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IIIÉROCLÈS


infamies et alla jusqu’à frapper le préfet ; pour prix de sa courageuse intervention, il fut mis à la torture et jeté a la mer par ordre d’Hiéroclès. Eusèbe, De marlyribus Palestinie. 5, P. G., t. xx, col. 1480. C’est là encore qu’Hiéroclès, apprenant la conversion au christianisme de son collègue Arrien, le fit comparaître avec le saint moine Apollonius, un solitaire de la Thébaïde, et le joueur de flûte Philémon, causes de celle conversion. Et comme en route Apollonius avait encore converti ses gardiens, Hiéroclès fit, dès leur arrivée, jeter à la mer tout ce groupe de fidèles. Les flots, dit Rufin, De vitis Patrum, 13, P. L., t. xxt, col. 442, leur furent non une mort, mais un baptême. Voilà quelques-uns des exploits de ce philosophe néoplatonicien arrivé aux plus hautes charges de l’empire ; il était bon de les rappeler pour souligner le ton ironique de son langage dans son libelle contre les chrétiens.

L’ouvrage.

C’est à Nicomédie, en 303, qu’Hiéroclès

fit paraître son ouvrage en deux livres. Il l’écrivit, observe Lactance, Div. instil., v, 2, P. L., t. vi, col 355, non pas Contre les chrétiens, afin de n’avoir pas l’air de les poursuivre dans un esprit d’hostilité, mais Aux chrétiens, afin de faire croire qu’il voulait leur donner des conseils humains et bienveillants.

Cet ouvrage ne nous est point parvenu, et, bien qu’il ait été l’objet d’une réfutation de la part d’Eusèbe de Césarée, il est difficile ou plutôt impossible de le reconstituer, car les citations en sont trop peu î ombreuses et ne permettent par d’en rétablir le texte, comme cela a pu être fait pour le Aôyoç à^Or, ; de CelsL-, grâce aux nombreux passages textuellement rarportés par Origène. Son vrai titre semble avoir été Aoyoç zivalr’fir^ Tipoç xoù ; y p’.cfttavoôç ; Eusèbe ne le désigne que sous celui de $iXaXr107)ç. Son contenu nous est connu grâce à Lactance, d’une part, et à Eusèbe de Césarée, d’autre part. D’après Lactance, Hiéroclès s’ellorce d’y établir la fausseté de la sainte Écriture, comme si elle était toute remplie de contradictions ; il expose les chapitres qui paraissent en désaccord entre eux ; il les énuiïière en si grand nombre et avec une telle connaissance du suiet, qu’il semblerait parfois avoir professé la relipion qu’il attaque. Pour discréditer les témoins du Sauveur, il traite avec dédain Pierre, Paul et les apôtres, gens grossiers et ignares, tanquam jalhc.ee seminatores. qui gagnaient leur vie par le produit de leur pêche et le travail de leurs mains, comme s’il soutirait que ce ne fût pas un Aristarque ou un Aristophane qui ait narré les faits évangéliques. Div. instil, v, 2, P. 1’.., t. vi, col. 555-556. Il y affirme, entre autres choses, que le Christ, exilé par les Juifs, s’élait livré au brigandage à la tête d’une troupe de neul cents hommes. Ibid., v, 3, col. 557. Mais comme il ne pouvait nier ses miracles, ii essaie de les rabaisser et de montrer qu’Apollonius en avait fait de semblables, et même de plus grands. Car le but secret de son livre était de nier la divinité de Jésus-Christ. Lactance s’étonne qu’il ait négligé Apulée. Ihid., col. 558. Très habilement, Hiéroclès, moins scrupuleux que Jemblique ou Porphvie, qui, tout en nourrissant la haine du christianisme, s’étaient bien gardés de faire appel à la Vie d’Apollonius de Tyane par Philostrate, fit de ce lomai d’aventures, qui n’est au fond qu’une contrefaçoii de la vie du Christ, du ministère apostolique et de l’établissement el’É-lise, voirt. i, col. 1509 1510, son arme de guerre. Il s en empara comme s’il avait récucment une valeur historique, opposant aux tenions du Christ, qu’il traite de à^aiBsutoi et de yo^TE ;, ces hommes doctes et amis de la vérité, tels que Maxime d’Egée, Damis le philosophe et l’Athénien Philostrate, qui ont voulu sauver de l’oubli les faits et g-stes d’Apollonius de Tyane. Eus be, Aav. Hie ocli m, 4, P. G., t. xxii, col. 80. Ce n’ist point qu’il

prétendît faire d’Apollonius une divinité, comme l’avait fait Philostrate, mais simplement montrer en lui un ami des dieux, bien autrement grand que Jésus ; car, beaucoup plus modéré que les chrétiens, qui n’hésitent pas à proclamer Dieu Jésus-Christ pour quelques prodiges, Si’oXîyaç TepatEia ; Tivàç xov’IriaoOv ©sov àvayopsûouai. il ne range point son héros au nombre des dieux. Ibid. C’était clairement donner à entendre que Jésus n’est pas Dieu, et par là même ruiner le christianisme.

