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GEORGIE


disant aux Géorgiens de se rendre en pèlerinage aux sanctuaires arméniens de Vagharchapat. Kvirion écrivit au pape saint Grégoire le Grand qui lui répondit par une lettre de félicitations. Epist., 1. IX, epist. lxvii, /'. /.., t. lxxvii, col. 1204. Depuis cette bruyante séparation une haine profonde a régné entre ces deux peuples voisins. Elle s’est même accrue au cours des âges par suite de torts réciproques et garde encore aujourd’hui toute son acuité. Vincent de Beauvais, Spéculum hisloriale, t. u. 1. XXX, c. xcviii, qui écrivait au xiii e siècle, en donne un curieux exemple : si un Géorgien, passant devant une église arménienne, sent une épine lui pénétrer dans le pied, il ne doit pas se baisser pour l’arracher afin de ne point paraître s’incliner devant l'église arménienne. Un voyageur du xviii siècle, Chardin, Voyage en Perse, Amsterdam, 1711, p. 123, rapporte qu’ils s’abhorrent mutuellement, qu’ils ne s’allient jamais entre eux et que les Géorgiens ont un mépris extrême pour les Arméniens qu’ils considèrent à peu près « comme on fait des Juifs en Europe. » Cet antagonisme violent explique les exagérations commises de part et d’autre à propos de l’union temporaire des deux Églises. Les Arméniens ont certainement donné à l’influence qu’ils exercèrent en Géorgie une importance qu’elle n’eut pas, non seulement dans les débuts du christianisme en ce pays, mais encore plus tard, quand leurs catholicos y jouirent d’une certaine autorité. D’autre part, les Géorgiens, sans doute dans le but louable de protester qu’ils ne sont jamais tombés dans les erreurs monophysites, ont nié systématiquement touti dépendance de leur Église vis-à-vis de celle d’Arménie. La vérité se trouve peut-être entre ces deux affirmations extrêmes. La conclusion qui semble s’imposer, c’est que la Géorgie orientale a très probablement dépendu pendant un certain temps du catholicos arménien et qu’elle se laissa alors entraîner dans le monophysisme. Quant au reste du pays, il est impossible de dire si oui ou non il a participé à cette dépendance.

VI. Organisation de l'Église. Autonomie. — Les tribulations multiples par lesquelles la Géorgie a passé pendant de longs siècles, invasions répétées des Perses, des Arabes, des Turcs, des Mongols, occupalions étrangères, divisions intestines, etc., ont fait disparaître un grand nombre de documents précieux dont l’absence se fait vivement sentir aujourd’hui. Le peu qui nous en reste présente un laconisme tel que nous connaissons fort peu de chose sur la période qui a suivi la conversion de la Géorgie au christianisme. Encore faut-il ajouter que ces documents sont postérieurs de plusieurs siècles aux événements qu’ils racontent, ce qui amoindrit singulièrement leur valeur, bien que la plupart se basent sur des textes plus anciens. En l’absence de tout autre renseignement, nous serons cependant obligés de nous en contenter.

Il est sûr que les premiers missionnaires envoyés en Géorgie par l’empire byzantin ont introduit dans . ce pays la liturgie byzantine. La langue employée dans les cérémonies fut d’abord le grec. Mais quand l'Église fut organisée et que la traduction des Livres saints en géorgien eut été faite, c’est la langue nationale qui prévalut. On ne saurait, en l’absence de documents certains, fixer la date à laquelle s’opéra cette transformation. Il ne semble pas cependant qu’il Uiille la reculer plus loin que le VIe siècle. Certains indices nous permettent aussi d’affirmer que l’influence syrienne se fit également sentir, soit dès le début, soit au vi c siècle, à l’arrivée des missionnnaires syriens dont nous aurons à reparler.

