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HÉNOTIQUE


monophysite alexandrin lui donna pour successeur l’archidiacre Pierre Monge ( ; j.oyyoç, l’enroué). Zenon considéra cette élection comme une révolte, et l’intrus n’échappa que par la fuite à la peine de mort portée contre lui. Timothée Salophakialos fut rétabli sur le siège d’Alexandrie. Évagre, H. E., 1. III, c. xi, P. G., t. lxxxvi, col. 2616. Clercs et laïques eurent ordre de le reconnaître dans l’espace de deux mois, sous peine de se voir privés de leurs dignités, de leurs églises, et frappés d’excommunication. Liberatus, op. cit., col.1020.

Avec Zenon et par lui, Acace est maître. Les évêques d’Asie s’empressent de lui écrire pour s’excuser d’avoir souscrit à VEnkyklion de Basiliskos : ils ne l’ont fait qu’à contre-cœur, disent-ils, et ils se déclarent fermement attachés aux décisions de Chalcédoine. Évagre, op. cit., c. ix, P. G., t. lxxxvi, col. 2613. Le concile de Constantinople, présidé par Acace en 478, « dépose Pierre le Foulon, lequel a « eutychianisé » le Trisagion et, pour cette raison, s’est vu condamner par le pape Simplicius ; Acace en profite pour installer à Antioche un homme à lui, Calandion. » A. Dufourcq, op. cit., p. 274. Calandion succédait aux courts patriarcats d’Étienne II, tué par les monophysites en 479, et d’Étienne III, qui, contrairement a la discipline ecclésiastique, .avait été consacré par Acace à Constantinople.

A Alexandrie, les choses se compliquèrent à la mort de Timothée Salophakialos (481). Les catholiques élurent pour lui succéder Jean Talaïa, appelé aussi Jean le Tabennésiote, moine tabennésien du monastère de Canope. Évagre, H. E., 1. III, c. xii, P. G., t. lxxxvi, col. 2617. Ce prêtre, économe de l’église d’Alexandrie, était venu peu auparavant à Constantinople, envoyé par Timothée Salophakialos, et avait reçu de l’empereur des assurances qu’un successeur catholique serait donné à Timothée. Évagre, loc cit. ; Liberatus, Brcviarium, P. L., t. lxviii, col. 1020. Zenon avait même fait à cette occasion l’éloge de Talaïa, que l’on considérait dès lors comme devant être patriarche d’Alexandrie. Félix III, Epist., i, n. 10 ; ii, n. 4. Acace avait dit de lui comme prêtre, qu’il était digne de recevoir une plus haute dignité. Pourquoi Acace ne voulut-il pas accepter l’élection de Talaïa et pourquoi soutint-il alors Pierre Monge ? Bien qu’il soit difficile de donner une réponse précise à cette question, les historiens nous en fournissent divers éléments qui nous permettent d’esquisser la psychologie du patriarche byzantin.

On nous signale, comme cause du mécontentement d’Acace, le retard accidentel avec lequel lui arrivèrent les lettres synodales de Talaïa. Celui-ci les avait fait passer par l’intermédiaire d’Illus, maître des offices, sur la protection duquel il comptait auprès de l’empereur. Or, il se trouva qu’au moment où le courrier d’Alexandrie parvint à Constantinople, Illus était à Antioche. La lettre de Talaïa dut lui être portée dans cette ville ; de la sorte, tandis que Zenon était directement informé de l’ordination de Talaïa par la lettre personnelle qui lui était adressée, celle destinée à Acace prenait le chemin d’Antioche sans lui avoir été remise : d’où froissement du prélat byzantin. Liberatus, Brcviarium, c. xvii, col. 1022-1024.

D’autres nous indiquent, comme motif de l’insuccès de Talaïa, le fait qu’il perdit bientôt, avec le ministre impérial Illus, un puissant appui auprès de Zenon. « Et comme jusque-là, faisant fond sur ce personnage, il avait négligé le très influent Acace, il fut d’autant plus facile au rusé Pierre Monge d’obtenir accès auprès de ce dernier ei, grâce à lui, auprès de l’empereur, par un plan habile visant à une réunion des partis en lutte, en vue de se raffermir ainsi sur le trône patriarcal. » Th. Presse !, art. Monophysiten, dans Realencijklopâdie jùr protestuntische Théologie und Kirchc, 1858, t. IX, p. 746.

