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HEXAMERON


f.uitiers, c’est-à-dire les espèces les plus utiles à l’homme, celles qui sont à son usage constant. Sa nomenclature des animaux terrestres est aussi simple et d’ordre aussi pratique : elle comprend seulement les animaux qui vivent en troupeaux, les bêtes rampantes et le gibier ; cette classification est faite exclusivement au point de vue des bergers et des agriculteurs. D’autre part, dans la disposition des créatures, l’auteur va toujours du simple au composé. Cette disposition est donc plutôt logique que strictement chronologique ; elle est le résultat d’un raisonnement très simple et très populaire. Elle est ainsi adaptée à la mentalité de lecteurs peu instruits des sciences, auxquels elle apprend clairement, non pas seulement cette vérité idéale que Dieu est le créateur du monde, mais bien ces faits particuliers que tous les êtres visibles de l’univers sont des œuvres de Dieu. Cependant, toute succession régulière n’est pas exclue absolument : Dieu, qui a créé et organisé le monde, ne l’a pas fait au hasard ; dans l’origine des choses il a suivi un ordre de succession réel ; il a procédé du moins parfait au plus parfait ; il a créé les éléments du monde, puis les réceptacles des êtres et enfin les êtres eux-mêmes qui habitent ces réceptacles. Cet ordre de succession est rationnel, et il est digne de la sagesse et de la puissance du créateur. Et ce n’est pas seulement une idée que l’auteur inspiré enseigne par ce moyen ; c’est un fait qu’il affirme, en recourant à un procédé intelligible aux esprits les plus simples. La Commission biblique n’a-t-elle pas reconnu, le 30 juin 1909, qu’en écrivant le I er chapitre de la Genèse, l’intention de l’auteur sacré n’a pas été d’enseigner scientifiquement la constitution intime des choses visibles et l’ordre complet de la création, mais plutôt de donner à son peuple une connaissance populaire, telle que le langage commm la comportait à cette époque, accommodée aux sentiments et à la compréhension des hommes ? n. 7. Acta aposlolicæ scdis, Rome, 1909, t. i, p. 568.

Son origine.

1. Origine mythique. — Pour les

critiques rationalistes, le I er chapitre de la Genèse fait partie du code sacerdotal ou de la source P, qui est d’origine récente et date au plus tôt de la fin de la captivité des juifs à Babylone. Voir col. 1194-1195. Toutefois, s’ils attribuent à l’auteur du code la partie schématique du récit, quelques-uns d’entre eux estiment qu’il a emprunté les matériaux qu’il a introduits dans ce cadre factice à une ancienne tradition d’Israël, dérivée elle-même des mythes babyloniens et phéniciens, à une époque bien antérieure, par voie d’épuration et remaniée et retouchée au cours des siècles, avant d’être enfin mise par écrit dans son état actuel. Ils ont comparé le récit génésiaque aux mythes de la création des Assyro-Babyloniens et des Phéni ? ciens, peuples voisins d’Israël, et ils ont constaté entre eux, à côté de différences qui proviennent de milieux religieux différents, des ressemblances qui prouvent la dépendance du premier vis-à-vis des autres. On connaissait depuis longtemps la cosmogonie des Babyloniens, rapportée par Damascius et par Bérose. Mais un texte cunéiforme, qui a été découvert en 1873 par George Smith dans les ruines du palais d’Assurbanipal et qu’on a nommé la Genèse chaldéenne, a présenté de nouveaux rapprochements avec le texte de la Genèse. On le nomme aujourd’hui Enuma Elié, de ses premiers mots. Le texte a été reproduit dans les Transactions of the Society of biblical archœology, 1875, t. iv b, p. 363 ; 1876, t. v, p. 426-440 (la 4e tablette, trouvée par Bassani, a été publiée par Budge, Proceedings of the Society of biblical archœology, 1887, t. x, p. 86) ; par Fried. Delitzsch, Assyrische Lesestùcke, 2e édit., p. 82 sq. ; dans Cuneijorm texts from Babylonian tablels, t. xiii ; par King, Z71e seven tablels of création, Londres, 1902. t. i et n ; par le P A. Deimel, Enuma Elis sive Epos

