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HIERARCHIE


Dixi Cephæ coram omnibus : Si tu, cum judœus sis, gentiliter vivis et non juclaice, quomodo gentes cogis judaizare ? Gal., ii, 11. Cet argument, chaque fois réfuté, est renouvelé des gnostiques, des marcionites, de Porphyre et de Julien l’Apostat. Il n’en vaut pas mieux pour cela. C’est un parrainage plus que suspect. Quand a-t-on vu qu’une observation, présentée en toute déférence par un inférieur à son supérieur, annihile les droits de ce dernier ? Mais saint Paul était, comme Pierre, apôtre de Jésus-Christ. Gal., ii, 7, 8. Il serait étrange d’attribuer cette conséquence à ses paroles, d’autant que l’apôtre des gentils avait reconnu l’autorité de Pierre en le visitant à Jérusalem. Gal., i, 18

Par ailleurs, il n’y eut pas, entre les deux apôtres, conflit de juridiction. La discussion, aussi vive qu’elle ait pu être, portait simplement sur la conduite prudente à tenir à l’égard de populations mélangées, attachées à leurs observances antiques. Gal., ii, 12, 13. Les avis pouvaient différer. Saint Pierre put s’incliner devant les reproches que Paul lui fit publiquement, sans perdre son autorité doctrinale. Il ne s’agissait que d’une question de discipline.

3. Les ennemis de la primauté romaineontenfm voulu tirer parti de certaines expressions des Pères, concernant l’égalité des apôtres. Bornons-nous, sur ce point, aux observations suivantes. Aucun Père de l’Église n’a contesté ni mis en doute les prérogatives conférées à saint Pierre et si nettement consignées dans l’Évangile. Lorsque, ce principe une fois établi, ils ont noté des points de comparaison entre les divers apôtres, ils ont admis leur égalité à d’autres titres : par exemple, à l’égard de la mission directement reçue de Jésus-Christ, du charisme de l’infaillibilité personnelle communiqué à chacun, du droit de prêcher l’Évangile en t ous lieux, d’exercer une juridiction universelle, d’établir des églises dans toutes les régions. Toutes ces prérogatives, communes aux apôtres, ont disparu avec eux. Elles n’ont survécu que dans les successeurs de saint Pierre. Voir t. i, col. 1654-1656. Cette distinction fondamentale a été toujours maintenue par tous les écrivains ecclésiastiques qui ont professé la saine doctrine traditionnelle. La subordination des autres apôtres à l’autorité de saint Pierre n’a pas été contestée par eux et ne pouvait l’être.

Enfin, si le principat du premier vicaire du Christ n’a pas toujours été mis en relief, comme il l’est aujourd’hui, il y avait à cela une raison majeure. Au début de la fondation de l’Église, à raison des grandes et nombreuses prérogatives conférées à chacun des apôtres, l’autorité du chef principal n’avait pas et ne pouvait pas avoir occasion fréquente de s’exercer. C’est au sortir de cette période inaugurale que les auteurs ont eu surtout à déterminer d’une façon précise le caractère de la supériorité du souverain pontificat.

3° Les partisans de Richcr admettent, en principe, l’existence de la primauté, mais ils l’attribuent, non au pontife romain, mais comme directement commise à la société des fidèles. De telle sorte que les chels catholiques ne seraient que les délégués de la communauté, incapable d’exercer par elle-même la juridiction qui lui a été remise. C’est le système démocratique, transporté dans le domaine religieux. Cette théorie heurte de front l’enseignement traditionnel.

