 506, 507 ; Epist., clv (lu), n. 12 : Una ibi virlus erit et id ipsum cril virtus, pnvmiiimquc virtutis, quod dicit in sanctis colloquiis homo QUI AMAT : mihi autem AVBMRERE Di : » BONUA1 est. Hoc illi erit plena pcrfcctaquc sapientia,

    1. EADEMQUE DEATITUDIN’tS VITA BEAT A##


EADEMQUE DEATITUDIN’tS VITA BEAT A, P. L., t. XXXIII,

col. 671 ; De doctrina christiana. 1. I, c. xxxii : Hsec merces summa est ut ipso Dco per/ruamur, P. L., X. xxxiv, col. 32 ; Con/cssiones, 1. X, c. xxi, xxii, xxiii, P. L., t. xxxii, col. 792, 793 ; De moribus Ecclesiie, 1. I, c. m : Bcalus, quantum existimo, nec Me dici potest, qui non habet quod amal… quid enim est aliud quod dicimus frui, nisi præslo habere quod diligis, P. L., t. xxxiii, col. 1312 ; cf. c. xv, col. 1322 ; De civitale Dei, 1. XII, c. I : Beatiludinis igitur illorum (bonorum angelorum) causa est adhxrere Deo, … quamobrem cum quærîtur quarc illi beali sinf, ccrle respondetur, qui adhærent Deo, P. L., t. xli, col. 349, 350. Cette adhésion à Dieu, source de la félicité, saint Augustin l’explique ailleurs, Epist., cxviii, ad Dioscorum, n. 13, P. L., t. xxxiii, col. 438, ou encore De moribus Ecelesiiv. 1. I, c. xiv : Quid erit aliud optimum hominis, nisi cui inhærere est bealissimum ? Id autem est solus, cui inhserere certe non valemus, NISI dilectione, amore caritate. P. L., t. xxxiii, col. 1321, 1322. Cf. Suarez, De ultimo fine, loc. cit., n. 1. 5, 26 ; Ripalda, op. cit., sect. iv, n. 22. On apporte encore l’autorité de saint Fulgence, Ad Monimum, 1. I, c. xviii, P. L., t. lxv, col. 166 ; de saint Anselme, qui professe que la béatitude ex eommodis constat, De casu diaboli. c. iv ; cf., Monol., c. lxviii ; Cur Dcus homo, 1. II, c. i, P. L. t. cLvm, col. 211, 332, 401 ; de saint Bernard, Epist., xviii, P. L., t. clxxxii, col. 121, 122, et de plusieurs théologiens du moyen âge, dont Pierre Lombard, Sent.. 1. II, dist. I. c. Les deux principaux arguments, théologiques sont l’un, la définition de Benoît XII, où se trouve l’incise quod ex lali visione et fsvjtione ; cf. prop. 5 des beghards, Denzinger-Bannwart, n. 530, 475 ; l’autre, le texte du catéchisme ad parochos, où on lit : Solida quidem beatitudo quam esses n.u. lu communi nomine lied vocare, in eo sila est, ut devm

VIDEAMVS EJUSQUE PULCHR1TUD1NE l MIAMI R, C. XIII,

n. 7. d. La raison elle-même appuie cette opinion. La gloire n’est-elle pas la souveraine perfection des élus ? Or, la souveraine perfection ne peut être réalisée en une seule opération, d’autant plus que la possession de Dieu est le fait de la volonté aussi bien que de l’intelligence.

3. Jugement d’ensemble.

Ces trois dernières