Dans sa vive et mordante riposte, Eusèbe de Césarée, se proposant de réfuter ailleurs les allégations mensongères d’Hiéroclès, constate que nul n’avait jusque-là attaqué la religion chrétienne avec de pareils arguments ; et c’est moins au texte lui-même d’Hiéroclès qu’il s’en prend qu’à la source même où il a puisé, c’est-à-dire à cette Vie d’Apollonius de Tyane. Il la critique vigoureusement ; il en montre l’inconsistance les contradictions grossi ires : il en discute un à un les principaux prodiges attribués à Apollonius et il montre que, même en les tenant pour authentiques, ils s’expliquent par la magie qu’Apollonius avait apprise chez les brahmanes ou par une intervention diabolique : auvsoyei’a Sai|j.ovoç ÉV.aaTOv aûxto BiaTTtTipiyOai to’jtwv aatpoiç Seî/vutou. Adv. Hieroelem, 35, ibid., col. 845. Si bien qu’au lieu de pouvoir être opposé à Jésus-Christ, comme Hiéroclès s’en flattait, cet Apollonius n’est à ranger ni parmi les philosophes, ni même parmi les hommes modérés et médiocres. « Mon dessein, dit Eusèbe, n’est pas d’examiner lequel des deux (d’Apollonius ou de Jésus-Christ) a possédé le mieux le caractère divin ou a fait des miracles plus nombreux et plus éclatants. Je ne parlerai point de l’avantage qu’a Jésus-Christ, notre Sauveur et Seigneur, d’avoir été longtemps à l’avance annoncé par les prophètes sous l’inspiration divine, ni de ce que, par la force de sa doctrine céleste, il s’est attiré un plus grand nombre de sectateurs, ni de ce que, pour témoins de ses actes, il a eu ses disciples, gens sincères et incapables d’en imposer, tout prêts à subir la mort pour soutenir la doctrine de leur maître. Je ne m’arrêterai pas à montrer qu’il est le seul à avoir institué une école de frugalité destinée à durer toujours, ou avoir procuré le salut au monde par la vertu de sa divinité, attirant encore aujourd’hui à son divin enseignement une multitude innombrable, et victorieux de toutes les attaques dont il a été l’objet tant de la part des princes que de la part des peuples… Je ne relèverai pas non plus la preuve de sa puissance divine, si sensible encore de nos jours, puisqu’il suffit d’invoquer son nom sacré pour délivrer les possédés et chasser les démons. Rien de pareil dans Apollonius qui, d’après son histoire écrite par Philostrate, loin d’être un dieu et de pouvoir entrer en comparaison avec le Sauveur, n’est pas digne de prendre place parmi les philosophes ni même parmi les hommes de movenne importance » : tî>ç oùy 6’ti ye âv cpiXocdçoiç àÀX’oùSl èv È7risixÉ<Jt xai purpiotç avSpâatv otÇiov èyxpivE’.v. Adv. Hieroelem, 4, ibid., col. 801.

C’est ainsi qu’Eusèbe de Césarée, plus sévère qu’Origène, qui n’avait vu en Apollonius qu’un philosophe magicien, Contra Celsum, vi, 41, P. G., t. xi, col. 1357, ravale ce personnage, en discutant le lhre où sont racontés ses exploits. Par là même il ruinait la thèse du sophiste Hiéroclès, qui fut un pamphlétaire doucereux et hypocrite non moins qu’un persécuteur éhonté, digne de Galère et de Maximin.

L’intervention intempestive d’Hiéroclès invita Lactance à composer son ouvrage Divinarum inslilulionum. Ii ergo de auibus dixi, cum, præsente me ac dolente, sacrilegas suas litteras explicassent, et illorum superba impielate stimulalus, et veritatis ipsius conscientia, suscejd hoc munus, ut omnibus ingenii mei viribus accusalorcs justitiæ rejularem. Div. instil., v, 4, P. L.,