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IIERMIAS — IIERMOGÈNE


tradietoires et s’annulent les unes les autres : oûSs ajuçiova, o-jûî ôjAÔXoy* Sôy^aT*. Irrisio, 1. col. 1169.

Et cette contradiction se manifeste d’abord sur la nature, le souverain bien et la destinée de l’âme et de l’homme. < Tantôt je suis immortel, et je m’en réjouis ; tantôt je redeviens mortel, et j’en pleure. Tantôt je me résous en diverses matières : je deviens eau, air, feu : puis, un instant après, je ne suis plus ni air, ni fen ; on fait de moi une bête sauvage, un poisson. Et j’ai pour frères des dauphins. A me regarder, je redoute mon corps et ne sais quel nom lui donner : homme, chien, loup, taureau, oiseau, serpent, dragon ou chimère : car, au gré de ces amis de la sagesse, j’appartiens à toutes les espèces d’animaux… Je nage, je vole, je m’élève dans les airs, je rampe, je cours, je reste assis : mais voici Empédocle : il fait de moi un arbuste. «  Irrisio, 2, col. 1172. Tel est le ton, spirituel et sarcastique, mais un peu trop superficiel.

Si les philosophes s’accordent si peu sur l’âme et l’homme, comment s’entendraient-ils sur Dieu et le monde, sur les principes des choses ? Moins encore. Ce qu’allègue Anaxagore est combattu par Parménide, et Parménide est contredit par Anaximène. Irrisio, 3. Préfère-t-on suivre Enoédocle, Protagoras vous enlève à lui, et Thaïes à Protagoras, et Anaximandre à Thaïes. Irrisio, 4. Grande fut, certes, la célébrité d’Archélaiis : mais Platon ne pensa pas comme lui, ni Aristote comme Platon. Irrisio, 5. Leucippe traite de nuée la doctrine de Phérécydc. Irrisio, 6. A Démocrite, qui rit, s’oppose Heraclite, qui pleure. Lequel entendre ? Me voilà saturé et enivré de principes ; et Épicure me prie de ne point dédaigner sa belle théorie des atomes et du vide. O Épicure, le meilleur des hommes, je n’y contredis pas ; mais Cléanthe, mettant la tête hors du puits, se moque de toi. Je n’ai qu’à accepter ses principes, quand accourent à moi, du fond de la Libye, Carnéade et Clitomaque, qui repoussent l’opinion de tous les autres, et qui prétendent que rien ne peut être compris et que toujours à la vérité se mêle une imagination mensongère. Que devenir ? La vérité échappe à l’homme et la philosophie tant vantée, loin de posséder la science des choses, n’est qu’une lutte contre des ombres : àX^Ûsia èÇ àvOpwTîmv or/eiai, ꝟ. 6s Javo’jjj.Évr) (p’.Àoaoçia ay.toi.iay Et uâXXov rj ttjv twv ovtwv ïrtiaxrjij.Tjv îfyei. Irrisio, 7, col. 1177. Heureusement le grave Pythugore me livre le secret de tout : c’est la monade. Avec des lignes et des nombres, on peut tout mesurer. Je mesure donc le monde, le feu, l’air, l’eau, l’empire de Jupiter et de Neptune, la terre, les étoiles. Et Épicure me crie : Il est d’autres mondes encore. En effet, il en est jusqu’à mille et plus. « Me voilà donc obligé de visiter une multitude d’autres cieux, de nouvelles plaines éthérées, des mondes nouveaux. Partons sans plus tarder ; prenons des provisions pour plusieurs jours, et parcourons les mondes d’Épicure. Je. vole au delà des limites de Thétys et de l’Océan. Arrivé dans un monde nouveau comme on arrive dans une nouvelle cité, j’ai tout mesuré en peu d’heures. Je passe de là dans un troisième monde, puis dans un quatrième, un cinquième, un dixième, un centième, un millième ; et jusqu’où donc irai-je ? Ne suis-je pa « bien convaincu maintenant que tout n’est que ténèbres, nuit trompeuse, erreur sans fin, conception imparfaite, abîme d’ignorance ? Pour qu’il soit dit que mon esprit investigateur n’a rien négligé, je compterai jusqu’aux atomes qui ont donné naissance à tant de mondes. Mais n’y aurait-il pas quelque chose de mieux, de plus essentiel à faire ? Est-ce de tout cela que dépend le bonheur de la famille et de la cité ? » Irrisio, 9, 10, col. 1177-1180.

