Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/430

Cette page n’a pas encore été corrigée
2091
2092
HEBREUX


qu’on le prétend à l’attribution de l’Épître aux Hébreux à Barnabe ? Tertullien en est plus probablement le point de départ, et il a fait une conjecture. Il n’y a pas de preuve positive d’une tradition antérieure. Saint Jérôme ne connaît que Tertullien de ce sentiment, et saint Philastre le vise peut-être. La tradition montaniste, admise par Zahn, est réfutée avec raison par Riggenbach. La tradition romaine que ce dernier suppose n’est fondée sur aucun argument positif ; elle n’est qu’une simple déduction. Rome ne connaissait pas la lettre aux Hébreux, que Clément avait citée, ou au moins elle ne connaissait pas son auteur, et c’est pourquoi elle ne l’admettait pas au canon biblique. Le catalogue, publié par dom de Bruyne, n’a pas la signification que l’éditeur lui avait donnée. Grégoire d’Elvire, qui est isolé, a pu connaître le sentiment de Tertullien et l’adopter. L’attribution à Barnabe n’est pas une tradition ; c’est seulement une hypothèse, comme celles concernant Luc et Clément, faite par un ou deux écrivains ecclésiastiques. Les caractères généraux de l’Épître, mis en rapport avec ce que nous savons de Barnabe, ne prouvent pas qu’il soit l’auteur de cette lettre ; ils donnent seulement quelque vraisemblance à l’hypothèse. Tous ne sont pas certains : sa connaissance de la littérature alexandrine est supposée. D’autre part, Barnabe n’a pas toujours partagé les idées de Paul. Il s’est séparé de lui, non pas seulement à cause de son parent Jean Marc, Act., xv, 37-39, mais encore au sujet des observances judaïques, quand, à Antioche, il participa à l’hypocrisie de Céphas. Gal., ii, 13. Il n’avait pas l’énergie et la logique de raisonnement qu’on remarque, Heb., v, 11-12 ; vi, 12, etc. Dans leurs prédications communes, Paul était le chef de la parole ; c’est pourquoi à Iconium il est pris pour Mercure et Barnabe pour Jupiter. Act., xiv, 10-12. La rhétorique de l’Épître aux Hébreux n’est guère attribuable à un lévite, originaire de Chypre. Il n’est pas nécessaire d’être lévite pour s’occuper du sacerdoce et des sacrifices juifs, comme l’a fait l’auteur de l’Épître ; tout juif pouvait en faire autant, Paul aussi bien que Barnabe. La forme rythmée n’est pas nécessairement l’œuvre d’un lévite habitué au chant des psaumes. Tout lecteur de l’Ancien Testament connaissant le rythme des livres poétiques, et écrivant à des Hébreux, il pouvait adapter son style au genre littéraire des écrits, lus par ses correspondants. Cf. P. Batiffol, De l’attribution de l’Épître aux Hébreux à saint Barnabe, dans la Revue biblique, 1899, p. 278-283.

Dans les temps modernes.

1. Apollo. — Luther

est le premier tenant de cette attribution. Beaucoup de protestants l’ont acceptée : Osiander, Le Clerc, Heumann, Lorenz, Millier, Semler, Ziegler, de Wette, Bleek, H. A. Schott, Tholuck, Guericke, Lùnemann, Bunsen, Kurtz, L. Schulze, Farrar, Alford, de Pressensé, Davidson, Hilgenfeld, Scholten, Pfleiderer, et quelques catholiques, Feilmoser, Belscr et Rohr. Apollo était un juif de J’entourage de Paul et il connaissait Timothée. Il était d’Alexandrie, et il pouvait avoir fréquenté l’école de Philon. Il était très éloquent et très versé dans l’Écriture. Act., xviii, 24. A Éphèse et à Corinthe, il avait discuté avec les juifs, et à Corinthe il avait un parti. I Cor., iii, 5.

Ces arguments montrent tout au plus qu’Apollo pourrait avoir composé l’Épître aux Hébreux, s’il n’y avait pas à rencontre quelque objection décisive On ne voit pas, en effet, ni quand ni comment Apollo aurait acquis le droit de parler en maître à l’Église de Jérusalem, avec laquelle il n’a eu aucune relation. L’attribution à Apollo manque donc de base historique comme de fondement traditionnel.

