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HEBREUX


Cependant d’autres écrivains connaissent les doutes qui existaient sur l’authenticité et la canonicité de l’Épître aux Hébreux. Saint Philastre n’admet d’abord au canon apostolique que treize Épîtres seulement de saint Paul. User., 88, P. L., t. xii, col. 1199. Toutefois, à l’hérésie suivante, 89, col. 1200-1201, il range au nombre des hérétiques ceux qui n’affirment pas que l’Épître de Paul aux Hébreux est de lui, mais disent qu’elle est ou de l’apôtre Barnabe, ou de Clément, évoque de Rome. D’autres l’attribuent à l’évangéliste Luc. En quelques lieux, où on n’admet que treize Épîtres de saint Paul, on ne la lit pas à l’église. On en donne deux raisons : le style rhétorique qui n’est pas de l’npôtre, et deux questions, de doctrine que Philastre explique. Quelques Églises l’avaient admise à l’honneur de la lecture publique. Celles qui l’excluaient le faisaient parfois parce que les novatiens abusaient de cette lettre pour prouver leurs erreurs.

Saint Jérôme connaît aussi les doutes qui concernent cette Épître. Il les expose à diverses reprises. Il n’admet que treize Épîtres de saint Paul : les Épîtres aux sept Églises, octava enim ad Hebrœos a plcrisque extra numerum ponitur, et les Épîtres pastorales. Epist., lui, ad Paulinum, n. 8, P. L., t. xxii, col. 548. Il dit encore que Paul a écrit neuf lettres à sept Églises. Epistola autem quse fertur ad Hebrœos, non ejus creditur propter stili sermonisque distantiam, sed vel Barnabæ juxta Tertullianum, vcl Lucse evangelistæ juxla quosdam, vel démentis, romanæ postea Ecclesiæ episcopi, quem aiunl sententiæ Pauli proprio ordinasse et ornasse sermone ; vel certe quia Paalus scribebat ad Hebrœos et propter invidiamsui apud eos nominis titulum in prineipio salulationis amputaveral. Scripserat autem ut Hebrœus Hebrœis hebraicc, id est, suo cloquio dissertissime, ut ea quæ eloquenter scripta fuerant in hebrœo, eloqucntius verterentur in græcum ; et hanc causam esse quod a cœteris Pauli epistolis discrepare videatur. De viris, 5, P. L., t. xxiii, col. 617, 619. Cf. Præfato Hieronijrni in Epistulas Pauli, dans J. Wordsworth et J.-H. White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1913, t. ii, fasc. 1, p. 7. C’est le résumé plus ou moins précis de tout ce qui précède et de tout ce qu’a dit Eusèbe de Césarée. Une autre raison pour laquelle quelques-uns rejettent cette lettre, c’est que Paul, si elle était de lui, aurait cité des témoignages bibliques qui ne sont pas dans les livres hébreux, c’est-à-dire qui viennent de la version des Septante. In Epist. ad Gai, i, 1, t. xxvi, col. 312. Ailleurs il enseigne que l’Épître aux Hébreux est reçue comme étant de l’apôtre Paul, non seulement par les Églises d’Orient, mais encore par tous les écrivains ecclésiastiques de langue grecque, licel plerique eam vel Barnnbæ vel Clemenlis arbitrentur, et il ajoute nihil interesse cujus sit, cum ecclesiastici viri sit et quolidie ecclesiarum lectione celebretur. Si la coutume des Latins est de ne pas la recevoir parmi les Écritures canoniques, les Grecs en font autant pour l’Apocalypse, et tamen nos utramque suscipimus, nequaquam hujus lemporis consuetudinem, sed veterum scriptorum auctoritalem sequenles, qui plerumque utriusque abutuntur teslimoniis, non pas comme des apocryphes qu’ils citent quelquefois, sed quasi canonicis et ecclesiasticis. Epist., cxxix, ad Dardanum, n. 3, P. L., t. xxii, col. 1103-1104. Il maintient donc très nettement la canonicité de l’Épître aux Hébreux, quoiqu’il soit moins assuré de son authenticité paulinienne, authenticité qui n’importe d’ailleurs pas à la canonicité. Néanmoins, il mentionne ailleurs que les Latins ne la reçoivent pas tous comme canonique, Epist., lxxiii, ad Evangelum, n. 4, t. xxii, col. 678 ; In Is., vi, 2 ; viii, 18, t. xxiv, col. 94, 124 ; In Zach., viii, 1, 2, t. xxv, col. 1465 ; il rappelle les hésitations au sujet de l’authenticité paulinienne à Rome en particulier, De oiris, 59, t. xxiii, col. 669, ou de la part des Latins, In Matth.,

xxvi, 8, t. xxiv, col. 192, ou d’une façon générale, In Jer., xxxi, 31, t. xxiv, col. 883 ; In Ezech., xxviii, 11, t. xxv, col. 272 ; In Amos, viii, 7, 8, ibid., col. 1081 ; In Epist. ad Eph., ii, 18, t. xxvi, col. 475 ; In Epist. ad Titum, i, 5 ; ii, 2, col. 563, 578. Il dit aussi que saint Paul a écrit à sept Églises. In Zach., viii, 23, t. xxv, col. 1478. Il exclut donc l’Épître aux Hébreux.