babylonicum de crcatione mundi, Borne, 1912. Il a été transcrit et traduit par G. Smith, Chaldean account of Genesis, Londres, 1876, p. 65-67 ; Fox Talbot, Transactions of the Society of biblical archœology, t. v, p. 121 ; Oppert, dans E. Ledrain, Histoire d’Israël, Paris, 1879, t. i, p. 411-421 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire d’après la Bible et les traditions orientales, 2e édit., Paris, 1880, t. i, p. 507-516 ; Schrader, KeilinschrifUn und das Alte Testament, 2e édit., p. 1 sq. ; Sayce, Hibbert lecture, p. 384 sq. ; Records of the past, nouvelle série, t. i, p. 133 sq. ; H. Winckler, Keilinschriftliches Textbuch zum A. T., Leipzig, 1892, p. 88 sq ; Zimmer, dans H. Gunkel, Schôpfung und Chaos in Urzcil und Endzeit, Gœttingue, p. 401-417 ; F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 218-229 ; Fried, Delitzsch, Das babylonische Wcllschôpfungepos, Leipzig, 1896. p. 92 sq. ; Jensen, Mythen und Epen, dans Keilinschri/lliche Bibliothek de Schrader, Berlin, 1900, t. vi, p. 2 sq. ; P. Dhorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, Paris, 1907, p. 2-81. Sur ce poème, voir J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 2e édit., Paris, 1905, p. 369-381. On a constaté entre ce poème et le début de la Genèse un certain nombre de ressemblances : les plus frappantes sont la mer primitive ou l’abîme des eaux, dont le nom Tehôm se rapproche de Tiàmat, la séparation des eaux et la production du firmament, enfin la création des étoiles.

C. Budde fut le premier à émettre l’hypothèse que l’écrivain biblique aurait emprunté son récit de la création au mythe babylonien. Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883, p. 485. Jensen fut plus affirmatif, parce qu’il lui parut que la suite des événements était identique dans les deux documents. Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 306. H. Gunkel fit une étude complète du sujet. Après avoir remarqué d’abord que le chaos primitif et la création des astres avaient été empruntés à u’ie tradition babylonienne, il établit une série de rapprochements entre la Genèse et le poème chaldéen, et il conclut à la dépendance de la première relativement au second. Les différences religieuses qui existent entre les deux documents lui firent reconnaître que l’auteur du code sacerdotal n’avait pas emprunté directement au poème chaldéen les détails communs, ainsi que le prétendait J. Halévy, Revue sémitique, janvier et avril 1893. Comme il avait relevé dans plusieurs livres de l’Ancien Testament une série de textes qui lui paraissaient reproduire des données du poème chaldéen, notamment la lutte au dragon ou de Tiamat sous les noms de Bahab, de Léviathan et de Béhémoth contre Dieu et l’océan primitif, il en conclut que la tradition hébraïque avait modifié graduellement le mythe de Mardouk et que l’écrivain sacerdotal l’avait recueillie et consignée par écrit dans cet état de retouche et de remaniement. Il en résultait que le mythe babylonien avait été connu en Israël longtemps avant la captivité à Babylone et que l’emprunt, fait par les Israélites, remontait très haut, qu’il était antérieur à l’époque des prophètes et que rien ne prouvait qu’il ne fût pas contemporain de la venue d’Abraham au pays de Chanaan. Schôpfung und Chaos in Urzeit und Endzeit, p. 1-170 ; Genesis, 2e édit., Gœttingue, 1902, p. 103-115 ; 3e édit., 1909, p. 101-131. Zimmern a tenu aussi l’origine babylonienne du chapitre i er de la Genèse comme démontrée, cf. Schrader, Die Keilinschriflen und das A. T., 3e édit., Berlin, 1903. p. 506 sq., ainsi que Fned. Delitzsch, Babel und Bi bel, Leinzia, 1902, p. 35. Voir aussi M. Jastrow, Hebnw and R b’io ia t dilion. Philadelphie, 1914, c. ii, qui réduit au minimum l’influence du mythe babylonien de la création sur le chapitre I er de la Genèse. Cf. R duc bibliq, 1916, p. 597, 598. Le génie hébreu aurait extrait par voie d’abstraction l’idée de