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HIERARCHIE

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ce sens que parlait Constantin, lorsqu’il prononça ces expressions dans un repas auquel il avait convié les évoques, Eusèbe, De vita Constantini, 1. IV, c. xxiv, P. G., t. xx, col. Il’12 : Vos quidem, inquil, in Us, quæ Ecclesiæ inlra sunt, cpiscopi estis. Ego vero in Us quæ extra gcruntur. La signification de ces paroles est parfaitement déterminée. L’autorité, la valeur des décrets ecclésiastiques provient des évêques ; le prince les appuie de tout son pouvoir, pour le plus grand bien du peuple. Les titres de rector Ecclesiæ, rector verse religionis, conférés par certains conciles à Charlemagne, n’ont et ne peuvent avoir une autre portée. C’est ainsi que des princes chrétiens ont retiré des décrets publics, quand on leur faisait comprendre qu’ils étaient contraires aux lois ou à la tradition ecclésiastiques.

C’était l’époque où saint Léon le Grand pouvait écrire aux puissants de la terre, qu’ils étaient constitués en autorité pour aider l’Église : Dcbes incunctanter aelvertcre regiam potestatem tibi, non ad solum mundi regimen, sed maxime ad Ecclesiæ præsidium esse collatam, ut, ausus nejarios comprimendo, et quæ bene sunt stedula defendas et veram pacem lus quæ sunt turbaia, restituas. Epist., clvi, c. iii, P. L., t. liv, col. 1130.

Quant à l’affhmation de l’archevêque parisien de Marca, Conccrdia sacerdotii et imperii, 1. Vil, c. ii, que les empereurs avaient autorité pour la revision des jugements pontificaux, voir t. vi, col. 1112-1113, c’est une pure invention. Loin d’être appuyée sur des preuves rationnelles ou historiques, cette opinion est dénuée de toute valeur et rejetée unanimement par les écoles catholiques. Nul n’ignore que, bien souvent, les souverains pontifes ont lutté énergiquement contre les princes séculiers, pour le maintien des lois ecclésiastiques et la sauvegarde de leur autorité.

A mesure que l’Église fait justice des procédés du laïcisme tyrannique, qui troublait sa hiérarchie et l’exercice de son autorité, les juristes et les politiques multiplient leurs essais d’empiétement sur la liberté de l’Église, tout en proclamant que cette dernière attente sur les droits de la souveraineté civile. Voir t. vi, col. 1124-1131. De ces prétentions ont surgi le placilum regiumetl’exequatur. Au nom de ces prétendus droits, le pouvoir civil croit être en mesure d’autoriser ou d’interdire la publication des actes pontificaux, d’empêcher les nominations du saint-siège de sortir leurs effets dans le royaume.

Jamais, jusqu’au xv° siècle, on n’avait entendu dire qu’un représentant de l’autorité civile eût porté semblable atteinte aux prérogatives du pouvoir religieux. Voir t. vi, col. 1131-1135. Les rescrits pontificaux, les décrets conciliaires avaient toujours été promulgués dans le monde chrétien sans soulever les ombrages d’une politique jakuse. Zaccaria, Comandi qui puo, ubbidisca qui deve, etc., Fænza, 1788, p. 183.

L’Église a toujours repoussé le principe de ces actes si contraires à l’indépendance du saint-siège. Pie VI emprunte le texte de la Déclaration du clergé de France de lYnnée 1765 pour réprouver ces abus du pouvoir civil : Minime indigetis regia auciorilate ad evulgandam, ta.nqu.am rcgulam sanctæ apostolicæ sedis, responsioncm in re merc spirituali. Novæ hæ litterir, 19 mars 1792. A. Theiner, Documents irédils relalijs aux afl aires de la Fiai c, J 7° <> à J8vo, Paris.. 1857, t. I, p. 132.

