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GERSON


Labbe-Mansi, Concil., t. xxvii, col. 728 sq. ; Schwab, op. cit., p. G09.

Gerson n’avait assisté ni au concile de Pise (1409) ni à celui de Rome (1412-1413), mais il les avait hautement approuvés. Son rôle à Constance fut des plus considérables. Il y arriva le 21 février 1415 avec une délégation de l’université de Paris. Nous n’entrerons pas dans le détail du procès de Jean Huss, Schwab, op. cit., p. 540-609 ; Constance (Concile de), t. iii, col. 1213 sq., de la condamnation des flagellants, Gerson, Opcra, t. ii, p. 658, 660 ; voir Flagellants, col. 16 ; de ses démêlés avec les Anglais qui, malgré leur petit nombre, prétendaient former une nation au sein du concile, N. Valois, op. cit., t. iv, p. 369 ; de ses luttes doctrinales contre Matthieu Grabon, ce grand adversaire des nouveaux ordres religieux, le Guillaume de Saint-Amour du xve siècle. Gerson, Opéra, t. i, p. 467 ; Hefele, Histoire des conciles, t. xi, p. 103.

Nous parlerons plus bas de son attitude vis-à-vis des trois papes qui se disputaient alors la tiare et des théories qu’il eut l’occasion d’exposer au sein du concile pour arriver à l’extinction du schisme.

Ce furent surtout ses luttes contre Jean sans Peur qui lui attirèrent des disgrâces imméritées. Déjà, à Paris, le duc de Bourgogne avait provoqué une émeute contre lui. Sa maison avait été pillée et il n'échappa aux assassins qu’on se réfugiant pendant deux mois sous les voûtes de Notre-Dame. Après le concile de Constance, pendant que le pape, l’empereur, les Pères et les princes s’en retournaient avec pompe dans leur pays (1418), Gerson apprenait que Jean sans Peur avait juré sa perte et que la nation picarde, au sein de l’université, avait demandé qu’il fût désavoué, rappelé et puni alrociter. Opéra, t. v, p. 374 ; Denifle, Charlul., t. iv, p. 300 ; Max Lenz, Revue historique, t. ix, p. 470. Pour éviter un crime à son persécuteur, il sortit de Constance le 15 mai 1418, et prit le chemin de l’exil avec ses deux secrétaires au concile, André et Ciresio. Il se retira en Allemagne, à l’abbaye bénédictine de Mœlek, dont il avait connu l’abbé à Constance. C’est là qu’il composa, à l’exemple de Boèce, son traité : De consolatione theologiæ. L’archiduc d’Autriche Frédéric voulut l’attirer dans son université devienne. Gerson s’y rendit, mais n’y resta point. Enfin, en novembre 1419, le chancelier apprit la mort de son ennemi juré Jean sans Peur, tué par les ordres du dauphin sur le pont de Montereau. Il prit aussitôt la route de la France, mais il ne rentra pas à Paris, livré aux factions et resté au pouvoir des Bourguignons. Il se dirigea vers Lyon où l’appelaient son frère, prieur des célestins, et l’archevêque Amédée de Talaru. Schwab, op. cit., p. 767. C’est là qu’il passa ses dernières années dans les exercices de la dévotion et du zèle sacerdotal. Il y composa divers écrits d'édification et en particulier son traité de théologie mystique ou pastorale bien connu : De parvulis ad Christum trahendis. Joignant l’exemple au précepte, il aimait à s’entourer de petits enfants dans l'église de Saint-Paul et il se plaisait à leur enseigner les éléments de la doctrine chrétienne. Ces dix années furent les plus douces de sa vie militante.

Il vécut assez longtemps pour écrire deux opuscules sur Jeanne d’Arc, dont il défend la mission divine. Cf. Quicherat, Procès, t. v, p. 462. Sa mort arriva le 12 juillet 1429 et les regrets de tous les gens de bien le suivirent jusqu’au tombeau. On lui attribua des miracles, et cinq martyrologes au moins lui donnent le titre de bienheureux. Plus de cinquante conciles particuliers et de nombreux écrivains ecclésiastiques recommandent aux pasteurs « ce grand, pieux et savant professeur, ce zélateur des âmes, ce directeur hors ligne, ce modèle des ministres de l'Évangile… »

