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HENNO — HÉNOTIQUE

titre l’indique, le P. Henno s’efforce de concilier les deux enseignements thomiste et scotiste, et ce, dit-il, afin d’unir d’une franche amitié les franciscains et les dominicains, trop souvent divisés par suite de discussions d’école. La théologie du P. Henno fut longtemps employée comme manuel classique en Espagne.

Servais Dirks, Histoire littéraire et bibliographique des frères mineurs de l’observance en Belgique, Anvers, 1886, p. 362 ; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv, col. 647. P. Edouard d’Alençon.

HÉNOTIQUE (’EvtoTixo’v) de Zenon (482). — L’Hénotique est un édit soi-disant d’union ou de conciliation promulgué, en 482, par l’empereur byzantin Zenon, sous l’inspiration d’Acace, patriarche de Constantinople, en vue de réconcilier adversaires et partisans du concile de Chalcédoine, monophysites et dyophysites. On y anathématise Nestorius et Eutychès, on y affirme la divinité et l’humanité de Jésus-Christ, mais on y évite le mot un et les termes deux natures ; en outre, une incidente malheureuse condamne « quiconque a pensé autrement, soit à Chalcédoine, soit ailleurs » . Ainsi, le concile de Chalcédoine se trouvait lui-même indirectement condamné par l’Hénotique ; l’on y déclarait, du reste, que la règle de foi comprenait seulement le symbole de Nicée avec l’addition qu’y avait faite le concile de Constantinople, les douze anathématismes de saint Cyrille d’Alexandrie et les décisions d’Éphèse. Aussi le dessein que paraît avoir eu Zenon, « le premier des empereurs qui se mêla des questions de la foi » (Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, xie époque) de mettre fin aux dissensions religieuses, en publiant cette formule et en lui donnant force de loi, échoua-t-il misérablement : loin de les apaiser, l’Hénotique ne fit que les accroître. Le pape saint Félix III, en 484, ayant excommunié le patriarche Acace, véritable auteur de l’Hénotique, il s’ensuivit, entre l’Orient et Rome, un sebisme qui dura trente-cinq ans et ne se termina que par un édit de l’empereur Justin I er en 519.

L’affaire de l’Hénotique se trouve être ainsi un des épisodes des longues luttes christologiques touchant la doctrine du concile de Chalcédoine, en même temps qu’une des premières manifestations de cet esprit d’intrigue des patriarches byzantins qui, sous Photius et Michel Cérulaire, aboutira à la scission définitive avec l’Occident.

Pour étudier utilement un tel épisode et pouvoir le juger au point de vue théologique, il est indispensable de le situer aussi exactement que possible dans son cadre historique. Les faits et les textes fourniront eux-mêmes au théologien la conclusion qu’il devra en tirer.

I. De l’opposition chalcédonienne à l’Hénotique : l’attitude du patriarche Acace. IL La formule de l’Hénotique. III. Les conséqueiuee de l’Hénotique : le schisme acacien. IV. La réconciliation avec Rome (519) : le véritable Hénotique orthodoxe ou formule du pape Hormisdas. V. Conclusion. Justification du point de vue catholique et de l’attitude des papei dans l’affaire de l’Hénotique.

I. De l’opposition chalcédonienne a l’Hénotique : l’attitude du patriarche Acace. — Aussitôt après le concile de Chalcédoine (451), les monophysites ou partisans de l’hérésiarque Eutychès s’agitèrent partout à la fois. « Puisque la théologie de Cyrille est condamnée, pensaient-ils, puisque Chalcédoine rejette l’Évcouii ; cpuar/T-p c’est donc que les nestoriens ont pris leur revanche et affermi leur erreur ; Jésus-Christ est dédoublé : à côté du Verbe étemel, il y a en Jésus une autre personnalité différente ; c’est une quatrième personne qui s’ajoute à la Trinité divine. Voilà le blasphème horrible que les monophysites repoussent, voilà le crime des nestoriens, voilà le crime de tous ceux qui ne suivent pas Cyrille, des Pères de Chalcédoine par

