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HIERARCHIE


La vérilé et le mensonge, le crime et la vertu seraient considérés du même œil par Dieu, qui cependant est la justice essentielle. Les ennemis de sa loi, les négateurs effrontés de sa divinité, de ses sacrements, de sa providence, auraient droit aux mêmes récompenses que ses plus fidèles serviteurs I

Enfin, l’indifférence doctrinale deviendrait la règle de la vie humaine. Il ne resterait rien debout, de l’enseignement du Christ, de sa morale, de l’unité de son Église, de l’autorité des pasteurs. Chacun, selon son caprice, ses lumières et ses préférences, se constituerait un corps de doctrine, un décalogue rejetant toute autre autorité, toute hiérarchie ! Il suffit d'énoncer ces conséquences logiques de la théorie ainsi formulée pour en faire justice.

V. La hiérarchie de l'Église est monarchique. — Cette thèse est le corollaire des précédentes propositions. Dès lors que la primauté de juridiction se trouve concentrée en saint Pierre et ses successeurs ; que la société des fidèles ne la possède pas et ne la transmet pas ; que, bien moins, la société civile n’en dispose nullement ; qu’elle a été ainsi organisée par le divin fondateur, et non par les variations historiques qui se sont succédé dans le cours des siècles, il résulte que le dépositaire visible du pouvoir souverain, spirituel, est bien un sujet unique, conformément aux données évangéliques.

Les historiens, comme les théologiens et les philosophes, ont toujours distingué trois tonnes de gouvernement : la forme démocratique, reconnaissant au peuple le pouvoir souverain, qu’il délègue dans certaines conditions ; la forme aristocratique, confiant la puissance directrice à la partie de la nation formée par les nobles, ou bien les chefs qui s’imposent par les services rendus ; la forme monarchique, établissant un seul chef, dépositaire du pouvoir.

Quelle est donc la constitution choisie parNotreSeigneur pour son Église ? Est-ce la constitution monarchique absolue ? ou bien cette constitution est-elle tempérée par un certain mélange des deux autres formes ?

Faisons d’abord remarquer que, toutes ces formes de gouvernement étant légitimes en elles-mêmes, le Seigneur eût pu en adopter indifféremment l’une ou l’autre. Ici il est question de savoir quelle est celle qui a obtenu sa préférence. Il ne s’agit pas d'établir ce dernier point par les analogies avec les formes des autres gouvernements, ou les résultats divers qu’elles ont donnés pour la prospérité publique, dans le cours des siècles.

Puisque enfin Dieu établissait une société visible, tous ses organes devaient apparaître au grand jour : partant, le supérieur, élément essentiel de toute société, devait être manifesté.

1° Dans les déclarations que nous avons citées jusqu’ici, comme dans celles que nous invoquerons, nous trouvons l’indication d’un seul chef, d’un maître unique.

Dès lors, on pourra bien admettre, dans ce gouvernement monarchique, l’influence des éléments aristocratiques et démocratiques. Ces deux derniers systèmes, comme tels, sont exclus dans leurs caractères essentiels. Ils ne sauraient coexister formellement avec le premier. Celui-ci peut leur faire des emprunts proportionnels : c’est tout. Le monarque est à la tête du gouvernement entier ; les différents pouvoirs lui sont tous subordonnés ; il juge les autres, sans être justiciable d’aucun d’eux. Tous les membres de la société sont tenus de se grouper autour de sa personne, au nom des intérêts les plus sacrés.

2° Le gouvernement de l'Église se présente tel, en ses principes fondamentaux. Nul ne peut le contester.

Nous avons, en effet, écarté la forme démocratique. Elle est d’application impossible dans son acception rigoureuse. Si on introduit dans l'Église le système de la délégation des pouvoirs, elle est rejetée par l’enseignement de tous les siècles ; elle ne trouve pas une seule base acceptable. Pierre a reçu le droit de régir les fidèles ; ces derniers ont le devoir d’obtempérer à ses directions. Si par ces expressions : forme démocratique, il faut entendre la possibilité pour le fidèle du dernier échelon de la société de s'élever au plus haut rang de la hiérarchie, il serait vrai de dire que l'Église est une société démocratique. Mais ces termes généraux, équivoques, doivent être évités : ils prêtent à erreur. Cette situation très simple du fidèle dans l'Église, cette ascension bien connue de tous peut s'énoncer en termes clairs et précis, sans proclamer que la hiérarchie religieuse est démocratique.

3° Le gouvernement aristocratique ne peut pas non plus se concilier formellement avec l’institution divine. Comme le déclare le concile du Vatican : Juxla Euangclii testimonium (Matth., xvi, 16-19) primitum jurisdictionis in universam Dei Ecclesiam, immédiate et directe, bealo Petro aposlolo promissum a Christo Domino fuisse. Sess. IV, c. i. Denzinger-Bannwart, n. 1822. En effet, les paroles Beatus es… Ego dico tibi. Pater meus revelavit tibi… Ta es Pelrus sont absolument personnelles ; elles ne s’adressent pas au collège des apôtres, m lis nommement au chef du collège apostolique. Jésus-Christ ne lui transmît pas non plus une juridiction d’honneur. II lui confère ce pouvoir que possède la pierre angulaire, destinée à soutenir tout l'édifice, l'Église entière. Par conséquent, les autres apôtres, qui feront égaleuiînt partie de l'Église, ont reçu de Pierre leur force, leur sécurité, leur durée.

II résulte de là que le pouvoir souverain, immédiatement fondé par Jésus-Christ dans l'Église, revêt la forme monarchique. Tellement que les autres autorités constituées participent à l’autorité spirituelle par l’intermédiaire de Pierre. Ce dernier ne succède pas à Jésus-Christ, qui ne meurt pas. Il exerce le vicariat universel sous la dépendance du Christ, tandis que les autres l’exercent sous la surveillance du prince des apôtres.

Évidemment, les évêques, princes de l'Église eux aussi, institués de droit divin, ne sont pas les vicaires du pape, ni des chefs soumis à l'élection périolique et révocables au gré d’un supérieur. Ils administrent leur diocèse respectif, comme province définitiveme ît confiée à leur sollicitude. Voir t. v, col. 1702-1703. Néanmoins, selon l’expression de Bellarmin, le véritable monarque, supérieur à tous, c’est le souverain pontife : Romanum pontificem esse vere ac proprie momrcham et omnibus imperal et nulli subjicitur. Dz rommo ponlïfïce, 1. I, c. iii, à la fin.

Sans doute encore, dans l’administration ordinaire de l'Église, si délicate, si étendue, si compliquée, le pape consultera son sénat, composé du collège cardinalice ; voir t. ii, col. 1722-1723 ; dans les circonstances extraordinaires, il fera appel à des conseillers spéciaux, à des personnages aptes à lui donner le concours de leurs lumières, de leur expérience ; cela se conçoit. Mais en dernière analyse, la décision ultime lui appartient. Il peut dire au Seigneur comme saint Pierre : In verbo autem tuo, laxabo rete. Luc, v, 5.

Les preuves de la constitution monarchique de l'Église abondent dans l'Écriture et dans la tradition.

1. Dans l'Écriture. — Notre-Seigneur compare son Église à un royaume, à un bercail, à un édifice bâti sur un seul fondement, à une société gouvernée par un maître, à une maison dont un seul garde la clef, avec pouvoir d’en ouvrir et d’en fermer les portes. Or, pas de royaume sans roi, de bercail sans un pasteur, de