Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/535

Cette page n’a pas encore été corrigée
2301
2302
HERMÈS


phique à la théologie. A vrai dire, Hermès avait eu la prétention de poser les fondements d’une apologétique chrétienne. Comme on taxait le maître de pélagianisme et de socinianisme, ses élèves, âpres déjà dans la défense, dépassèrent les 1 ornes et se montrèrent agressifs vis-à-vis de leurs adversaires, qu’ils accusaient de renouveler les erreurs de Bautain et de Lamennais. En 1833, quelques prélats allemands dénoncèrent au saint -siège, comme contraire à l’enseignement de l’Église, la méthode hevmésienne. C’était au fond la seule marche à suivre ; car alors tous les évêques allemands n’étaient pas convaincus du danger de l’hermésianisme. Au reste, la doctrine et l’esprit de Hermès se répandaient avec une rapidité surprenante. Trente chaires de théologie étaient occupées par des hermésiens, et les professeurs de religion dans les gymnases s’inspiraient de leur système. Le pape créa donc une commission dont fit partie le jésuite Perrone, pour examiner les écrits et les doctrines de Hermès. Une circonstance favorisa singulièrement les adversaires de l’hermésianisme ; ce fut la publication par Achterfeld de la Dogmatique du théologien allemand. Entreprise avec la pensée de servir la cause du maître, elle contribua à le faire condamner. Grégoire XVI saisit la Congrégation du Saint-Office de l’affaire et, sur avis conforme des cardinanx inquisiteurs, il publia le 26 septembre 1835 un bref de condamnation. Vint ensuite, le 7 janvier 1836, une déclaration du souverain pontife par laquelle les deux volumes de la Dogmatique, parus après la promulgation du bref, étaient compris dan ? la condamnation précédente. Le décret pontifical signalait en ces termes les maîtres d’erreur, dont Hermès : « Ils infestent les études sacrées par des -doctrines étrangères et dignes de réprobation, ils profanent sans sourciller l’enseignement public dont ils sont chargés dans les écoles et les académies, et ils altèrent visiblement le dépôt sacré de la foi que pourtant ils se flattent de défendre. Et parmi ces maîtres de l’erreur on compte, d’après l’opinion presque générale et constante de l’Allemagne, Georges Hermès, en ce qu’il s’écarte audacieusement de la voie royale de la tradition universelle et des saints Pères pour expliquer « t défendre les vérités de la foi, et qui, la méprisant et la condamnant, ouvre la voie ténébreuse de toutes sortes d’erreurs, et « par le doute positif qu’il a posé « comme base de toute recherche théologique » , et par le principe en vertu duquel « il veut que la raison soit « la norme principale et le moyen unique par lequel « l’homme peut acquérir la connaissance des vérités « surnaturelles. » — Les livres de Hermès sont dits « contenir beaucoup d’absurdités et d’assertions contraires à la doctrine de l’Église catholique, notamment, en ce qui concerne la nature et la règle de la foi, la sainte Écriture, la tradition, la révélation et le magistère de l’Église, les motifs de crédibilité, les preuves habituelles <le l’existence de Dieu, l’essence divine, la sainteté, la justice, la liberté de Dieu, et la fin qu’il s’est proposée dans les œuvres dites ad extra, touchant aussi la nécessité et la dispensation de la grâce, la récompense « t les châtiments éternels, l’état de nos premiers parents, le péché originel et les forces de l’homme déchu. » Le bref proscrit et condamne ces écrits comme renfermant des doctrines et des propositions respectivement fausses, téméraires, captieuses, conduisant au scepticisme et à l’indifférentisme, erronées, scandaleuses, injurieuses pour les écoles catholiques. Voir Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1618-1621.

