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HÉRÉSIE. HÉRÉTIQUE


directement, voir col. 2212, il faut évidemment montrer à l’hérétique la conséquence de ses affirmations avant de pouvoir le taxer de pertinacité : cf. S. Thomas, In Epist. S. Paulil ad Cor., c. xi, lect. iv ; mais la monition de l’évêque n’est pas suffisante dans tous les cas pour provoquer, au for interne, la pertinacité, cf. Suarez, loc. cit., n. 20, quoiqu’au for externe elle crée une présomption. Ibid., n. 21.

La pertinacité est indiquée comme une des conditions de l’hérésie par les documents ecclésiastiques. Voir cap. unie, § 1, De summa Trinitate, I, i, dans les Clémentines ; cap. unie, § 2, De usur., V, v, ibid., Denzinger-Bannwart, n. 481, 479, où le mot perlinacia est accolé à la note d’hérésie ; IVe concile de Latran, n. 433, où l’abbé Joachim voit sa doctrine condamnée comme hérétique, mais est absous du péché d’hérésie, parce qu’il soumet ses écrits au jugement de l’Église : Décret de Gratien, c. Dixit aposlolus, 29, caus. XXIV, q. iii, rapportant sur ce point la doctrine de saint Augustin, De baptismo contra donatislas, I. V, c. xvi, P. L., t. xliii, col. 186-187 ; De civitate Dei, 1. XVIII, c. li, P. L., t. xli, col. 613. Cf. S. Augustin, Epist., xliii, c. i, n. 1 ; De gestis Pelagii, c. vi, n. 18 ; De anima, 1. III, c. xv, n. 23 ; De baptismo contra donalistas, 1. IV, c. xvi, n. 23, P. L., t. xxxiii, col. 160 ; t. xliv, col. 351 ; ibid., col. 522 ; t. xliii, col. 169 ; S. Thomas, Sum. theoL, IIa-IIæ, q. v, a. 3. Parmi les théologiens, en plus des auteurs cités, on pourra consulter, sur la pertinacité, De Lugo, op. cit., disp. XX, n 153 ; Ballerini-Palmieri, résumant, loc. cit., n. 84 sq., la doctrine des anciens canonistes : Covarruvias, Variarum rcsolutionum, Francfort, 1578, 1. III, c. i ; Simanca, op. cit., tit. xxxi, n. 10 ; tit. xlviii ; Pegna, dans son commenaire du Directarium, part. II, c. i, coin. 1. Cf. Ferraris, loc. cit., n. 3.

3. Gravité du péché d’hérésie.

a) Par rapport aux autres espèces d’infidélité. — Voir Apostasie, t. i, col. 1604-1605. Parmi tous les péchés d’infidélité, l’hérésie est le plus grave, parce qu’il suppose une connaissance plus complète de la règle de la foi et des vérités à croire, et, partant, une opposition plus radicale avec la révélation elle-même. Cf. S.Thomas, Sum. theol., IP II*, q. x, a. 6 ; Suarez, op. cit., disp. XVI, n. 14.

b) Par rapport aux autres péchés. — Dans l’ordre des péchés, en raison de son opposition directe à la vertu de foi, le péché d’hérésie est le plus grave qu’on puisse commettre, après la haine de Dieu dont il procède, S. Thomas, op. cit., q. xxxiv, a. 2, ad 2um : il comporte, en effet, une souveraine injure directement adressée à l’autorité de Dieu. Cf. Billot, De sacramentis, t. i, q. lxxx, § 2. Cette gravité de l’hérésie apparaît dans les effets de ce péché, qui détruit dans l’âme la vertu infuse de foi, voir col. 2226 : « La foi est le plus précieux de tous les biens, puisqu’elle est le fondement, la racine de toute justification ; sans elle, il est impossible de plaire à Dieu, de sauver son âme pour l’éternité. Aussi l’hérésie est-elle un crime abominable et, en un sens, le plus grand de tous. Jésus-Christ, envoyant ses apôtres prêcher l’Évangile, imposait à leurs auditeurs l’obligation de croire, sous peine d’être condamnés : « Allez dans le monde entier, prêchez l’Évangile à toute « créature. Celui qui croira et qui aura été baptisé, sera « sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. » Marc, xvi, 15. Obligation facile à comprendre pour quiconque a une exacte notion de Dieu, de l’homme, de leurs mutuelles relations et du prix de la vérité révélée. Les apôtres ont eu pour l’hérésie la même répulsion que leur Maître. Saint Jean y voit l’œuvre de l’Antéchrist, I Joa., iv, 3, et défend de recevoir ou même de saluer les hérétiques, II Joa., 10 ; saint Pierre et saint Jude en parlent avec une extrême énergie, II Pet., ii, 1-17 ; Jud., 4 sq. ; saint Paul leur dit analhème, Gai, i, 9,

entend les réprimer, les dompter par sa puissance spirituelle, II Cor., x, 4-6. » L. Choupin, Hérésie, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. ii, col. 443 ; cf. Foi, col. 512-513 ; C. Pesch, Prælectiones iheologiæ, Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. viii, n. 466 ; Noldin, Summa theologiee moralis, De præceplis, n. 31.

