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GLOIRE

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L’opinion de Ripa et des docteurs Je Faris n’a jamais été censurée directement. Elle mérite cependant d’elle thêologiquement notée : Médina, loc. cit., la condamne comme hérétique ; Zumel, In /"" II Sum. S. Thomse commentaria, Salamanque, 1594, q. iii, a. 1 ; Suarez, De incarnalione, loc. cit. ; Grégoire de Rimini, loc. cil., la trouvent périlleuse en matière de Toi. Martinez, O.P., Commentari.i super I / : ""J> | ; d.Thomæ, Valladolid, 1617, q. iii, a. 4, dub. i, concl. 2, la note comme téméraire et contraire à la foi. Gilles de la Présentation, op. cit., 1. IV, q. î, a. 4, § 41, pense qu’elle est simplement téméraire ; c’est aussi l’avis de Curiel, l.ecturæ scu qusesliones in diui Thomas .qainalis I* m II*, Douai, 1618, q. iv, § 5. Vasquez, tout en condamnant, ne se prononce pas sur la note a infliger. Op. cit., disp. VII, c. n. La raison de cette sévérité des théologiens est un double danger : l’absorption humaine dans l’opération divine, ce qui, indirectement, revient aux erreurs christologiques condamnées à Chalcédoine et à Constantinople ; la négation implicite de la nécessité du lumen gloriæ, affirmation condamnée au concile de Vienne. Denzinger-Bannwart, n. 475. Voir Intuitive (Vision).

c) Saint Bonaventure, In IV Sent.. 1. IV, dist. XLIX, a. 1, q. i, n. 5 ; q. iv, n. 17 ; cꝟ. 1. III, dist. XIV, a. 1, q. i, cherche ce que peut être cette modification, cette forme nouvelle ajoutée à l’âme. Étant spirituelle, elle sera nécessairement ou un habitus, ou une opération. Pour lui, elle sera l’un et l’autre : elle est comme partagée entre les actes de l’âme bienheureuse — et cette formule restera chez beaucoup de théologiens postérieurs — et les habitus dont procèdent ces actes. L’auteur attribue toutefois l’élément formel de la gloire aux habitus, et, en cela, sa théorie est complètement abandonnée. Voir S. Thomas, loc. cit., a. 2. Les habitus en efîet, ayant leur sujet soit dans l’essence, soit dans les facultés de l’âme, sont présupposés à la gloire, mais ne la constituent pas.

d) Quelques théologiens nominalistes avaient enseigné que la béatitude, dans son élément formel, était constituée par une opération, dans laquelle l’âme serait entièrement passive. Dieu seul agirait en elle. Gonet, Clypcus theologiiv thomislicæ, Paris, 1876, t. iii, tr. VIII, 75e homine, disp. III, a. 1, n. 1. Gonet rapproche de cette opinion, en soi contradictoire, toute opération étant un acte, l’hypothèse de quelques théologiens catholiques, Grégoire de Valence, In /"’" II* Sum. S. Thomæ, disp. I, q. iii, p. n ; Vega, O. M., Erpositio et defensio tridentini deertti, etc., Venise, 1548, ]. VI, c. viii ; Gilles de la Présentation, op. cit., q. i, a. 4, affirmant qu’il ne répugne pas, en soi, que, par la puissance absolue de Dieu, l’âme soit constituée dans l’état de gloire par une opération qu’elle n’éliciterait pas elle-même. Gonet, loc. cit., § 7, fait remarquer que cette passivité ne semble pas pouvoir s’accorder avec les décisions portées par le concile de Trente contre Luther relativement à la part active que l’âme doit prendre aux opérations de l’ordre surnaturel. Cf. sess. VI, iv, c. 4, Denzinger-Bannwart, n. 814. Voir la théorie de Luther exposée par Denifle, Luther et le luthéranisme, trad. franc., Paris, 1912, t. iii, p. 261-308. D’ailleurs une telle façon de concevoir la gloire des élus va directement contre les procédés habituels de la providence qui agit en tout, non d’une façon violente et contraire à la nature des êtres qu’elle gouverne, mais d’une façon connaturelle à leurs facultés.

