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HÉRÉSIE. HÉRÉTIQUE


de foi et que, par conséquent, la vertu de foi n’est pas nécessairement détruite en lui, on répond que ces actes de foi, sur certaines vérités, peuvent se produire en vertu d’habitudes acquises et d’une façon purement naturelle. Dieu peut aussi les surnaturaliser par la grâce actuelle. Voir Foi, t. vi, col. 165 ; Gonet, loc. cit., n. 49 ; Billot, op. cit., Prolegomenon, ii, § 3. — b. Mode de destruction. — Est-ce moralement, comme cause déméritoire et dispositive, ou physiquement, comme cause efficiente, et encore, dans cette dernière hypothèse, est-ce médiatement ou immédiatement, qu’agit l’hérésie dans la destruction de la vertu infuse de foi ? Ce problème, qui se rattache à la question plus générale de la disparition des vertus, sera étudié ailleurs. L’opinion des thomistes, destruction physique médiate, est exposée par Gonet, loc. cit., § 3, n. 51-55 ; l’autre opinion, par Suarez, loc. cit., n. 4-10. — c. La vertu de foi et l’hérésie matérielle. — L’hérésie matérielle provenant de l’ignorance vincible peut être coupable dans la mesure même où l’ignorance qui la cause est coupable elle-même ; mais elle n’entraîne pas la destruction de la vertu de foi : elle ne s’oppose pas directement à cette vertu. C’est l’application logique des principes exposés plus haut. Voir col. 2220. Il est toutefois malaisé, pratiquement, de déterminer où finit l’hérésie matérielle, où commence l’hérésie formelle. Chez ceux qui ont été élevés dans l’Église catholique, il semble bien difficile d’admettre qu’ils puissent, avec une certaine bonne foi, en arriver à croire qu’ils doivent, en

matière de foi, résister au magistère de l’Église. Objectivement,

ils ne peuvent jamais avoir une juste cause de changer cette foi ou de la révoquer en doute. Cf. concile du Vatican, sess. III, c. iii, Denzinger-Bannwart, n. 1794. Subjectivement, peut-on admettre, en certains cas particuliers, la possibilité de la bonne foi ? Voir Foi, col. 290-305, 309-316. Quant aux baptisés, mais élevés dans l’hérésie, on peut faire plusieurs hypothèses : ou bien ils reçoivent avec une crédibilité purement relative, mais de pleine bonne foi, les dogmes qu’on leur enseigne, mélange de vérités et d’erreurs, et alors ils peuvent conserver, même dans l’hérésie matérielle, la vertu de foi infuse et faire des actes de foi salutaires ; ou bien ils ont entrevu la vérité, mais librement et délibérément s’en sont détournés, et alors l’hérésie formelle a été consommée en eux, détruisant dans leur âme la vertu de foi infuse ; ou bien ils se sont maintenus dans l’ignorance de la vérité, ignorance qu’ils auraient pu d’ailleurs vaincre facilement, et alors, sans perdre la vertu de foi, ils ont péché plus ou moins gravement, selon les circonstances ; il leur est encore possible, absolument parlant, de faire des actes de foi salutaires ; ils se sauveront donc plus facilement que les précédents si, par ailleurs, ils savent réparer leurs fautes.

2. Par rapport au corps de. l’Église. — Il ne s’agit pas ici de l’excommunication, qui n’est que la privation de la communion de l’Église, mais de la réelle séparation d’avec le corps de l’Église, lequel est constitué par tous ceux qui, étant baptisés, gardent extérieurement du moins le lien social de l’unité de foi et de communion. A ce point de vue, il faut distinguer les hérétiques occultes et les hérétiques notoires ou publics. L’hérétique occulte est celui qui n’a pas publiquement, officiellement, déclaré sa rébellion ; il doute des vérités proposées par l’Église ou même il les rejette, non seulement dans son for intérieur, mais même extérieurement, dans ses conversations avec ses amis, mais enfin il n’a pas fait ostensiblement acte de rébellion et, si on l’interrogeait sur sa religion, il répondrait encore sans nul doute qu’il est catholique. L’hérétique notoire se retire publiquement de la confession catholique et fait ostensiblement acte d’adhésion à une secte hérétique ou à la libre-pensée. Hérésie notoire et hérésie occulte

peuvent être matérielles ou formelles selon que ceux qui en font profession sont de bonne foi ou non.