c) En lui-même. — Que le péché d’hérésie soit, dans les multiples matières qu’il peut affecter dans le domaine de la foi divine et catholique, toujours de même espèce, la chose ne peut pas faire de doute. L’objet formel de la foi divine et catholique, l’autorité de Dieu révélateur, manifestée par le magistère de l’Église, se trouve également blessé, que l’on rejette un seul article ou qu’on les rejette tous ; l’injure faite à Dieu est égale. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IP IP, q. v, a. 3.

S’appuyant sur ce principe incontestable, plusieurs théologiens pensent qu’il suffirait de s’accuser en confession d’avoir péché par hérésie, sans spécifier quels articles de foi ont été la matière du péché. C’est là, d’après saint Alphonse, op. cit., 1. V, c. i, dub. iii, n. 50, l’opinion spéculativement plus probable, dont les principaux défenseurs sont Diana, Resolutiones morales, Lyon, 1645-1662, part. I, tr. VII, resol. 30 ; Oviedo, Tract, in I™ 72* Sum. theol., Lyon, 1646, De vitiis et peccalis, tT.l, contr. V, n. 116 ; Béginald, Praxis fori pœnitenlialis, Cologne, 1622, 1. VI, n.114 ; Escobar, Universæ theologiæ moralis disquisitiones, Lyon, 1652, procem., exam. ii, c. vi, n. 55. Mais, en pratique, on peut toujours se demander si, l’espèce du péché demeurant la même, le nombre des fautes ne varie pas selon le nombre des articles niés ou révoqués en doute. Aussi de très graves théologiens, Suarez, De fide, disp. XVI, sect. iv, n. 14 ; De Lugo, De psenil.nlia, disp. XVI, n. 291 ; Grégoire de Valencia, In II 1 "’11* Sum. theol., q. x, p. iii, q. xi, p. i ; Sanchez, Opus morale, 1. II, c. vii, n. 17, obligent-ils à une confession détaillée.

Sujet.

1. Le sujet de l’hérésie doit être chrétien,

c’est-à-dire baptisé. — S. Thomas, Sum. theol., IP IP, q. x, a. 5. Cette condition, qui distingue l’hérétique de l’infidèle, est pratiquement la seule exigée pour que, dans le sujet qui la professe, l’infidélité devienne hérésie. Théoriquement toutefois, les théologiens, voir Suarez, op. cit., disp. XIX, sect. v, n. 1, 3, 10, proposent ou du moins discutent trois conditions : Faut-il que l’hérétique ait eu la foi ? Faut-il qu’il soit baptisé ? Faut-il qu’il ne rejette qu’une partie des vérités révélées et non la totalité ? Ces problèmes se posent pour certains thomistes, parce que, suivant la définition de saint Thomas, Sum. theol., IP IP, q. xi, a. 1, l’hérétique intendit quidem Christo assentire, sed déficit in eligendo ea quibus Christo assentiat. Il faut donc, semble-t-il, non seulement que l’hérétique ait été baptisé et ait ainsi possédé la vertu infuse de foi, mais encore qu’il ait fait acte d’adhésion explicite à Jésus-Christ tout au moins sur quelques-uns des points que l’Église catholique propose. Toutes les discussions à ce sujet sont solutionnées par une remarque de Cajetan, In H jm II*, q. xi, a. 1 : Contingit christianum recedere etiam a fide ipsius Christi et nec ipsum nec Deum credere. Talis est hserelicus et tamen non supponit Christum ; ergo maie in littera dicitur. Ad hoc dicitur quod assentire Christo contingit dupliciler, scilicet m tu mentis vel PSOFES-SiONE chabactebis cintisTi.INI. Ad hærcsim licet sœpe concurrere videatur primum, non tamen est de raiione cjus, sed sufficit secundum, scilicet quod charactere fidei in baptismo susceplo Christum profileatur. Par le fait de son baptême, l’hérétique, tant qu’il n’a pas fait acte d’hérésie notoire, appartient au corps de l’Église catholique ; après son apostasie consommée, il retient encore une certaine adhésion au Christ par le caractère baptismal qui persévère, même dans l’hypothèse du rejet de tous les articles de la foi. Donc, en définitive, prati-