Ailleurs toutefois, il n’a aucune hésitation. Il reproche aux marcionites de rejeter sans raison les Épîtres pastorales et la lettre aux Hébreux, et il se propose de prouver qu’elles sont de saint Paul. In Epist. ad TH., prol., t. xxvi, col. 555-556. Dans ses sermons, il cite couramment l’Épître sous le nom de saint Paul ou de l’apôtre. Commentarioli in ps. viii et xevi, dans G. Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1895, t. m a, p. 21, 72 ; Tractatus de ps. lxxxvi, civ, evi, ibid., 1897, t. m b, p. 98, 201 ; 1903, t. m c, p. 90 ; In Esa., vi, 1-7, p. 109, 110, 115, 119, 121. Cf. In Is., vi, 9 sq. ; viii, 18, P. L., t. xxiv, col. 99, 121. Ces citations indiquent quel était le sentiment personnel de saint Jérôme : il admettait l’origine paulinienne de l’Épître. Mais comme savant et critique, il hésitait à cause des doutes antérieurs, partagés encore par quelques-uns de ses contemporains, et il n’osait pas affirmer une authenticité qu’il savait contestée. Il a hésité entre la tradition orientale, favorable à l’authenticité paulinienne, et la tradition occidentale, qui lui avait été défavorable.

Pelage, In Epist. ad Rom., v, P. L., t. xxx, col. 667 ; cf. Zimmer, Pelagius in Irland, Berlin, 1901, p. 178179, 294 ; cite l’Épître, quoiqu’il ne l’ait pas commentée. Le prologue général aux Épîtres de saint Paul, qui débute par les mots Omnis textus vcl numerus, qui se trouve dans un bon nombre de manuscrits bibliques, S. Berger, Les préfaces jointes aux livres de la Bible dans les manuscrits de la Vulgate, Paris, 1902, p. 62, et que dom de Bruyne a attribué à Pelage, Étude sur les origines de notre texte latin de saint Paul, dans la Revue biblique, juillet et octobre 1915, p. 380, compte quatorze Épîtres de saint Paul et il place la lettre aux Hébreux la dernière, en ajoutant toutefois : Hœc in canone non habetur. J. Wordsworth et J.-H. White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1913, t. ii, fasc. 1, p. 40. Pelage admettait donc l’origine paulinienne de l’Épître aux Hébreux, sans reconnaître sa canonicité. Un autre prologue, débutant par les mots Primum quæritur quare et attribué à Pelage par plusieurs manuscrits de la Vulgate, contient un plaidoyer en faveur de l’origine paulinienne de l’Épître aux Hébreux, que quelques-uns attribuent à saint Barnabe, à saint Luc ou à saint Clément. Si l’absence du nom de Paul dans le titre de cette Épître prouvait qu’elle n’est pas de l’apôtre des nations, l’absence de tout nom dans ce titre prouverait qu’elle n’est l’œuvre de personne, ce qui est absurde. Il faut donc croire plutôt qu’elle est de celui dont elle contient la doctrine. L’apôtre, regardé par les Hébreux comme un destructeur de la loi, a tu son nom en tête d’un écrit où il traitait du caractère figuratif de la Loi et de la vérité du Christ, afin de ne pas détourner les lecteurs du fruit de sa lecture. Et il n’y a pas lieu de s’étonner que saint Paul soit plus éloquent en hébreu, sa langue maternelle, qu’en grec, idiome étranger, dans lequel il a rédigé ses autres Épîtres. J. Wordsworth et J.-H. White, lac. cit., p. 2-5. Pour dom de Bruyne, l’auteur de ce prologue serait un pélagien, qui a ajouté, vers 480, l’Épître aux Hébreux au commentaire de Pelage, et a publié son prologue sous le nom de Pelage. Ibid., p. 383. Cf. A. Souter, The character and history of Pelagius’Commentary on the Epistles of St Paul (extrait des Proceedings of the Brilish Academy, t. vu), Londres, 1916, p. 6-9 ; É. Mangenot,