Nous avons vu plus haut que les documents géorgiens donnent au premier évêque le nom de Jean. Son apostolat, au dire de la Chronique de Géorgie, Brosset, op. cit., 1. 1, p. 137, fut de courte durée. L'évêque Jacques

continua l'œuvre commencée et fit pénétrer peu à peu le christianisme dans la niasse du peuple. Malheureusement, les invasions fréquentes des Perses amenèrent çà et là le rétablissement du culte du feu. Au commencement du v c siècle, la religion chrétienne avait de ce fait subi des pertes importantes. Le roi Artchil I er (410-434) chassa les Perses, proscrivit le mazdéisme et réorganisa l'Église à laquelle il donna pour chef l'évêque Mobidan. Celui-ci, secrètement partisan du mazdéisme, essaya sournoisement de rétablir le culte du feu, mais il fut découvert et excommunié par un synode auquel le roi avait convoqué toutes les autorités religieuses du pays. Quelque temps après, on fit venir de Constantinople l'évêque Michel pour présider à l'éducation du roi Vakhtang (446-499). Brosset, op. cit., t. i, p. 151. Ce Michel, devenu plus tard chef de l'Église géorgienne, lutta vaillamment contre les mazdéistes qui étaient loin d’avoir disparu. A la suite de désaccords avec le roi — peut-être défendait-il simplement les droits de l'Église contre les empiétements du pouvoir civil — il se vit remplacer par un autre prélat grec venu de Constantinople. Ce serait à partir de cette époque, vers 471, que, d’après la Conversion de la Géorgie, Mtzkhéta aurait reçu son premier catholicos ou patriarche. Taqchivili, Trois chroniques historiques (en géorgien), p. 29. La création de douze nouveaux diocèses, qui fut la conséquence de cet acte, amena une diffusion plus rapide du christianisme. Brosset, op. cit., t. i, p. 195. Une nouvelle invasion perse, plus terrible que les autres, eut lieu vers 498, causa des ruines innombrables et valut la palme du martyre à beaucoup de fidèles. Vers le milieu du vie siècle, treize missionnaires vinrent de Syrie, sous la conduite de saint Jean Zédadznéli, et durent recommencer en grande partie l'évangélisation du pays. C’est à cette époque, de la fin du ive au vie siècle, qu’il faudrait faire remonter la traduction de l'Écriture sainte en langue indigène et l’introduction du géorgien dans la liturgie. Les plus anciens manuscrits de la Bible qui existent actuellement sont, au dire des archéologues, du viie siècle, mais ils ont été copiés sur des textes antérieurs. Nous étudierons cette question plus loin, quand nous parlerons de la littérature géorgienne. Dès le milieu du vi c siècle, le catholicos fut choisi parmi les prélats géorgiens. Le premier serait Saba ou Dassaba (542-557).

La tradition constante en Géorgie veut que l'Église de ce pays ait dès son origine dépendu de celle d’Antioche. Nous retrouvons la même opinion chez les historiens grecs ou arabes, surtout à partir du xie siècle. Aujourd’hui encore, les deux patriarches melkites d’Antioche, le catholique aussi bien que l’orthodoxe, revendiquent une autorité nominale sur l’Ibérie. Que faut-il penser de cette suzeraineté exercée par Antioche sur la lointaine Géorgie ? Nous avons résumé plus haut la tradition relative à l’action apostolique de saint Eustathe et au voyage qu’il aurait accompli dans le Caucase. Si l’on n’admet pas que ce patriarche se soit occupé de la conversion de la Géorgie, il est bien difficile d’indiquer à quelle date a commencé la dépendance. Dans les rares documents qui nous restent, nous ne trouvons que des traces d’une juridiction effective et rien de plus. Il nous est même impossible de préciser à quelle époque elle a cessé. La tradition géorgienne veut que ce soit sous Vakhtang, vers 471, quand la Géorgie reçut son premier catholicos ou patriarche. Un texte de BaLsamon semble donner raison à cette opinion. Il apprend, en efl’et, qu’une décision synodale d’Antioche décerna à l’archevêque d’Ibérie le privilège de l’exemption, à l'époque du patriarche Pierre, décision qui reconnaissait l’autocéphalie à l'Église géorgienne, mais sous le patronage d’Antioche. P. G., t. txxxvii, col. 320. Quel est ce patriarche Pierre ?