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HÉRÉSIE. HÉRÉTIQUE


pas volontairement s’écarter en matière de foi. Ainsi, la foi communément demandée par Dieu aux hommes est la foi non seulement divine, c’est-à-dire ayant pour motif la révélation connue comme telle, mais encore catholique, c’est-à-dire ayant pour règle l’enseignement de l’Église. Concile du Vatican, sess. III, c. iii, Denzinger-Bannwart. n. 1792. C’est donc à la foi « divine et catholique » que s’oppose l’hérésie. Ne devra en conséquence être réputée hérétique que la doctrine niant une vérité révélée et proposée comme telle par le magistère infaillible de l’Église. Ainsi, les vérités contenues dans la sainte Écriture elle-même doivent être proposées par l’Église à la croyance des fidèles, pour que leur négation devienne une hérésie formelle. Voir Dogme, t. iv, col. 1596-1597. Toutefois, beaucoup de théologiens font observer que les vérités clairement contenues dans la sainte Écriture et spécialement les vérités de fait (naissance du Christ au jour de Noël, passion, mort, résurrection du Sauveur, etc.), même si aucune définition spéciale n’est intervenue pour en attester le caractère révélé, s’imposent à la croyance des fidèles comme de foi divine et catholique. Par le fait même que l’Église nous propose la sainte Écriture cemme la parole même de Dieu, elle nous atteste le caractère révélé des vérités clairement contenues dans les Livres saints. Cf. Sylvius, In IP’" II*, q. i, a. 1 ; De Lugo, De fide disp. XX, sect. ii, n. 58 ; Montagne, De censuris, dans Migne, op. cit., t. i, col. 1426 ; Mazzella, op. cit., n. 364, note ; Van Noort, De fonlibus revelationis, n. 207, note.

Re’ativement à la proposition authentique de l’Église, on a déjà observé, voir Foi, col. 171, qu’il n’est pas nécessaire qu’une telle proposition soit faite par le magistère extraordinaire, c’est-à-dire par une définition conciliaire ou ex cathedra, ou encore par une condamnation avec la note d’hérésie ; l’enseignement explicite du magistère ordinaire et universel suffit pour qu’une vérité soit authentiquement proposée à l’adhésion des fidèles. Voir Magistère.

De cette deuxième considération, il ne faut pas conclure qu’une doctrine s’opposant à une vérité communément considérée comme révélée, mais non encore proposée comme telle par l’Eglise, n’a rien de commun avec l’hérésie. Cette doctrine est proche de l’hérésie ou sentant l’hérésie, ou suspecte d’hérésie. Voir l’explication de ces termes à Censures doctrinales, t. ii, col. 2106.

II. Problème moral : l’hérésie-péché. — 1° Matière. — Le péché d’hérésie ne peut avoir pour matière que ce qui constitue objectivement l’hérésie, c’est-à-dire une doctrine qui s’oppose à la foi non seulement divine, mais encore catholique, la note caractéristique de l’hérésie étant de chercher ailleurs que dans le magistère de l’Église la règle de foi. On verra d’ailleurs plus loin comment le simple doute volontaire constitue la même matière à hérésie.

Ce principe général, qui découle de la nature même de l’hérésie-doctrine, suffît à montrer que le refus d’adhérer à une vérité révélée par Dieu, et connue comme telle par une de ces révélations privées auxquelles fait allusion le concile de Trente, sess. VI, can. 16, ne saurait constituer un péché d’hérésie. Il y a, en ce cas, péché d’infidélité, parce qu’il y a faute directe contre la foi divine ; mais il n’y a pas péché d’hérésie à proprement parler, puisqu’il n’y a pas révolte contre le magistère de l’Église. Certains théologiens, cf. Bouquillon, op. cit., n. 215, appellent cette infidélité une « hérésie au sens large » ; l’expression est de nature à engendrer des équivoques. Sur ce péché spécial d’infidélité commis par rapport aux vérités révélées par Dieu et proposées à l’intelligence humaine d’une façon suffisante (ainsi s’exprime l’annotateur du 1 er schéma de la constitution De doctrina calholica du concile du

Vatican, voir Colleclio lacensis, t. vii, col. 531), mais en dehors du magistère de l’Église, on pourra consulter De Lugo, disp. XX, n. 71 ; Suarez, op. cit., sect. v, n. Il ; cf. disp. III, sect. x ; Schmalzgruber, Jus ccclesiast. , tit. De hærcsi, n. 17 ; Billot, De virtutibus, th. x, § 1, note ; th. xiii ; Vacant, op. cit., t. ii, n. 846 ; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, t. ii, n. 83.