a) Hérésie notoire. — La plupart des théologiens sont d’accord pour enseigner que l’hérésie notoire, même matérielle, suffit à exclure du corps de l’Église celui qui en fait profession. S. Thomas, Sum. theol., HP, q. viii, a. 3 ; Bellarmin, Conlrovcrsiæ, 1. III, De Ecclesia, c iv ; cf.’Suarez, De flde, disp. IX, sect. i, n. 20, 21, où l’on trouvera, en grand nombre, d’autres références qu’il est inutile de rapporter en une matière où le sentiment commun des théologiens depuis longtemps a fait loi. L’opinion adverse, aujourd’hui abandonnée, a été soutenue par A. de Castro, op. cit., 1. II, c. xxiv, et par Cajetan, Opusc. I, De auctoritale papæ, c. xiixxvii. La thèse communément reçue s’appuie : a. sur la sainte Écriture ; ce sont les mêmes textes que pour prouver la destruction de la vertu infuse de foi par l’infidélité ; b. sur l’autorité des anciens conciles ; en décrétant que les hérétiques peuvent être, sous certaines conditions, reçus dans l’Église, ces conciles déclarent implicitement qu’ils ne sont pas dans l’Église ; cf. I er concile de Nicée, can. 8, 11, 19 ; concile d’Elvire, can. 46 ; concile d’Ancyre, can. 9 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 576, 591, 615, 248, 311 ; c. sur l’autorité des Pères et des pontifes romains, lesquels excluent positivement de l’Église les hérétiques ou déclarent au sujet des hérétiques convertis qu’ils ont été ramenés t convertis à l’Église. Cf. S. Irénée, Cont. hær, 1. III, c. iii, n. 4, P. G., t. vii, col. 852 ; Tertullien, De præscriplionibus, c. xxxvii ; Adv. Marcionem, 1. IV, c. v, P. L., t. ii, col. 50-51, 367-368 ; S. Cyprien, Epist. synod. 7 P. L., t. iii, col. 853 sq. ; cf. concile de Carthage, ibid., col. 1013-1078, où saint Cyprien insiste sur cette doctrine qu’il exagère même ; Epist., xxxviii, n. 3 ; lxxi, n. 1 ; lxix, n. 3, P. L., t. iv, col. 331, 409, 402 ; S. Jérôme, In Epist. ad Titum, c. iii, v. 10 ; Dial. adv. luciferianos, n. 28, P. L., t. xxvi, col. 597 ; t. xxiii, col. 181-182 ; S. Augustin, Debaptismo contra donatistas, 1. IV, c x ; De unilaie Ecclesiæ, c. iv, P. L., t. xliii, col. 163 sq., 395-396 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XII, c. xxiii ; 1. XVI, c. xliv, P. L., t. lxxv, col. 1000, 1148 ; les papes Sixte II, Epist., i ; S. Félix I", Epist, i, P. L., t. v, col. 83, 145 ; Jafîé, Rcgesta pontificum romanorum, n. 133-142, etc. Ces autorités se rapportent surtout aux hérétiques formels, mais il faut les étendre aux hérétiques matériels, en raison de l’analogie des situations Cf. Billot, De Ecclesia, p. ii, De Eccl. membris, q. vii, th. xi.

b) Hérésie occulte. — La question des hérétiques occultes a été traitée ailleurs. Voir Église, t. iv, col. 2162-2163.

Péchés connexes.

1. Péchés qu’implique la faute

d’hérésie. — a) Apostasie. — L’hérésie formelle équivaut à une apostasie. Voir Apostasie, t. i, col. 1604. Aussi l’Église applique-t-elle les mêmes peines aux apostats et aux hérétiques. — b) Schisme. — En soi, le schisme, ay i<j|Aa, déchirure, est une défection volontaire de l’unité de l’Église, en tant que cette unité est constituée par la soumission au pontife romain et par la communion des fidèles entre eux. Cf. Wernz, op. cit., n. 354. Voir Schisme. Le schisme ne comporte donc pas nécessairement une erreur dans la foi, quoique cependant, en pratique, il soit bien difficile de rencontrer un schisme non compliqué d’hérésie. Mais, à l’inverse, l’hérésie comporte toujours le schisme : par le fait qu’on refuse de se soumettre à la règle de la foi, on rompt l’unité de l’Église, qui suppose l’obéissance à cette règle, concrétisée dans l’enseignement du souverain pontife. Cf. Ferraris, loc. cit., n. 14-16.

2. Péchés à proprement parler connexes.

Ce sont les péchés qui, sans être la négation directe d’une vérité de foi authentiquement proposée par l’Église comme révélée par Dieu, préparent néanmoins de près ou de