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HEXAMERON


donc se contenter de la simple subdivision en deux triduums et de la simple idée de commencement et d’achèvement des œuvres, que Schammaï avait déjà remarquée dans le récit mosaïque de la création. Talmu.l de Jérusalem, traité Haghiga, ii, 1, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 276-277. La sanctification du 7e jour par le repos divin et la consécration du sabbat, ii, 1-3, termine le récit et fixe l’origine de la semaine.

Mais cette disposition générale n’épuise pas le côté schématique du récit de la création. Chaque jour de la création a sa disposition particulière, qui complète l’ordonnance systématique des œuvres de la création. Cette disposition comprend sept membres qui ne se retrouvent pas tous cependant dans l’œuvre de chaque jour, et sous ce rapport, le schème n’est pas suivi d’une manière uniforme. C’est d’abord l’expression de la volonté créatrice de Dieu, i, 3, 6, 9, 11, 14, 15, 20, 24, 26 ; elle est redoublée au 3e et au 6e jour, dans lesquels Dieu opéra deux œuvres distinctes. Vient ensuite l’accomplissement de la parole divine, exprimé par la l’orme courte et précise : « Et cela se fit ainsi » , i, 7, 9, 11, 15. 24 ; sa mention est omise au 1 er et au 5e jour comme après la création de l’homme. Cet accomplissement est ensuite décrit dans des termes analogues, sinon identiques à ceux du commandement divin, i, 3, 7, 12, 16, 17, 21, 25, 27 ; il n’est omis que pour la séparation de la terre et des eaux au 3e jour. En 4e lieu, Dieu nomme les œuvres qu’il vient de créer ; mais cela n’a lieu que pour les trois premières, la lumière et les ténèbres, i, 5, le firmament, 8, la terre et les mers, 10. Les plantes, les astres, les animaux et l’homme ne reçoivent de Dieu aucun nom. Adam nomme les animaux, ii, 19 ; Dieu nomme Adam, v, 2, qui donne lui-même un nom à sa femme, il, 23. En 5e lieu, Dieu trouve bonnes ses créatures : la lumière seule au 1 er jour, i, 4, la double œuvre du 3e jour, 10, 12, celles du 4e, 18, du 5e, 21, et la première du 6e, 25. L’œuvre du 2e jour et la création de l’homme n’ont pas cet éloge ; mais la création entière, quand elle est terminée, est dite très bonne, 31. En 6e lieu, la bénédiction de fécondité est donnée aux poissons et aux oiseaux, i, 22, et à l’homme seulement, 28 ; elle n’est accordée ni aux plantes ni aux animaux terrestres ; mais le 7e jour, qui n’a aucun des autres membres du schéma, est béni et sanctifié, ii, 3. Enfin, chaque jour, sauf le 7e, se termine par la formule : « Et il y eut soir et il y eut matin » , complétée par son chiffre ordinal, i, 5, 8, 13, 19, 23, 31. Il faut noter encore que les parties de ce schème ne se suivent pas toujours dans le même ordre. Il en résulte que la symétrie, quoique voulue et cherchée par l’auteur, n’a été pour lui qu’un accessoire, puisqu’il ne l’a pas établie absolument parfaite et régulière. Il est vrai que la version grecque dite des Septante présente, à l’aide de transpositions et d’additions, une symétrie très régulière. Mais cette régularité même, qu’on ne retrouve pas non plus dans ce qui reste des versions d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion, éveille les soupçons et fait craindre que l’arrangement n’ait été fait après coup. Aucune raison intrinsèque ne milite en sa faveur. Cf. F. de HummelauiT, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 83-81 ; Le récit de la création, trad. franc., Paris, s. d. (1898), p. 15-22, 219-225.

Ses caractères.

