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HÉGÉMONIUS— HÉGÉSIPPE

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fragments cités par saint Cyrille de Jérusalem ; elle s’arrête brusquement ; et dans la lettre d’Archélaûs à Diodore, il est fait clairement allusion à la preuve donnée par Archélaiis à Manès que non seulement la loi de Moïse mais encore tout l’Ancien Testament, est parfaitement d’accord avec le Nouveau, et il ne se trouv° pas trace de cette preuve dans la première discussion île l’évêque avec l’hérétique. Nous n’aurions donc daus cette version latine qu’un résumé, ainsi que l’a conjecturé Zaccagni. Routh, Reliquise sacrée, t. v, p. 15.

En voici le contenu. Ces Acta disputationis débutent par un grand éloge de la charité de Marcel, homme de grande piété, habitant de Carchar, Cascar ou Charra (probablement Carrhes), ville de la Mésopotamie. Art., 1-4. Manès, en ayant entendu parler, lui envoie par son disciple Turbo une lettre où il se dit envoyé de Dieu pour redresser le genre humain et prendi*e en pitié ceux qui s’abandonnent è l’erreur. Art., 5. Marcel lui répond et l’invite à se rendre près de lui. Art., 6. Turbo renseigne l’évêque Archélaiis sur la doctrine de son maître. Act., 7-11. Arrivée de Manès chez Marcel, qui organise une conférence et choisit pour juges du débat Manippe, Egialée, Claude et Cléobule, tous gens instruits et étrangers à la foi. Art., 13. Et aussitôt la discussion publique commence ; les juges donnent gain de cause à Archélaiis. Art., 14-38. Manès, vaincu, prend la fuite. Art., 39. En passant par Diodoride, il cherche à endoctriner le pasteur de ce lieu, Diodore, lequel, peu confiant dans ses propres lumières, fait appel à la science d’Archélaiis et lui écrit pour lui soumettre quelques-unes des objections soulevées par Manès contre l’Ancien Testament. Art., 40. Archélaiis, dans sa réponse, fournit quelques arguments à son correspondant. Art., 41-44. Diodore entre alors en discussion avec Manès. Art., 45. Survient Archélaiis qui confond de nouveau Manès, Art., 46-50, et se met à raconter alors l’origine de cet hérétique, en signalant l’ouvrage des Mystères, des Chapitres, de V Évangile et du Trésor, œuvre de l’Égyptien Scythien, léguée par lui à Térébinthe, et par celui-ci à la veuve dont Manès avait été l’esclave, l’affranchi et l’héritier. Act., 51-54. Ainsi découvert, Manès s’enfuit ; mais il est pris par les soldats du roi de Perse, dont il n’avait pas su guérir le fils, et périt écorché vif. Act., 55.

[ On dirait bien l’œuvre d’un témoin oculaire ou même d’un interlocuteur qui a pris part aux débats et qui en a dressé le procès-verbal avec les circonstances de temps, de lieux, de personnes, les plus propres à faire croire à un récit authentique ; d’autant plus que le rédacteur a soin de dire, après le récit de la mort de Manès : Quibus postea agnitis, Archclaus adjecit ea priori disceptationi, ut omnibus innotescerel, sicut ego, qui inscripsi, in prioribus exposui. Act., 55, Routh, Reliquise sacrée, t. v, p. 195. Cette phrase est la preuve d’un remaniement ou d’une mise au point d’un document primitif. Quoi qu’il en soit, il faut voir dans ces Acta, avec Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. ii, p. 60, une « pure fiction littéraire. De fait, ces conférences n’ont jamais été U nues ; et l’auteur a voulu simplement, dans un cadre de son choix, mener la campagne contre le manichéisme. Pas un des personnages en scène, Manès excepté, n’est connu de l’histoire. Les Acta ne laissent pas d’être un document historique du plus haut prix. Hégémonius a profité d’ouvrages manichéens authentiques et les a partiellement reproduits. C’est la source commune où presque tous les auteurs grecs et latins ont puisé ce qu’ils nous disent du système religieux de Manès. » Elle permet de constater les relations étroites du manichéisme avec le gncoiirisme en général et plus particulièrement avec le marcionisme. Voir Manès, Manichéisme.

Les Acta disputationis Archelai, episcopi Mesopolamiæ, et Manetis hæresiarchæ, édités par Zaccagni dans sa Collcc tanea monumenlorum veterum Ecclesiæ græcce et latinoe, Rome, 1698, se trouvent dans Fabricius, Bibliotheca græca, Hambourg, 1716, t. v, p. 262 sq. ; dans Galland, Bibliotheca veterum Patrum, Venise, 1765-1781, t. m ; dans Routh, Reliquiee sacra ;, 2e édit., Oxford, 1846-1848, t. v, p. 1-206 ; dans Migne, P. G., t. x, col. 1429-1528. Une édition critique en a été donnée par Ch. H. Reeson, Acta Archelai, Leipzig, 1906 (dans Die griechischen christlichen Sclviltsteller der drei erslen Jahriiunderte).

