Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/570

Cette page n’a pas encore été corrigée

2371

HIERARCHIE

2372

et les curés devaient être élus par le suffrage populaire, source unique du pouvoir religieux et ciyil.

En 1848, Mgr Alïre, archevêque de Paris, condamna une semblable erreur, reproduite dans le journal Le Bien social en ces termes : « Le peuple catholique est électeur souverain des dignitaires de la foi. l’rop. 2. » « C’est à la voix du peuple, au jugement de Dieu, qu’il faut en appeler, pour l’organisation future de la hiérarchie sacerdotale. Une pareille amélioration serait un retour à la constitution primitive de l’Église. Prop. 4. »

Le 23 mai 1874 la S. C. du Concile a dû porter une excommunication spécialement réservée contre les prêtres des provinces ecclésiastiques et patriarcales de Venise et de la métropole de Milan, qui, élus curés ou icaires au scrutin populaire, osai’nt prendre possession des églises, des biens ou droits ainsi offerts, et exercer dans ces conditions le saint ministère. D’après nombre d’auteurs, cette censure s’étendait à la catholicité entière : elle n’était, en effet, que l’application à un cas particulier de l’art. C de la constitution Apostolicæ sedis, frappant d’excommunication ceux qui portent obstacle à l’exercice de la juridiction ecclésiastique, et de l’art. 11. visant les usurpateurs de la juridiction des biens et des revenus appartenant aux clercs.

Enfin, le 4 août de la même année, la S. Pénite icerie promulgua l’excommunication spécialement réservée contre les membres des sociétés dites catholiques, fondées pour la revendication des droits du peuple pour l’élection du pape. Cette sanction comprenait tous ceux qui participaient aux actes de ces sociétés d’une façon quelconque. C’était là une suite des infiltrations protestantes, se multipliant en tous lieux, à la faveur du suffrage universel, que les sectes voudraient établir comme origine de tous les droits. Mais, comme nous l’avons démontre, les principes sur lesquels est basée la hiérarchie ecclésiastique sont d’ordre divin. Rien ne saurait prévaloir contre eux. L’Église fait siennes les paroles que s’appliquait saint Paul, avec une légitime fierté : Paulus apostolus, non ab hominibus, neque per hominem, sed per Jcsum Christum et Deum Patrem. Gal., i, 1.

Le Codex juris canonici a fixé en ces termes l’origine de la hiérarchie ecclésiastique : Qui in ecclesiasticam hicrarchiam cooplantur, non ex populi vel potestatis sxcularis consensu aul vocationc adleguntur : sed in gradibus potestatis o dinis conslituuniur sacra ordinatione ; in supremo pontificeda, ipsemel jure divino, adimplela condilione légitimée electionis ejusdemque acceplalionis ; in reliquis gradibus jurisdiclionis, canonica missione. Can. 109.

A cet exposé de principes, on a voulu encore, à notre époque d’engouement pour le référendum populaire, opposer la conduite et les paroles des apôtres, à l’occasion de l’élection des diacres, Act., vi, l-6 ; xi, 4, surtout l’invitation adressée par saint Pierre aux’fidèles : Considerate ergo, fralres, viros ex vobis boni teslimonii sepiem.. w. quos constituamus super hoc opus.

Mais l’inspection du contexte suffit à démontrer l’erreur d’interprétation de nos adversaires. Le peuple est appelé, ici, à désigner ceux qui lui paraissent dignes par leur foi, leur moralité, la dignité de leur vie, d’entrer en collaboration avec les apôtres surchargés de besognes secondaires. Les fidèles de Jérusalem. qui les connaissent sont invités à rendre témoignage à ces hommes d’élite. Mais ils ne doivent pas les constituer en dignité ; les apôtres eux-mêmes les institueront à la suite de cette présentation : quos constituamus super hoc opus. C’est ce que fait ressortir, avec la tradition ininterrompue de l’Église, le docte Bellarmin, De summo pontifice, 1. I, c. vi : Populus non ordiwwil unquam, neque creavit ministros, neque tribuit Mis unquam potestatem, sed nominavil solum et designavit,

sive, ut veteres loquuntur, postulavit eos quos ab apostolis per manus imposilionem ordinari cupiebal. Saint Cyprien avait déclaré, déjà d’une façon incisive : Apostolos, td est episcopos et pfepositos, Dominus elegit, diaconos aul m po^l a cc : »ionem Domini in ciehs aposloli sibi conslitucrunt, episcopalus S-ii et Ecclesiæ miùsbos. EptsL, iii, édit. Hartel, Vienne, 1871, t. iii, p, 471.