2. Opinions librement discutées.

a) Opinion thomiste. — Pour les thomistes, l’élément formel de la gloire essentielle est constitué par la vision béatifique. L’élément formel de la gloire, c’est, en effet, disent-ils, la possession du souverain bien : toute opération concomitante ou complétive de l’acte de possession ne peut appartenir au concept constitutif de l’essence

même, prise en ce sens strict, de la béatitude. Jean de Saint-Thomas, op. cit., q. v, disp. II, a. 3, n. 12. Or la prise de possession du souverain bien ne peut se faire que par un seul acte, par un acte de l’intelligence, reine de nos facultés, et faculté de l’appréhension. La volonté intervient avant par le désir, après, par la jouissance ; mais son opération propre ne peut constituer cette prise de possession du souverain bien, laquelle est l’élément formel, et, au sens thomiste, essentiel, de la béatitude. D’ailleurs, la béatitude étant l’objet même de la volonté ne saurait être constituée par l’acte même de la volonté. S. Thomas, loc. cit., a. 4 et ad 2°". L’opération de la volonté n’est pas pour autant exclue de la félicité suprême ; mais I elle n’est que le corollaire et le complément obligé de l’opération de l’intelligence : « Quand il s’agit de Dieu, il n’y a point d’intermédiaire, pour le connaître comme il est, il faut qu’il soit lui-même dans notre esprit ; aucune image ne peut le représenter, et, par conséquent, la contemplation de Dieu et l’union à l’être, à la réalité, à la substance de Dieu se confondent. C’est pourquoi voir Dieu comme il est, c’est saisir Dieu en lui ; posséder la pleine idée de Dieu, c’est posséder Dieu lui-même. Et alors il y a entre Dieu et nous l’union très haute, très étroite, très intime qu’il y a entre une idée certaine, lumineuse et l’esprit qui l’a conçue. Mais cette union ne se produit pas entre l’esprit qui est la partie la plus intime de l’âme, sans que l’âme soit toute pénétrée de la divinité. L’âme n’est point pénétrée dans ces noces de lumière, sans être imprégnée et débordée de perfection, sans être ravie dans l’amour, sans être enivrée dans la joie, sans devenir semblable à Dieu même, gardant sa nature comme le fer rouge garde la sienne, mais rayonnant de splendeur, d’amour, de béatitude divine, comme le fer revêt les propriétés du feu qui l’a embrasé. De sorte qu’avant tout, la béatitude, c’est connaître, c’est voir, c’est vivre par l’extase de la science et de la lumière : Hœc est vita œterna, ut cognoscant le.solum Deum verum. » Janvier, Carême de 1903, la béatitude, p. 122-123. C’est le sentiment de saint Thomas, Sum. theol., V IL 1’, q. iii, a. 4 et 8 ; P, q. xxvi, a. 2 ; In IV Sent., 1. IV, dist. XLIX, q. i, a. 1, q. n ; Conl. génies, l. III. c. xxv, xxvi, xxvii ; Quodl, VIII, a. 19. Tous les thomistes et beaucoup d’autres théologiens ont adopté sa thèse. Citons les principaux : clans leurs commentaires sur la q. ni de la I d II, Cajétan, Capponi de Porrecta, Médina, Curiel, Martinez, Alvarez, O. P., Granado, S. J., et, loc. cit., disp. XIII, c. ni, Vasquez ; Lessius, De beatitudine, q. ni, a. 4, dub. ii, penche vers cette solution qu’il essaie de concilier avec la troisième opinion qui sera exposée plus loin ; dans son commentaire In Sum. cont. génies, 1. III, c. xxv, xxvi, Sylvestre de Ferrare : dans leurs commentaires In IV Sent., Durand de Saint-Pourçain, 1. IV, dist. XLIX, q. iv ; Capréolus,

I. I, dist. I, q. i, a. 1, concl. 6 ; 1. IV, dist. XLIX, q. i ; Soncinas, 1. I, dist. I, q. i, a. 1, concl. 6 ; Melchior Cano défend la même thèse, De locis theol., 1. XII, c. xiv ; Fonseca, In I Mclaph., c. i, q. i, sect. vi : Conimbricenses, Ethic, disp. III, q. iii, a. 2 ; Bellarmin, Conlrov., De sanctorum beatitudine, c. n ; Becan, S. J., Theologia scholaslica, Paris, 1724, part. IL tr. I, c. i, q. m. On trouvera l’exposé et la justification de l’opinion thomiste dans Jean de Saint-Thomas, op. cit.. disp.

II, a. 3, n. 15-61, a. 4 ; Salmanticcnses, op. cit., dub. iv ; Gonet, op. cit., disp. III, a. 2 ; Billuart, Cursus theotogiæ, Paris, 1878, t. iv, De nltimo fine, diss. II, a. 2. Parmi les théologiens plus récents, citons Mazzella, De Dco créante, disp. VI, a. 1, § 2, n. 1179 ; C. Pesch, Prælcclioncs iheologicie, t. iii, n. 449 ; Hurter, Theol. dogm. eompendium, t. iii, tr. X, c. v ; et, par un simple mot jeté en passant. Billot, De novissimis