Lorsque l’Église a accepté parfois cette formalité, dite d’enregistrement des bulles, par suite de concordats, ou d’entente mutuelle, ce n’a jamais été comme reconnaissance des droits du temporel sur la hiérarchie spirituelle. Elle voulait seulement donner plus de solennité, assurer une efficacité plus grande à ses propres ordonnances.

5° Système de l’évolution de la hiérarchie dans l’Église.

— Ces théories commencèrent à se faire jour au temps de la Réforme, elles furent successivement adoptées dans les divers consistoires protestants. Prenons l’énoncé de Guizot, le représentant le plus autorisé de cette école. Histoire de la législation en Europe, leçon ii, p. 46.

Au début, il regarde la société chrétienne comme une simple réunion ayant communauté d’idées et de convictions. Aucune trace d’organisation hiérarchique ne s’y manifeste. Dans la suite cependant, une corporation populaire se forme, disciplinée, rangée sous l’action de magistrats élus par l’assemblée. Comme troisième période, l’illustre historien relève la distinction plus accentuée des prêtres et des laïque-, l’établissement d’une juridiction complète, une magistrature bien assise. Il assigne enfin le xi c siè’e, dominé par l’influence de Grégoire VII, comme’e point de départ de.ce qu’il appelle l’état théocratique et monarchique de l’Église. Guizot trouve même l’explication des variations des Églises protestantes dans les évolutions qu’il attribue à l’élaboration de la hiérarchie catholique. Le presbytérianisme, l’indépendantisme, le saccrdotalisme, Y épiscopalisme, etc., ont été les phases variées par lesquelles a passé, dit-il, l’institution chrétienne.

C’est là une pure illusion, un mirage historique. L’auteur évoque, à l’appui de cette mouvante théorie, des preuves d’imagination, des affirmations audacieuses, presque inconscientes. Il commence froidement par dénier toute valeur aux promesses si péremptoires de Jésus-Christ à son fondé de pouvoir, à saint Pierre. « Il ne faut pas prendre ces expressions à la lettre : il ne faut pas croire que le pape possédât dans toute sa grandeur le pouvoir qu’elles lui attribuent. » Histoire de la législation en France, p. 27. Voilà la p issante exégèse destin’e à paralyser les oracles évangéliques, les traditions s culaires. à réfuter l’enseignement de l’Église dans tous les temps et dans tous les lieux, à réduire à néant l’existence d’une société basée sur cette organisation hiérarchique que tous les siècles ont reconnue et acclamée.

L’abbé Gorini, dans son ouvrage si consciencieux, Défense de l’Église contre les erreurs historiques de MM. Guizot, Augustin et Amédée Thierry, etc., 3e édit., t. t, a relevé les erreurs et les contradictions accumulées dans ce système. Guizot s’est honoré en les reconnaissant et en remerciant son correcteur.

Ainsi, il affirmait, selon les besoins de sa thèse, l’existence d’un corps de doctrine établissant la hiérarchie ; puis, il finissait par nier ce qu’il avait accordé, devant l’évidence des documents. Il constatait encore l’unité et l’universalité essentielles de l’Église, l’uniformité de sa doctrine. Néanmoins, par suite d’une aberration inexplicable, il voulait que toutes les sectes protestantes, avec leurs négations contradictoires, leur séparation irréductible du centre de vérité, appartinssent au corps de l’Église, à cette société dont elles désavouaient les dogmes et répudiaient les principes 1

Il préconisait la grandeur et l’utilité de la hiérarchie catholique. Il énumérait les services sans nombre qu’elle a rendus à l’humanité ; les avantages qu’en ont retirés durant les siècles toutes les classes de la société. Comme conclusion, il accusait l’Église d’avoir attenté aux droits de la liberté, à l’indépendance de la raison, à la dignité humaine. Il appelait toutes les sectes à la lutte contre cette Église qu’il faudrait détruire.

De l’admission de ce système étrange, il résulterait que l’Église catholique, instituée par le Christ pour être la lumière de la vérité, le foyer de la sainteté, serait au contraire un amalgame de toutes les erreurs, le réceptacle de tous les vices déchaînés par les sectes.