Le principe hiérarchique et le droit de direction ainsi sauvegardés, il ne faut cependant pas méconnaître l’utilité de l’action des laïques, circonscrite dans les limites requises. Parfois leur intervention est très bien venue’et ne saurait qu’être encouragée. Ils ont droit, et jusqu’à certain point devoir, de défendre les dogmes, la discipline, les rites de l’Église contre les assauts des incrédules.

A notre époque, l’autorité ecclésiastique ne peut que les encourager à mettre en lumière les droits du souverain pontife, des évêques et du clergé, à la direction des fidèles. Connaissant les préjugés, les sophismes qui ont cours dam le monde, ils peuvent les réfuter avec grande compétence et par des arguments appropriés aux divers milieux.

Dans l’antiquité, les Athénagore, les Justin, les Arnobe, etc., ont rendu à l’Église d’éminents services. De nos jours, les noms des apologistes laïques, des Joseph de Maistre, des de Bonald, des Chateaubriand, des Le Play, des Veuillot, etc., sont sur toutes les lèvres.

Les conciles provinciaux tenus en France, vers le milieu du xixe siècle, recommandent au respect des catholiques les écrivains fidèles, tout en traçant à ces derniers la ligne de conduite qu’ils ont à tenir, en sauvegardant les droits de l’autorité hiérarchique, entre autres, le concile de Paris en 1848, celui d’Avignon en 1849, celui d’Amiens en 1853. Cf. Mgr Guérin, Les conciles, t. in.

Pie IX résume cet enseignement dans son encyclique du 21 mars 1853, adressée aux évêques de France : Vos vehemenlcr excitamus, ne inlermillatis viros ingenio, sanaque doclrina præsianles exhorlari, ut viri ipsi opporluna scripta in lucem edant, quibus et populorum mentes illuslrare et serpentium errorum tenebras dissipare contendant… illos viros omni benevolenlia et favore prosequi velitis, qui catholico spirilu animati ac litleris et disciplinis exculti, libros istinc et ephemerides conscribere typisque mandare curant. Dans l’encyclique Providenlissimus Dcus du 18 novembre 1893, Léon XIII souhaite aussi que les savants catholiques utilisent leurs talents à la défense des Livres saints et qu’il se forme des associations qui subventionnent les spécialistes travaillant au progrès des études scripturaires. J.Didiot, Traité de la sainte Écriture, Paris, 1894, p. 59-61, 133-135, 229-230.

Il est parfaitement loisible aux laïques de prendre parti, selon leurs préférences, dans les questions que l’Église n’a pas tranchées, d’adopter, dans les discussions d’histoire, des sciences diverses, des solutions qui ne portent pas ombrage à la vérité révélée. Mais, même en ces circonstances, les souverains pontifes demandent à ces écrivains de ne se départir pas des règles de déférence, de modération et de charité qui doivent rester en honneur parmi les chrétiens. Cohibeatur scriplorum licentia, qui, ut aiebat Auguslinus, sententiam suam amantes non quia vera est, sed quia sua est, aliorum opiniones non modo improbanl, sed illibcraliler etiam notant alqu traducunt. Benoît XIV, const. Sollicita.

Enfin, les laïques ne sauraient, en conscience, soulever des débats irritants concernant les questions de foi ou de discipline ecclésiastique : ces sortes de difficultés doivent être résolues par les chefs hiérarchiques. Le devoir des laïques est de déférer à ces directions autorisées. Dans tous les cas, les écrivains catholiques