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bation de Benoît III, sous cette réserve toutefois, que le rapport d’Hincmar reposait sur l’exacte vérité. C’était la victoire définitive d’Hincmar. Cf. L. Sallet, Les réordinations, Paris, 1907. p. 129-137.

Entre temps avait éclaté la lutte de la double prédestination que souleva Gottescale. Entendu et condamné au concile de Mayence (848), le moine saxon fut ensuite livré à Hincmar, son métropolitain, auquel incombait le soin de le punir et de le ramener à la véritable doctrine. Enfermé à Hautvillers, Gottescale, isolé de la lutte, ne put continuer lui-même sa propagande, mais il trouva des collaborateurs. Cependant la bataille ne reprit qu’à l’occasion d’un écrit d’Hincmar sur les théories de. Gottescale et intitulé : Ad reclusos et simplices in Remensi parochia, P. L., t. cxii, col. 1519. Cet opuscule provoqua une réponse pleine de vigueur et d’esprit due à la plume de Ratramne, moine de Corbie.

Dédaignant une controverse avec un simple moine ou incapable de lui répondre, Hincmar fit appel à des concours amicaux. Nous possédons les réponses de Loup de Ferrières, Epist., cxxix, ad Ilincmarum, P. L., t. exix, col. 606-608, et de Prudence de Troyes, P. L., t. cxv, col. 971-1018. Leur exposé de la doctrine ne le satisfit point, car il ne cadrait pas avec ses théories et même les contredisait souvent. Il sollicita alors le secours de Raban Maur, qui, prétextant son grand âge et l’inutilité de la discussion, se récusa. Abandonné de ce côté et poussé par de nouvelles attaques, il s’adressa à Jean Scot, qui, dès 851, écrivit son De divina prædeslinalione, P. L., t cxxii, col. 355-440. Ce livre où les sophismes abondent déchaîna une véritable tempête contre son auteur et son instigateur et provoqua une réponse passionnée de Prudence de Troyes, P. L., t. cxv, col. 1009-1376, et une autre d’un anonyme de la province de Lyon, P. L., t. exix, col. 101-250. L’appui qu’Hincmar trouva dans Amolon de Lyon, qui condamna de nombreuses propositions tirées des théories de Gottescale, Epist. ad Gofhesch deum, P. L., t. cxvi, col. 8 1-96, fut passager, et, l’archevêque étant mort, Hincmar reçut de Lyon un écrit où sa personne et ses théories étaient malmenées, P. L., t. cxxi, col. 985-1068.

Au fond, la querelle n’était qu’une question de mots et les deux camps ne s’écartaient point de l’orthodoxie. Hincmar et ses amis se plaçaient sur le terrain pratique et moral et défenda’ent avec âpreté la liberté et la possibilité pour chacun d’opérer son salut, les autres se lançaient dans des théories spéculatives, voulant préserver de la moindre atteinte lr toute-puissance absolue de Dieu. Mais dans l’ardeur de la lutte les uns et les autres s’accusaient réciproquement ou de semi-pélagianisme ou de prédestinatianisme.

Bientôt la lutte, jusqu’ici purement littéraire, allait continuer dans les conciles. Au synode de Quierzy (853), convoqué en toute hâte par Charles le Chauve, qui voulait mettre un terme à ces vaines discussions, les quelques prélats présents formulèrent leur doctrine en quatre articles. De Lyon arriva bientôt la réponse à la définition conciliaire et cela sous forme d’une critique acerbe de chacun des articles. P. L., t. cxxi, col. 1083-1134. Mais ce n’était qu’un prélude. Les évêques des provinces de Lyon, Vienne et Arles, rassemblés au concile à Valence (8 janvier 855), publièrent 23 canons, rédigés par Ebbon, évêque de Grenoble et neveu de l’ancien archevêque de Reims. Six de ces canons sont une riposte directe aux quatre articles de Quierzy.

Obligé de se défendre, Hincmar prit la plume et rédigea un ouvrage en trois livres dont il ne reste que la dédicace au roi. P. L., t. cxxv, col. 49-56. Bientôt il (tait l’objet d’une nouvelle attaque de Prudence de Troyes. Epist. ad Wenil, P. L., t. cxv, col. 1365-1368.