Les savants l’ont nommé doclor christianissimus et les mystiques doctor consolalorius. Plusieurs statues lui ont été élevées à Paris et à Lyon, et, dans l'églisj de la Sorbonne, son image fait pendant à celle de Bossust. II. Ses opinions sur l'Église et la hiérarchie ;

SON RÔLE AU CONCILE DE CONSTANCE. — On le Sait,

ce qui a manqué le plus aux théologiens du commencement du xve siècle, c’est une doctrine ferme sur ce que les théologiens appellent aujourd’hui le traite de l'Église. Le gallicanisme, dont ils avaient puisé le germe dans l’enseignement des grandes écoles, s’est développé grâce aux expédients arbitraires qu’on s’est cru obligé d’employer au milieu des événements malheureux du grand schisme pour rétablir l’unité depuis si longtemps compromise. On peut plaider les circonstances atténuantes en faveur de notre Gerson. Il a eu des maîtres peu sûrs ; il a beaucoup étudié, en particulier, Guillaume Occam, le plus mauvais génie du xive siècle. Sa conduite pratique, nous l’avons vii, est, en général, plus modérée et plus saine que ses théories.

On accuse d’Ailly et Gerson d’avoir été les pères du gallicanisme et, à un certain point de vue, on n’a pas tort. Remarquons toutefois, pour être juste, que, quand il s’agit, en 1398, de la première soustraction d’obédience, ces prétendus coryphées des opinions antipontificales n’y eurent aucune part. En 1406, lorsqu’on voulut rétablir la soustraction complète d’obédience, ils opposèrent une résistance acharnée aux projets de Simon de Cramaud, de Pierre Plaoul, de Jean Petit et de Pierre le Roy. Deux ans après, quand la révolte contre Benoît XIII se fit plus violente et prépara une sorte de constitution civile du clergé au sein du Ve concile de Paris, les résolutions schismatiques de l’assemblée furent adoptées sans eux, malgré eux et, on peut le dire, contre eux. N. Valois, op. cit., t. iv, p. 23. Un peu plus tard, lorsqu’ils abandonnèrent Benoît XIII et Jean XXIII, c’est quand il leur fut démontré que leur présence à la tête d’une partie de l'Église était un obstacle à l’union. Pereat unus, non imitas, dit saint Bernard.

Enfin, il est prouvé aujourd’hui que plusieurs traités sur lesquels les adversaires de Gerson se sont parfois basés pour attaquer sa doctrine théologique ne sont pas de lui, par exemple : De modis uniendi ; Oclo conclusiones quorum dogmalizatio ulilis videtur ad exlerminationcm moderni schismalis ; Sermo factus in die ascensionis an. 1400, etc. Enfin, les éditeurs protestants ou gallicans, VonderHardt, Flacius Illyricus, Richer, Ellies Dupin, ont rendu à sa mémoire de mauvais services en en faisant un homme de parti et un précurseur pour leurs doctrines hétérodoxes.

Il est trop certain que le chancelier a soutenu à propos du pape et du concile des théories erronées, condamnables et plus tard condamnées. Sans doute, l'Église romaine est indéfectible, mais, d’après lui, l'évêque de Rome n’est pas l'évêque universel, jouissant d’un pouvoir immédiat sur tous les fidèles ; la puissance est en lui subjective et executive. Opéra, t. ii, col. 259, 279. Bien loin d'être infaillible, il peut tomber parfois dans l’hérésie. Dans ce cas, s’il reste pape, on a le pouvoir de le lier, de l’emprisonner et même de le jeter à la mer. Ibid., p. 221 ; Noël Valois, op. cit., t. iv, p. 84. Toutefois, il n’est pas l’adversaire du primatus qu’il affirme formellement être de droit divin ; c’est, dit-il, une primauté monarchique instituée par le Christ surnaturellement et immédiatement. Opcra, t. ii, col. 529. Quant au concile général, sa doctrine n’est pas plus sûre. Il admet la supériorité de l'Église et du concile œcuménique sur le pape, car il ne voit pas d’autre moyen de sortir du schisme et de revenir à l’unité. Les expédients temporaires deviennent pour lui des principes définitifs. C’est de l’opportunisme dans l’ordre ecclésiastique. Gerson se place dans l’ordre exclusivement rationnel et pratique, et