Quoi qu’il en soit, Acace se joignit à Gennade d’Hermopolis, qui prétendait avoir des griefs contre Jean Talaïa. Liberatus, Breviarium, e. xvi, col. 1020. Tous deux se concertèren !  : pour l’accuser auprès de l’empereur d’avoir obtenu par brigue le siège d’Alexandrie après avoir juré de n’y jamais prétendre, et d’avoir menacé de faire un schisme du vivant de Timothée Salophakialos, à qui il avait fait rétablir dans les diptyques le nom de Dioscorc. Évagre, H. E., 1. III, c. xir, P. G., t. lxxxvi, col. 2617, sur la foi de ZacharLle Rhéteur, a consigné le premier de ces griefs à la charge de Jean Talaïa. Cf. Liberatus, Breviarium, c. xvii, P. L., t. lxviii, col. 1022. Théophane, Chronographia, an. 473, Bonn, t. i, p. 199 ; P. G., t. cviii, col. 316-317, non seulement ne mentionne point d’intrigue de Talaïa, mais au contraire signale son ordination comme celle d’un homme vertueux et défenseur de l’orthodoxie : r/eipOTOvr16ïi’Iwâvv7)ç b TaSsvvrjT’.wT : ^ ;, ov.oç à r /ro y.x : tôv op6<3v 80y[j.a-(ov ûnspaayoç. Voir aussi Nicéphore. H. E..1.XVI, 11, P. G., 1.’cxlvii, col. 136. Quant t> l’insertion du nom de Dioscore dans les diptyques par Timothée Salophakialos en un moment de faiblesse, elle est mentionnée dans une lettre du pape Simplicius répondant à Acace le 13 mars 478 : quando ei ut damnati Dioscori nomen inter altaria recitaretur extorlum est, sans que nous puissions connaître si Talaïa y eut ou non quelque part. Salophakialos avait, sur ce point, adressé des excuses à Rome et une demande en grâce. Simplicius, Epist, ix, xi, xii, xiii, ad Acacium, dans Mansi, Concil., t. vii, col. 983 et 935. Cf. Liberatus, Breviarium, c. xvii, P. L., t. lxviii, col. 1025.

Toujours est-il que, prenant parti ouvertement contre Talaïa, Acace représenta à l’empereur Pierre Monge comme l’évêque voulu par les fidèles d’Alexandrie et capable de réunir les deux groupements qui depuis longtemps divisaient cette Église, chalcédodiens catholiques et monophysites eutychiens. Monge, lui-même, mis au courant, offrit d’opérer cette réunion et représenta à l’empereur que son autorité courait de grands dangers en Egypte si l’on y établissait un patriarche autre que celui voulu par le peuple. En conséquence, Zenon écrivit au pape qu’il regardait Jean Talaïa comme indigne de l’épiscopat, et que, en vue de procurer la réunion des Églises d’Egypte, il jugeait plus opportun de rétablir Pierre Monge sur le siège d’Alexandrie. Le pape Simplicius, qui avait reçu les lettres synodales de Jean Talaïa, était prêt à confirnur son ordination, lorsqu’il reçut la lettre de l’empereur. Comme Talaïa y était accusé de parjure, le pape sursit à l’envoi des lettres de communion ; mais il ne voulut pas, d’autre part, consentir au rétablissement de Pierre Monge. Ce dernier, disait Simplicius, « a été complice et même chef des hérétiques, et j’ai demandé plusieurs fois qu’il fût chassé d’Alexandrie. La promesse qu’il fait maintenant de professer la vraie foi peut bien lui permettre de rentrer dans la communion des fidèles, mais ne permet pas de l’élever à la dignité du pontificat, de crainte que, sous le prétexte d’une feinte abjuration, il n’ait la liberté d’enseigner l’erreur. » Epist., xvii, dans Mansi, Concil, t. vii, col. 992-993. Cf. Liberatus, Breviarium, c. xvi. Selon Liberatus, op. cit., c. xviii, P.L., t. lxviii, col. 10261027, Pierre Monge avait lui-même adressé au pape une lettre dans laquelle il professait hypocritement une entière adhésion au concile de Chalcédoine.

En même temps qu’il répondait à l’empereur Zenon, le 15 juillet 482, le pape écrivait dans le même sens à Acace, à qui il exprimait sa surprise et sa peine de n’avoir pas été renseigné par lui sur une affaire aussi grave. « Vous y étiez engagé, lui disait-il, et par l’amitié qui nous unit, et par le soin que votre charge vous oblige de prendre de ce qui touche la foi et la vérité. » Epist., xvii, Mansi, t. vii, col. 992. Puis, ne soup-