Visé à nouveau par les conciles de Langres et de Savonières (859), Hincmar composa pour sa défense son grand ouvrage : De prædestinatione Dei et libero arbitrio, P. L., t. cxxv, col. 55-474, qui n’est qu’une compilation de textes empruntés à l’Écriture et aux Pères, où l’ordre et la clarté font presque totalement défaut. Il est à peu près nul au point de vue théologique. Toute son argumentation, qui revient, sous mille formes différentes, consiste en ceci : que si Dieu prédestine les méchants à l’enfer, il est lui-même l’auteur du péché, puisque c’est le péché qui mérite l’enfer. Il semble confondre la prescience de Dieu et la prédestination, qui n’en est qu’une conséquence.

Enfin, au concile de Thusey (octobre 860) une réconciliation au moins apparente se produisit entre les adversaires et la lutte cessa.

Dès le début de la controverse sur la prédestination, Hincmar s’était élevé contre la formule trina deitas, comme contraire à la foi et équivalente de deitas triplex. Il l’avait remplacée par summa deitas dans l’hymne Sanctorum meritis inchjla gaudia, du commun de plusieurs martyrs. Des protestations véhémentes se produisirent contre ce changement arbitraire, surtout parmi les moines, et l’un d’eux, Ratramne, écrivit contre Hincmar un ouvrage entier, perdu aujourd’hui. Encouragé par l’exemple du moine de Corbie, Gottescale publia plusieurs écrits dont l’un seulement nous a été conservé par Hincmar, qui le cite. Certaines de ses expressions prêtaient à la critique et avaient des tendances ariennes. L’occasion s’offrait bonne à Hincmar pour attaquer son vieil adversaire. Aussi écrivit-il contre lui sa Collectio ex sacris Scripluris et orthodoxorum dictis de una et non trina deitate, sanctse videlicel et inscparabilis trinilalis unilate ad refellendas Gotheschalci blasphemias cjusque nsenias refutandas, P. L.. t. cxxv, col. 473-618, rédigée probablement entre 864 et 868. L’auteur, au lieu de développer les principes de la doctrine, s’attache pas à pas aux affirmations de son adversaire et les réfute les unes après les autres. Cette méthode l’oblige à de multiples répétitions, inévitables, mais fatigantes. De plus, comme toujours, son argumentation consiste uniquement dans un amoncellement de citations patristiques et passe souvent à côté de la question sans la toucher. En fait de raisonnement, il ne connaît que le principe d’autorité.

On ne sait point si, après l’apparition de cet ouvrage, la lutte continua. Mais il est probable qu’Hincmar fit le nécessaire pour que le prisonnier d’Hautvillers fût réduit au silence.

Ces deux questions de la prédestination et de la formule trina deitas sont les seules où Hincmar ait cherché à faire preuve de connaissances théologiques. Il est même probable que, sans l’occasion que lui fournit Gottescale, il se serait peu intéressé aux controverses dogmatiques. Voir col. 1500-1502.

Cependant on peut glaner çà et là dans ses écrits quelques-unes de ses idées sur des points particuliers. Ainsi il croit au changement réel du pain et du vin au corps et au sang du Christ et s’élève contre les théories de Scot, qui ne voit dans l’eucharistie qu’une figure ou un mémorial. Sirmond, Hincmari opéra, Paris, 1645, t. i, p. 767 ; t. ii, p. 97 sq., 141, 844. Comme Radbert, il semble croire que la communion ne nourrit pas seulement l’âme, mais aussi le corps, Sirmond, t. il, p. 844 ; Carmen ad B. M. V., vers 45 sq., et comme lui il confesse l’identité du corps eucharistique du Christ avec celui qui fut attaché à la croix, Sirmond, t. ii, p. 90, 844, et que la messe est le renouvellement quotidien du sacrifice de la croix. Sirmond, t. ii, p. 90, 97. Ses théories sur ces différents points devaient être développées dans son ouvrage sur les sacrements, aujourd’hui perdu. Il admet que le Christ a quitté le sein de