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HILAIRE (SAINT)


jouissant de la faveur impériale, semblait promettre un retour à la pleine orthodoxie ; l’Athanase de l’Orient composa le sien après le même concile, dont le résultat avait été l’écrasement du parti homéousien et la suprématie du parti homéen avec l’intrusion d’un credo impérial : le temps n’était plus aux ménagements ni aux essais de conciliation. Coustant, Prie/, in librum de synodis, 13-17, col. 476 sq. ; Th. de Régnon, op. cit., 3e série, t. i, p. 247. Et pourtant, aux jugements sévères sur les symboles se joint, chez l’évêque d’Alexandrie, une attitude conciliante à l’égard des lioméousiens et de leur mot d’ordre. Voir t. i, col. 1831. Du reste, Hilaire n’avertit-il pas lui-même ses lecteurs, De syn., 8, col. 484, de ne pas se prononcer avant d’avoir pris connaissance de tout son écrit ? Or, à la fin, il exhorte de toutes ses forces les lioméousiens à se rallier simplement à la foi de Nicée. N’était-ce pas laisser entendre que, s’il les croyait en bonne voie, il ne les croyait cependant pas arrivés au terme ? Il eut l’occasion de s’expliquer là-dessus. Il avait écrit, De syn., 78, col. 530 : Quanlam spem revocandse verse fldei altulislis, constanter audacis perfidise impelum retundendo ! La phrase ayant été critiquée, il répliqua dans ses Apologctica responsa, 4, P. L., t. x, col. 546 : « Je n’ai pas parlé de retour à la vraie foi, mais exprimé seulement l’espoir qu’ils donnaient de ce retour : non enim cos veram fidem, sed spem revocandse fldei atlulisse dixi. » Dès lors, on peut se demander si, dans les interprétations bénignes du saint évêque, il n’y avait pas parfois une manière délicate de favoriser le retour complet des lioméousiens, en leur faisant comprendre quel sens ils devaient donner à leurs formules pour les rendre acceptables.

3° Esprit-Saint : personnalité et divinité. — Hilaire a spécialement traité de la troisième personne de la Trinité dans trois endroits du De Trinitate, II, 29-35, col. 69-75 ; VIII, 19-31, col. 250-260 ; XII, 55-57, col. 469-472. La doctrine est beaucoup moins développée que pour les deux autres personnes, et cette circonstance a donné lieu aux attaques rapportées col. 2419. En ce qui concerne la distinction réelle et la personnalité, la vraie pensée du docteur gaulois ressort pleinement de sa croyance trinitaire. Dans ses écrits, avant comme après l’exil, il présente le Saint-Esprit comme rentrant dans la Trinité chrétienne au même titre que le Père et le Fils ; c’est à propos du Saint-Esprit, joint aux deux autres dans la formule fondamentale de notre foi, qu’il a dit : « Nous n’avons qu’un tout imparfait, s’il manque quelque chose au tout. » De Trinitate, II, 29, col. 69. Ce qu’il prétend soutenir, c’est une Trinité non miins opposée au modalisme de Sabellius qu’au subordinatianisme d’Arius ; Trinité où le Saint-Esprit ne doit se confondre ni avec le Père, qui seul est innascible, ni avec le Fils, qui envoie l’Esprit Paraclet. De Trinitate, II, 4-5 ; De syn., 32, 53-55, col. 52 sq., 504, 519. Quand il établit que le Saint-Esprit existe, les raisons apportées vont à prouver qu’il existe comme troisième terme d’une Trinité réelle et comme sujet de propriétés convenant à un être subsistant : il tient son origine du Père et du Fils, Pâtre et Filio auctoribus confilendus est ; il est envoyé, do.iné, reçu, obtenu. De Trinitate, II, 29, col. 69. Il procède du Père, et tient du Fils tout ce qu’il a ; il est du Père par le Fils, q ii ex le per unigenilum luum est. Ibid., VIII, 20 ; XII, 57, col. 251, 472. La procession ab ulroque est équivalemment contenue dans ces affirmations ; elle serait même formellement exprimée dans le fragment qui se lit, P. L., t. x, col. 726 : ambo unum principium Spiritus Sancti sunt, si l’authenticité de ce fragment était acquise. La dénomination de Spiritus Sanctus s’applique parfois, il est vrai, au Père et au Fils, mais il n’y a en cela, remarque Hilaire, rien qui doive troubler, in quo nihil scrupuli est, puisque