Telle est cette satire pleine de verve où, dans une exposition rapide, spirituelle et dramatique, et sous une tonne ingénieuse et piquante, sont passés en revue

DICT. DE THÉOL. CATH.

tous les systèmes de la philosophie grecque, du vi c siècle au ii c avant Jésus-Christ. Elle mérite d’être lue, à titre d’eeuvre littéraire : mais elle ne saurait passer pour une œuvre apologétique, faute précisément d’avoir rendu témoignage d’une manière positive à la vérité du christianisme. Et son auteur n’a pas droit à prendre place au même rang que saint Justin, Athénagore et les autres apologistes du iie siècle.

Texte dans Migne, P. G., t. vi, col. -1169-1180, et dans Otto, Corpus apologetarum christianorum, Iéna, 1872, t. ix. La première édition de l’Irrisio, texte grec et traduction latine, a été donnée à Bâle, en 1553* la dernière est due à Diels, Doxographi græci, Berlin, 1879, p. 649-656. Sur la tradition du texte, voir Harnack, Geschichle der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, part. I, Leipzig, 1893, p. 782-783.

Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1701-1709, t. iii, p. 67 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1858-1869, t. vi, p. 332-333 ; Freppel, Les apologistes chrétien’!, 3e édit., Paris, 1887, p. 55-74 ; Bardenhewer, Les Pérès de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. i, p. 190191 ; Geschichle der altkirchlichen Litteratur, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 299-303 ; Kirchenlexikon, t. v, col. 1899-1900 ; Smith et Wace, Dictionary o/ Christian biography, t. ii, p. 927-928 ; U. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, t. i, col. 2132.

G. Bareille.

    1. HERMIAS##


2. HERMIAS, hérétique. G. Salmon croit, selon toute probabilité, qu’Hermias fait double emploi avec Hermogène. Dictionary of Christian biography, t. iii, p. 3. Telle est également l’opinion de Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., t. i, p. 191. Mais il y a le texte formel de saint Philastrius, qui, parmi les hérésiologues des premiers siècles, est le premier à parler de cet hérétique, et, à vrai dire, le seul, puisque saint Augustin, qui en parle également, n’a fait que le résumer. Or il distingue, à quelques lignes d’intervalle, Hermias d’Hermogènc, et les discinles de cet Hermiis, les hermiosites ou proclionites, comme il les appelle, des hermogéniens. Heer., 55-50, P. L., t. xii, col. 11691171. Il convient donc, semble-t-il, de maintenir la distinction, et de voir en Hermias un disciple d’Hermogène, qui concurrement avec Seleucus, propagea sa doctrine dans la province de la Galatie. C’est dire d’abord qu’il professait, comme Hermogène, la double erreur de croire que ta matière est éternelle et que le Sauveur, a i moin Mit de sou ascension, laissa son corps dans le soleil. Mais, par ailleurs, il prétendait que les âmes sont tirées de la matière par les anges, et. non par Dieu ; que le baptême d’eau est inutile, parce que l’âme, formée de souffle et de feu, n’a d’autre tuiptême à recevoir que celui de l’esprit et du feu, dont -avait parlé saint Jean-Baptiste ; qu’il n’y aura ni résurrection de la chair, ni jugement futur, attendu que ta-résurrection des corps n’est autre chose que la procréation incessante des enfants ; que le Filsde Dieu ne s’est pas réellement incarné. Connaissait-il et réprouvait-il l’application faite par saint Irénée aux évangélistes de la célèbre ision d’Ézechiel’? Nous l’ignorons ; mais Philastrius nous apprend, loc.cit., qu’il en faisait une tout autreapplication. A ses yeux"’; en effet, le lion représentait le roi des Parthes ; le veau ou le bœuf, le roi d’Egypte ; ’l’aigle, les Romains ; et l’homme, les gens pieux^ Hermias se -servait de la Sagesse de Sirach.

S. Philastrius, Hær., 55-56, P. L., t. xii, col. 1169-1171 ; S. Augustin, De hær., 59-60, P. L., t. xlii, col. 41-42.

Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. i, p. 191 ; Migne, Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, t. i, p. 766 ; Smith et Wace, Dictionary of Christian biography, t. ii, p. 929 ; t. III, p. 3.

  • > G. Bareille.
    1. HERMOGÈNE##


HERMOGÈNE, hérétique de la fin du iie siècle et du commencement. dum c.

1° Les sources. — La principale source (le renseignements sur, Hermogène est Tertullien, qui ne s’est pas

VI.

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