Acte.

1. Psychologie de l’acte d’hérésie. —  L’acte

d’hérésie correspond, en sens contraire, à l’acte de foi. Or, l’acte de foi est formellement un acte de l’intelligence, commandé par la volonté. Voir Foi, col. 56. L’analyse de l’acte d’hérésie nous amène donc à le concevoir comme un jugement erroné émis par l’intelligence sous l’influence de la volonté.

a) L’acte d’hérésie est un jugement erroné de l’intelligence. — Tout en protestant de son attachement à Jésus-Christ, tout au moins par la profession extérieure du caractère baptismal, l’hérétique « corrompt le dogme » . La corruption du dogme ne peut se concevoir que par un jugement erroné touchant la révélation. En effet, la règle qui maintient dans la vérité le jugement de notre esprit en matière de vérités révélées, c’est l’enseignement infaillible de l’Église. C’est donc parce que l’intelligence humaine adhère à cet enseignement qu’elle est assurée de posséder, d’une façon certaine et aussi intégrale que possible, la vérité révélée par le Christ. A l’inverse, c’est donc aussi parce qu’elle refuse d’adhérer à cet enseignement, qu’elle est amenée à rejeter certains points de la foi et à faire une sélection dans le dépôt de la révélation. De sorte que, quelle que soit l’erreur acceptée par l’hérétique en contradiction avec la révélation divine — c’est là l’élément générique, commun à toute espèce d’infidélité — le principe spécilique de cette erreur sera toujours le rejet de l’enseignement de l’Église, c’est-à-dire un jugement erroné touchant la règle de la foi. C’est ce qu’expriment, sous des formes différentes, les Pères de l’Église, en parlant de l’hérésie. Voir col. 2210. Ce jugement erroné peut se produire de deux façons : a. par la négation de certains articles de foi (et même de la totalité, pourvu que l’on conserve l’adhésion au Christ par le caractère baptismal, voir plus loin, col. 2224) : « Il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Église comme à une règle infaillible acquiesce à tout ce qu’enseigne l’Église ; autrement, si, parmi les vérités enseignées par l’Église, il ne retient que ce qu’il veut et délaisse ce dont il ne veut pas, il n’adhère plus à la doc-. trine de l’Église comme à une règle infaillible, mais à son propre jugement. Aussi l’hérétique qui rejette avec obstination un seul article de foi n’est pas disposé à suivre, sur les autres, l’enseignement de l’Église ; … il n’a donc, en matière de foi, qu’une opinion humaine, dictée par sa volonté, » S. Thomas, Sum. theol., IP II*, q. v, a. 3 ; cf. Suarez, loc. cit., sect. v ; Becan, De virtutibus theol., c. xiv, q. i, n. 2 ; b. par le doute volontaire et délibéré touchant la vérité des articles de foi. Il ne s’agit pas des doutes involontaires qui sont compatibles avec la fermeté de la foi. Voir Foi, col. 97, 98 ; cf. col. 281, 282, 284, 286, 287, 513. Il s’agit du doute volontaire et délibéré. Or, on distingue deux sortes de doutes, l’un purement négatif, où l’esprit suspend tout jugement, l’autre positif, « qui ne va pas sans doute jusqu’à l’acte positif d’affirmer, mais qui l’accompagne, le modifie et l’affaiblit. » Voir Foi, col. 92 ; S. Thomas, De veritate, q. xiv, a. 1. Par le doute positif, la certitude devient simple opinion. L’un et l’autre doute, dès lors qu’ils sont pleinement délibérés, font perdre la vertu de foi, voir Infidélité, car ils s’opposent directement à la foi considérée dans un acte premier et principal qui est d’adhérer à toute vérité divinement révélée. Cf. Billot, De virtutibus infusis, th. xxiii, xxiv, note. Mais le doute négatif, suspendant tout jugement, ne comporte pas encore de révolte formelle contre la règle de la foi et,