S. Cyrille de Jérusalem, Cat., vi, P. G., t. xxxiii, col. 537604 ; S. Épiphane, Hær., lxvi, 5 sq., P. G., t. on, col. 29172 ; S. Jérôme, De vir. HZ., 72, P. L., t. xxiii, col. 683 ; Socrate, H. E., i, 22, P. G., t. lxvii, col. 136-140 ; Théodoret, Hæret. lab., i, 26, P. G., t. lxxxiii, col. 377-381 ; Photius, Bibliotheca, 85, P. G., t. ciii, col. 288.

Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1693-1712, t. iv, p. 387-399 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris, 1858-1863, t. ii, p. 453 sq. ; H. V. Zittwitz, Acta disputationis Archelai et Manetis, dans Zeitsclirifl fur die hislorische Théologie, 1873, t. xliii, p. 476-528 ; A. Oblazinski, Acta disputationis Archelai et Manetis, Leipzig, 1874 ; Traube, Acta Archelai, dans Silzungsberichte der k. bayer. Akademie der Wissenscha/ten, 1903, p. 533-549 ; l’introduction de l’édition de Beeson ; outre les ouvrages cités de K. Kessler et de Th. Nôldecke, Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. ii, p. 59-60 ; U. Chevalier, Répertoire, Bio-bibliographie, t. i, col. 2041.

G. Bareille.

t. HÉGÉSIPPE, écrivain ecclésiastique du il siècle.

— I. Vie. II. Mémoires.

I. Vie.

Contemporain de saint Irénée, particulièrement apprécié par Eusèbe et saint Jérôme, qualifié d’homme apostolique par Etienne Gobar, Hégésippe est un témoin précieux de la foi de l’Église au iie siècle. On ne sait rien de positif sur le lieu et la date de sa naissance, pas plus que sur les circonstances de sa conversion du judaïsme au catholicisme. Mais comme il connaissait l’hébreu, le syriaque et les traditions juives purement orales, Eusèbe a conclu qu’il était juif d’origine et palestinien de naissance. H. E., iv, 22, P. G., t. xx, col. 384. Vers le milieu du iie siècle, il entreprit, conr.ne II nous l’apprend lui-même, un long voyage d’information religieuse, pendant lequel il visita un grand nombre d’églises et d’évêques. Il séjourna notamment à Corinthe, où il s’entretint avec l’évêque Primus ; il constata que cette Église fondée par saint Paul avait persévéré jusque-là dans l’orthodoxie et qu’on y lisait la I re Épître du pape saint Clément aux Corinthiens. Puis il se rendit à Rome pendant le pontificat d’Anicet (155-166) et y vécut sous ses deux successeurs immédiats, les papes Soter (166-175) et Éleuthère (175-189). D’après le Chronicon paschale, Olymp. ccxxxix, P. G., t. xcii, col. 641, il serait mort sous l’empereur Commode (180-192). Son nom est inscrit au catalogue des saints par Usuard, Adon, Notker et les autres martyrologes ; sa fête y est fixée au 7 avril.

IL Mémoires. — 1° Titre et objet de l’ouvrage. — De toute son activité littéraire on ne connaît qu’un seul ouvrage, malheureusement perdu, en cinq livres, dont il ne reste que des fragments conservés par Eusèbe, H. E., ii, 23 ; iii, 20, 32 ; iv, 8, 22, P. G., t. xx, col. 196, 252, 281, 321, 377, et par Etienne Gobar, dans Photius, Bibliotheca, 232, P. G., t. ciii, col. 1096, et une citation faite par Georges Syncelle. Chronogr., an. 5578, P. G., t. cviii, col. 1197. Cet ouvrage comprenait cinq livres qu’Eusèbe désigne tantôt sous le nom de ajyypà ; ji ; j.a- : a, tantôt sous celui de ûjtoavi(u, aTa et dont le vrai titre était : IIévte &7uou, v7]’u, aTa exxvijfjiaœixàiv repaÇécov. Au dire d’Eusèbe et de saint Jérôme, il était écrit en un style simple et sans prétention ; et les fragments qui en restent ne sont pas pour contredire cette appréciation. Mais quels étaient son objet, sa note caractéristique, son but précis ? Eusèbe, qui ne s’est pas fait faute de l’utiliser pour l’histoire des temps apostoliques, range Hégésippe au nombre des adversaires orthodoxes du