conséquent. C’est ce qu’explique aux moines de Palestine l’Alexandrin Théodose ; et la Palestine chasse l’évêque chalcédonien Juvénal. C’est ce qu’explique aux Égyptiens Timothée Élure (Ailouros, le Chat) ; et l’Egypte massacre l’évêque chalcédonien Protérius. C’est ce que Pierre le Foulon explique enfin aux habitants d’Antioche ; et la Syrie oblige son patriarche Martyrius à donner sa démission. Les monophysites revisent les prières liturgiques afin d’en bannir toute expression malsonnante ; Pierre le Foulon répond à la passion religieuse de son peuple en modifiant le chant sacré qu’adressent les fidèles au Dieu trois fois saint : pour mieux marquer que l’homme Jésus est vraiment une des trois personnes de la Trinité et qu’il ne fait réellement qu’un avec elle, il ajoute aux paroles traditionnelles qui la alorifient, ày.o ; ô ©eoç, àyioç îa/upo ;, âyioç àôâvaxoç (Sanclus Deus, Sanctus forlis, Sanctus immortalis), des mots qui reportent sur elle le sacrifice de la croix : ô axauptoGEi ; 81’ï)[a « ç (gui crucifïxus es pro nobis). Le Crucifié ne fait qu’un avec la Trinité ! La foi des Orientaux, plus ardente que réfléchie, ne s’arrête pas à ce que la formule contient, sinon d’inexact, au moins d’imprécis au regard de la théologie traditionnelle ; leur piété enthousiaste ne voit que le blasphème nestorien, négateur de la divinité de l’homme Jésus. Et les empereurs ont beau s’entremettre, Marcien, puis Léon ; ils ont beau défendre Chalcédoine ; ils ne convainquent personne, ils finissent même par perdre le trône. Basiliskos s’en empare : usurpateur, il s’est présenté comme le champion de la foi ; par un édit, il a annulé le concile de Chalcédoine, et le peuple l’a reconnu. » A Dufourcq, Histoire de l’Église du iiie au xie siècle : le christianisme et l’empire, 4e édit., Paris, 1910, p. 270-272. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1908, t. ii, p. 857-859 ; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1912, t. iii, p. 104-107.

Ajoutons, pour expliquer plus complètement cette participation de la foule à des disputes thôologiques, que l’opposition chalcédonienne était exploitée par le groupe d’habiles intrigants qui étaient parvenus à occuper les principaux sièges épiscopaux d’Orient. Sous l’empereur Léon I er (457-474), Timothée Élure (457-460) fut élu patriarche d’Alexandrie, et Pierre le Foulon, vers 470, patriarche d’Antioche. « Ils ne firent que passer, une première fois ; mais ce passage eut néanmoins de graves conséquences, car il laissa les dispositions les plus fâcheuses dans les esprits… Après la mort de Marcien, Timothée et Pierre le Foulon remontèrent sur leurs sièges, avec la protection de Basiliskos (476-477). » Funk, Histoire de l’Église, trad. Hemmer, 8e édit., Paris, 1911, t. i, p. 233. Il faut ajouter aussi, les lignes précédentes l’ont déjà insinué, que la protection ou la faiblesse de la cour contribua pour beaucoup au maintien de ces luttes doctrinales et de ces divisions ecclésiastiques. L’empereur Léon I or avait exilé Timothée Élure en 460, d’abord à Gangres, puis en Chersonèse, et on l’avait remplacé sur le siège d’Alexandrie par un dyophysite ou chalcédonien modéré, Timothée Salophakialos, qu’Évagre appelle aussi Timothée Basilikos, H. E., 1. II, c. xi, P. G., t. lxxxvi, col. 2533, et qui est également appelé par d’autres Timothée le Blanc (Liberatus, Théophane le Chronographe, Cedrenus, P. G., ibid., note 74). Le même prince avait déposé Pierre le Foulon et donné à Antioche un pasteur catholique. Mais avec la mort de Léon I er (474), « la girouette dogmatique de la cour byzantine se retourna de nouveau vers les monophysites » , selon l’expression de Th. Pressel, art. Monophysilen, dans Realencijklipàdie fur proteslanlische Théologie und Kirche de Herzog, Stuttgart et Hambourg, 1858, t. ix, p. 745. Léonll, petit-fils de Léon I er, mourut lui-même peu après (4741. et cette mort livra le trône