Le bref de Grégoire XVI eut sur les hermésiens l’effet d’un coup de foudre inattendu. Il ne rencontra pourtant d’opposition sérieuse que de la part d’un groupe de professeurs. Les évêques le reçurent avec soumission et s’employèrent à le faire exécuter. A Cologne seulement il donna lieu à des incidents. Le

vicaire général Hiisgen, qui administrait l’archidiocèse depuis la mort de Mgr Spiegel et qui avait autorisé l’impression du I er volume de la Dogmatique, garda le bref durant huit mois sans le promulguer, sous prétexte qu’il n’en avait pas reçu communication du gouvernement royal. Le nouvel archevêque Clément Auguste publia le décret et exigea la soumission des professeurs de l’université de Bonn et du séminaire ecclésiastique de Cologne, et, sur leur refus d’obéir, il retira l’autorisation épiscopale à leurs cours publics. Le professeur Achterfeld, qui dirigeait le séminaire, répondit par des menaces de renvoi et de retrait de bourses à l’adresse des élèves qui céderaient aux injonctions de l’archevêque. Les étudiants préférèrent quitter tous l’établissement, les moins fortunés s’en remettant à la générosité du prélat, qui en prit soin. Mgr Clément prit une autre mesure énergique. Il fit rédiger des thèses réprouvant les doctrines condamnées par le bref apostolique, et il exigea des ordinands et de tous les candidats aux charges ecclésiastiques qu’ils affirmassent par serment les recevoir. A ce moment les rapports de l’Église avec l’État prussien étaient loin d’être bons. Le gouvernement royal demanda aux professeurs Bitter et Baltzer, deux hermésiens, leur avis sur l’orthodoxie catholique des thèses épiscopales. Évidemment, l’avis fut défavorable. Coupables d’hermésianisme, les opposants se donnèrent encore le tort de courtiser le pouvoir civil et tombèrent dans le libéralisme. Les hermésiens n’eurent p ; s honte de renouveler la fameuse distinction des jansénistes : ils avouaient que les opinions condamnées par le bref du pape étaient réellement condamnables, mais ils prétendaient en même temps que Hermès ne les avait pas enseignées, que ses écrits ne les contenaient pas. Enfin ils ne cessaient de répéter que le désaveu par le pape du fidéisme de l’abbé Bautain, était une approbation du système de Hermès. Voir Elvenich, Acta hermesiana, Gœttingue, 1836, et à rencontre, W. Zell, Acta antihermesiana, Sittard. 1836 ; 2e édit. plus complète, Batisbonne, 1838. Persuadés que le saintsiège connaissait mal la doctrine hermésienne, enhardis d’ailleurs et soudoyés par le gouvernement prussien, les deux professeurs Elvenich et Braun demandèrent et obtinrent de Borne l’autorisation de venir se présenter devant le pape. Grégoire XVI ne s’était montré condescendant que par le désir de les convaincre de leur erreur. Pleing de confiance dans le succès de leur cause, ils montrèrent tout de suite qu’ils étaient venus non pour être instruits, mais pour instruire, non pour se soumettre, mais pour obtenir la revision du procès de Hermès. Ils n’eurent pas à se plaindre de l’accueil qu’on leur fit, même des personnages éminents. Malgré des démarches sans nombre, d’habiles menées, ils finirent par se convaincre que la cause de Hermès était jugée, et ils durent, après un an de séjour à Borne, reprendre le chemin de l’Allemagne (1838). Voir leurs Acta romana, Hanovre et Leipzig, 1838 ; Melelemata theologica, ibid., 1838. Leur Insuccès entraîna la conversion d’un grand nombre d’hermésiens. Les professeurs du séminaire de Trêves donnèrent un bel exemple d’obéissance dans une déclaration publique. Baltzer lui-même se soumit en 1840. Malheureusement il tourna plus tard au gunthérianisme, et il mourut vieux catholique. L’apparition de l’encyclique de Pie IX, Qui pluribus abhinc annis, le 9 novembre 1846, parut aux derniers adeptes de l’hermésianisme une occasion de relever la tête. Comme elle traitait des rapports de la foi et de la raison, ils prétendirent que leur système était absolument conforme à l’enseignement de Pie IX, et qu’ainsi le bref de Grégoire XVI se trouvait rapporté. Le coadjuteur de Cologne, Mgr de Geissel, dut infirmer le pape de l’attitude des opposants. Une réponse de