On les détermine par le but de

l’auteur, qui paraît avoir été double. — 1. L’auteur a voulu raconter des faits réels, ceux de la création du monde. Il enseigne que Dieu a créé toutes choses, le ciel, la terre, la lumière, les astres, les végétaux, les animaux et l’homme. Son récit n’est ni un mythe, ni une fiction, ni même une allégorie ; c’est sinon une histoire, du moins une description réelle de faits » entablement accomplis. La forme en est sobre com parativement surtout aux autres cosmogonies, claire et aussi précise qu’elle pouvait l’être dans la langue hébraïque et à l’époque reculée où l’auteur écrivait. Quoique celui-ci ait employé des images et des métaphores, il n’a pas composé un poème, où tout aurait été imagé. Son récit est, au contraire, remarquable par l’élévation de la pensée, la précision des termes et la solennité de l’affirmation. D’autre part, l’écrivain n’a pas voulu rédiger un traité savant, faire un exposé scientifique de cosmologie. Son unique dessein étant d’établir que Dieu est le créateur de toutes choses, il s’est mis à la portée de tous, et pour exposer les vérités les plus profondes, il a recouru à un langage populaire et figuré : il a attribué à Dieu la parole comme à un homme, il l’a montré commandant aux créatures de se produire, s’encourageant à créer l’homme, approuvant son œuvre, la trouvant bonne et la bénissant. Mais pour créer, Dieu n’avait pas besoin de parler, sa volonté suffisait ; les anthropomorphismes du récit ne nuisent pas à la réalité des vérités essentielles que l’auteur voulait enseigner. La créature est bonne parce qu’elle est conforme à l’idée que le créateur en avait, en l’appelant à l’existence. L’homme pour lequel le monde a été créé est le centre et le roi de la création ; quoique formé de matière, il est par son âme l’image de Dieu ; il est supérieur au reste de la nature terrestre et il a le droit de la dominer et de s’en servir. Dieu n’a créé qu’un seul couple, duquel dérive toute l’humanité. Ces vérités sont enseignées clairement et simplement, sous une forme concrète et par l’affirmation de faits énoncés sans commentaire ni théorie.

2. L’auteur a eu un second but, celui d’inculquer le précepte positif de l’observation du sabbat, en indiquant l’origine divine de la semaine. Pour cela, il a pris le travail et le repos de Dieu comme modèles du travail de l’homme en six jours et de son repos le septième jour. Il a donc groupé les principales œuvres divines en six jours de vingt-quatre heures, constitués par un soir et un matin. Les actes créateurs qu’il mentionne sont au nombre de huit. Or, pour les introduire dans son cadre de six jours de travail, il réunit deux de ces actes au 3e et au 6e jour. Le cadre de la semaine divine est donc factice et ne représente pas la succession réelle des œuvres de Dieu. Aussi bien Dieu aurait pu, s’il l’eût voulu, créer tous les êtres de l’univers en un instant, par un seul acte de sa volonté toute-puissante et il aurait pu espacer les créations particulières autant qu’il l’aurait voulu. Si le récit de la Genèse les groupe en six jours d’une même semaine, ce n’est pas une raison de penser que les actes créateurs ont été produits dans ce laps de temps. La durée de vingt-quatre heures ne fixe pas les limites de l’action créatrice. La période de six jours de travail, suivie du repos divin, appartient au cadre systématique du récit et ne nous renseigne pas sur la durée de la création du monde. Elle ne sert qu’à faire du travail de Dieu le type du travail de l’homme.

Quant à la disposition des huit actes créateurs dans le cadre des six jours, suit-elle l’ordre historique et chronologique des faits ? Les scolastiques y ont vu plutôt un ordre logique, quand ils y ont distingué Vopus distinctionis et ï’opus ornatus. L’auteur n’a pas énoncé toutes les œuvres divines, il n’a pris que les principales. Pour son but d’instruction, il n’avait pas besoin d’être complet. Il a envisagé le monde tel qu’il apparaissait à ses yeux. Il a considéré le ciel et la terre, et il a affirmé qu’ils avaient été créés par Dieu ; il a vu qu’ils étaient remplis d’êtres variés, et il a dit que tous ceux qu’il désignait étaient l’œuvre du créateur. Mais son énumération n’est ni complète ni scientifique, et il s’est borné aux grandes catégories des êtres. Il n’a pas parlé des minéraux, et parmi les végétaux, il n’a nommé que le gazon, les plantes et les arbres