les deux noms composants, esprit et saint, conviennent réellement aux trois personnes. Coustant, Prsef. yen., 68, col. 39 ; Th. de Régnon, op. cit., 3e série, t. ii, p. 292 sq. Nulle difficulté contre la personnalité distincte de celui auquel cette dénomination est spécialement attribuée, du moment où cette personnalité distincte est établie par ailleurs ; et elle l’est, notamment par le titre de Don et d’Esprit Paraclet, qui nous est envoyé par le Père et le Fils. De Trinitate, II, 3032 ; VIII, 25, col. 70 sq., 254.

La divinité du Saint-Esprit est contenue dans cette doctrine comme la conclusion dans les prémisses. La pensée d’Hilaire se confirme quand, revenant sur le sujet, comme si, parmi les lioméousiens d’alors, l’erreur des pneumatomaques avait eu déjà des partisans, il refuse catégoriquement de mettre l’Esprit-Saint au nombre des créatures. L’Écriture, qui nous montre l’Esprit procédant du Père, Joa., xv, 26, ne nous a pas révélé le mode de cette procession, comme elle l’a fait pour la seconde personne en la proclamant engendrée ; mais il suffit que l’Esprit Paraclet soit du Père par le Fils, qu’il soit l’Esprit de Dieu et que, comme tel, il pénètre jusqu’aux profondeurs de Dieu, I Cor., ii, 10, pour que nous devions refuser de voir en lui un être créé : Nulla te nisi res tua pénétrai… Tuum est quidquid te init. De Trinitate, XII, 55, col. 469. Cela étant, pourquoi saint Hilaire n’a-t-il jamais expressément donné au Saint-Esprit l’appellation de Dieu ? Question secondaire, dont on peut dire ce qu’il dit lui-même : Neque sit mihi inutilis pugna verborum. Ibid., 56, col. 471. Peut-être l’exilé d’Asie Mineure a-t-il délibérément évité l’emploi d’un terme qui, n’étant pas encore appliqué à la troisième personne dans les symboles officiels, aurait pu créer de nouvelles difficultés, soit entre lui et les lioméousiens, soit entre les lioméousiens eux-mêmes. Coustant, Prsef. in lib. de Trinitate, 12-16, col. 14 sq.

Il reste que, sur le Saint-Esprit comme sur le Fils Hiliire a proposa et défendu la doctrine catholique, telle qu’elle était énoncée de son temps, et que son enseignement ne mérite pas les critiques sévères qu’on lui a parfois adressées, suivant la juste nrmrque de A. Beck, op. cit., p. 236. Entre le commentaire sur saint Matthieu et les écrits composés pendant ou après l’exil, il y a progrès manifeste, progrès dû en partie à l’étude de la théologie orieitale ; mais ce progrès n’accuse pas une différence de doctrine, il porte seulement sur une intelligence plus profonde, une exposition plus ample et une expression plus circonspecte d’un même fond doctrinal.

iv. Jésus-christ. — Saint Hilaire, défendant contre les ariens la consubstantialité du Fils de Dieu, se trouvait par le fait même en face de la personne de Jésus-Christ, celui-ci n’étant rien autre que le Fils de Dieu né d’une Vierge pour le rachat du genre humain. De Trinitate, II, 24, col. 66. « Mystère de notre salut » , dont le docteur gaulois parle avec la conviction la plus intime et la piété la plus profonde. Nul sujet où il ait marqué davantage l’empreinte de son esprit chercheur et original ; nul sujet aussi où il ait donné plus de prise à la critique. Soit, à titre d’exemple, cette affirmation massive de E. Cunitz, dans Y Encyclopédie des sciences religieuses, art. Hilaire de Poitiers, Paris, 1879 t. vi, p. 245 : « On n’a pu s’accorder jusqu’à ce jour sur la q les ion, si les idées qu’Hilaire professa sur la cliristolo|ie, et eu particulier sur la nature de Jésus-Christ, sont conformes ou non au dogme catholique. » Il importe de dégager les grandes lignes de son enseignement, avant d’examiner en détail les points incriminés.

Doctrine christologique.

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