J. Albani a fait valoir récemment en faveur de cette attribution un argument nouveau : le parallélisme de fond et de forme entre I Cor., ni, 1-9, où il est question

d’Apollo, et Heb., v, 11-vi, 8. Il y a remarqué le même ordre de pensées, les mêmes images, dans un contexte pourtant différent. Il lui paraît donc vraisemblable que l’auteur de l’Épître aux Hébreux connaissait la I re lettre aux Corinthiens et s’est servi des versets 1-9 du c. m. Zeilschrijt fur wissenschaftliche Théologie, 1904, p. 88-93. La ressemblance et même la dépendance indiquées ne prouvent pas qu’Apollo soit l’auteur de l’Épître aux Hébreux. C’est une curieuse coïncidence qui serait plutôt en faveur de l’authenticité paulinienne.

Reuss hésitait entre Barnabe et Apollo, et A. Seeberg est encore dans la même hésitation. Credner a admis successivement ces deux attributions.

2. Silas.

Mynster, Kleine Schrijten, 1825, p. 91-92, Bohme, F. Godet, dans Expositor, 1888, t. vii, p. 241242, ont pensé à ce personnage, uniquement parce qu’il était disciple de saint Paul.

S. Priscille et Aquila. — A. Harnack a imaginé cette nouvelle attribution. Probabilia liber die Adresse und den Verfasser des Hebrærbriejes, dans Zeitschriftjùr die neutestamentliche W issenschaft und die Kunde des Urchristvntums, 1900, p. 16-41. Adressée à une Église familiale de vieux chrétiens de Rome, cette Épître a plusieurs auteurs. L’emploi du pronom nous, xiii, 18, n’est pas purement littéraire, puisqu’au verset 23 qui suit, il y a un autre pronom pluriel de la première personne, qui est un pluriel réel et qui désigne un groupe dont Timothée est le collègue. Or, les auteurs sont le couple Aquila et Priscille, des maîtres instruits et éloquents qui ont converti Apollo. Priscille surtout a rempli ce rôle. Act., xviii, 26. Tous deux ont été collaborateurs de Paul dans le Christ Jésus. Rom., xvi, 3. C’était donc des évangélistes et des docteurs. Leur action a été œcuménique, Rom., xvi, 4. Ils ont écrit une lettre pour recommander Apollo à l’Église de Corinthe. Act., xviii, 27. Ils ont écrit aussi l’Épître aux Hébreux, et c’est Priscille surtout qui aurait tenu la plume. On reconnaîtrait sa main à quelque chose de féminin qu’on remarque dans l’Épître.

Il n’est pas nécessaire de réfuter longuement cette hypothèse. M. Harnack a exagéré le rôle doctrinal des deux époux pour leur attribuer une lettre aussi doctrinale que l’Épître aux Hébreux. L’enseignement de Priscille ne répond guère à la parole de saint Paul : « Que les femmes se taisent à l’église ! » I Cor., xiv, 34. Enfin, l’unité d’auteur apparaît clairement dans toute l’Épître et l’interprétation du nous de la pluralité d’auteurs ne s’impose pas, et la main d’une femme ne se fait guère sentir.

Notons encore que Velch a attribué cette Épître à saint Pierre, The authorship oj the Epistle lo the Hebrews, Londres, 1899, et dom Chapman, Revue bénédictine, 1905, t. xxii, p. 49-62, et Perdeftvitz, Zeitschrift fur neutestamentliche Wissenschaft, 1910, p. 105111, à Aristion, le presbytre d’Asie, qui aurait écrit aussi la finale de Marc. Ramsay a nommé le diacre Philippe.

Mais, sans désigner aucun nom, beaucoup de critiques se bornent à dire que la lettre est d’un Juif alexandrin (Eichhorn, Seyffarth, Schott, Neudecker, Baumgarten-Crusius, Ewald, Hausrath, Kluge, Lipsius, von Soden, Holtzmann, Ménégoz, Jùlicher, Rendall, Westcott, Vaughan, Hollmann, Windisch. En effet, aucune des hypothèses faites sur l’auteur de l’Épître n’est prouvée ; aucune n’est entièrement satisfaisante. Il est donc plus sage de se borner à dire que le dernier rédacteur de l’Épître est un disciple inconnu de saint Paul, peut-être de culture alexandrine. C’est ce disciple inconnu, qui, sous l’inspiration divine, aurait ajouté quelque chose à l’Épître de son maître et lui aurait donné sa forme actuelle.

II. Destinataires.

La question des destinataires