Lorsque Pierre confessa la divinité de Jésus-Christ, le fit-il sur les instances de ses frères ? Il est impossible de le soutenir. Les apôtres, interrogés par le divin Maître, énoncèrent les avis différents de leurs contemporains sur la personne de Jésus : pour les uns, il était Jean-Baptiste, pour les autres Élie, pour les autres Jérémie, ou l’un des prophètes. Mais, eux, qu’en pensaient-ils ? Les autres apôtres se taisrient, et Pierre,

DÏCT. DE THÊOL. CATH.

prenant seul la parole, proclama que Jésus était le Christ, fils du Dieu vivant. Matth., xvi, 13-16. Cette réponse toute spontanée de Pierre fut-elle faite, comme on le prétend, au nom des autres apôtres et exprime-t-elle leur pensée ? Le récit de saint Matthieu ne garde aucune trace d’une entente préalable aboutissant à une délégation des apôtres. Les autres gardent le silence ; Pierre, seul, exprime son sentiment personnel. Aussi, le divin Maître le loue seul : « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jona, » et il lui déclare : Ce n’est pas la chair et le sang, c’est-à-dire ni l’influence ni l’autorité des hommes, tes frères, tes amis, tes collègues, qui ont provoqué ta réponse, mais c’est mon Père du ciel qui te l’a révélée. Matth., xvi, 13. Et Jésus part de là pour annoncer à Pierre qu’il sera le fondement de son Église : Tu es Petrus et super hanc petram œdi/icabo ecclesiam mcam… Et tibi </a#b claves regni cœlorum. Matth., xvi, 18-19. Cette déclaration et les autres qu’on lit dans l’Évangile, Luc., xxii, 32, sont des attributions personnelles exclusivement propres à saint Pierre. Notre-Seigneur n’y fait aucune part à une action populaire, à une intervention quelconque. Jésus confère à son apôtre plein pouvoir législatif, judiciaire et coercitif. Sans doute, indépendamment de ces promesses personnelles, indiquant le chef, Jésus-Christ a aussi conféré au collège apostolique des pouvoirs et des prérogatives : Sicut misit me Pater et ego millo vos… quæcumque ligewcrilis super terram crunt lig<Ua et in cselo… Joa., xx, 21. Mais Pierre était présent dans le groupe apostolique. Les apôtres n’ont reçu aucune prérogative à laquelle n’aurait participé celui d’entre eux qui d’ailleurs avait été spécialement favorisé. Saint Beimrd disait donc avec raiso : i : Commiltens uni, unilatem commendat in uno grege et in uno pastore. De consideralione, 1. II, c. viii, P. L., t. clxxxii, col. 752. Les anciennes erreurs, contraires à la primauté de Pierre, ayant eu leur répercussion jusqu’à nos jours, ont été toujours anathématisées.

Marsile de Padoue, au début du xive siècle, soutenait les propositions les plus subversives en son ouvrage Dc/ensor pacis. Le peuple est le dépositaire du pouvoir ; les évêques et les prêtres tiennent de lui leurs droits. Voir t. vi, col. 1110. Saint Pierre n’a pas reçu plus d’autorité que les autres apôtres et le Christ ne l’a pas constitué le chef de l’Église ni établi son vicaire ; l’empereur peut corriger, instituer et punir le pape ; tous les prêtres, pape, archevêque ou simple prêtre, sont, de par l’institution du Christ, égaux en autoiité et en juridiction. Ces propositions, contraires à lÉcriture et à la foi catholique, ont été condamnées par Jean XXII le 23 octobre 1327. Denzinger-Bantrwart, n. 496-498.

Au xvie siècle, Luther accueillit ces idées avec enthousiasme. Ni pape, ni évêque, ni autre homme quelconque, disait-il, n’a droit d’imposer au chrétien même une syllabe. Au siècle suivant, Marc-Antoine de Dominis établit en principe que le consentement des laïques était aussi indispensable que celui des ecclésiastiques pour confirmer un dogme. Voir t. iv, col. 1670-1671.

Richer émit à son tour les propositions suivantes dans son traité De ecclesiastica et polilica potestate, en 1611 : Le Christ, en établissant l’Église, a confié immédiatement et essentiellement le pouvoir de juridiction plutôt au corps des fidèles qu’à saint Pierre et aux autres apôtres. Comme conséquence, les évêques et les pontifes romains ne sont que les mandataires et les ministres du peuple, comme les yeux sont les organes du corps. Le pouvoir infaillible des clefs a été remis à la communauté, et non à saint Pierre, comme on l’assure à faux. Voir t. vi, col. 1112. La Constitution civile du clergé voulut aussi implanter ces pratiques en France. D’après elle, les évêques

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