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HABERT — HABITUDES MAUVAISES


lui aussi, et par les mêmes raisons, la conformité de la doctrine des deux délectations avec renseignement traditionnel de l’Église.

Au milieu de ce va-et-vient d’écrits, l’archevêque do Paris, Noailles, en mars 1711, publia un Moniloire dans lequel il prenait la défense du théologien attaqué. Ce monitoire paraissait exactement en même temps qu’un mandement de l’évêque de Gap qui condamnait Habert. D un autre côté, Fénelon avait écrit au P. Le Tellier, que si Noailles défendait la théologie de Châlons, il la condamnerait publiquement dans un mandement. Celte instruction pastorale fut écrite et elle se trouve parmi les ouvrages de Fénelon sous la date du 1 er mai 1711. Mais, malgré des prières répétées, il ne put obtenir du roi l’autorisation de la publier. Il y disait : « Nous avons reconnu qu’on ne peut ici tolérer le texte du sieur Habert sans tolérer celui de Jansénius, ni condamner celui de Jansénius sans condamner aussi celui du sieur Habert, que l’unique différence qu’il y ait entre Jansénius et lui se réduit aux seuls termes de morale et moralement. Jansénius a admis une nécessité et une impuissance qu’il nomme simples. Habert admet une nécessité et une impuissance qu’il appelle morales. » En même temps, il agissait à Rome et il y faisait solliciter par son correspondant, le P. Daubenton, la condamnation de l’ouvrage. Mais ici encore il échoua et le P. Daubenton finit par lui écrire : « Habert pense comme Jansénius, mais il s’exprime autrement et cela suffît pour le protéger contre une censure. Sa nécessité morale est en réalité une nécessité physique ; mais il le nie et c’est assez. Les thomistes ne souffriront pas que l’on censure sa délectation victorieuse, car elle n’amoindrit pas plus la liberté que leur gratia prædeterminans. » De fait, la théologie de Habert ne fut pas condamnée. Il apporta du reste des corrections importantes aux textes incriminés dans les éditions suivantes.

Mais la polémique ne cessait point. Les jansénistes intransigeants n’admettaient pas les adoucissements de Habert.. Un docteur de Sorbonne. Petitpied, publiait, sous le voile de l’anonymat, son pamphlel : De l’injuste accusation de jansénisme. « Plainte à M. Habert, docteur en théologie de la maison et société de Sorbonne, à l’occasion des Défenses de l’auteur de la théologie du séminaire de Châlons » , qui parut à la fin de 1711. C’était surtout une attaque contre Fénelon et son Instruction pastorale du 10 février 1704, où il disait : « C’est se jouer du dogme catholique sur la liberté, que d’hésiter un moment à admettre le pouvoir prochain, qui est le seul présent dans le moment précis où il s’agit de mériter ou de démériter pour l’éternité. » Mais il reprochait aussi à Habert d’avoir distribué trop libéralement le qualificatif dont on l’avait gratifié lui-même. Puis, à la première Dénonciation, succédaient la Suite de la Dénonciation et la Nouvelle dénonciation, qui ressassaient les mêmes arguments et les mêmes attaques personnelles. Enfin le docteur Hilaire Dumas, conseiller-clerc au parlement de Paris, consacra la quatrième de ses Lettres d’un docteur de Sorbonne à un homme de qualité louchant les hérésies du xviie siècle, à la réfutation du système de Habert. Le théologien reprit la plume et publia, en 1714, la Réponse à la quatrième lettre d’un docteur de Sorbonne à un homme de qualité.

Habert s’était retiré à Paris pour publier sa théologie. Mais il ne se désintéressait pas de la vie universitaire et il prit une part importante aux discussions que souleva la bulle Unigenitus. Elle avait été acceptée par quarante évêques contre huit. Le parlement l’avait enregistrée. Mais les choses ne devaient pas aller si facilement à la faculté de théologie. Lorsque la bulle fut présentée, il y eut, malgré les ordres du roi, de vives discussions. Enfin on se rangea à l’avis de Habert,

qui conseilla d’enregistrer la bulle, puisque le roi le demandait, mais en spécifiant dans l’acte que cet enregistrement ne supposait ni acceptation ni approbation. Louis XIV, irrité de cette attitude, exila les docteurs qui avaient souscrit à cet acte, Habert des premiers. L’avènement du Régent mit un terme assez prompt à cet exil. Bien plus, Habert fut chargé, avec dix-sept autres docteurs, de rédiger le fameux Corps de doctrine qui devait régler les questions controversées. Le 1 er août 1716, il formula ce qu’il prétendait être l’enseignement de l’Église gallicane. « La constitution Unigenitus, disait-il, n’est qu’une loi d’économie, de police et de discipline, en attendant qu’elle devienne, par l’autorité d’un concile œcuménique, une décision dogmatique et une règle de foi. »

Ce fut là son dernier acte Important. Il mourut à Paris le 7 avril 1718.

Beaupré, Recherches historiques et bibliographiques sur les commencements de V imprimerie en Lorraine, Nancy, 1845 ; A. Gandelet, Le jansénisme à Verdun, Verdun, 1884 ; Robinet, Pouillé du diocèse de Verdun, t. i, p. 148 ; Fénelon, Œuvres, Paris, 1723, t. iii, p. 309 sq. ; t. iv, p. 146 sq. ; t. xvi, p. 207-549 ; Dictionnaire des livres jansénistes, t. iv, p. 78 ; Féret, La faculté de théologie de Paris. Époque moderne, Paris, 1910, t. vii, p. 215, note 3 ; Jourdain, Histoire de l’universilé de Paris, t. i, p. 303 sq. ; H. Reusch, Der Index der verbotenen Rucher, Bonn, 1885, t. ii, p. 679 ; Kirchenlexikon, t. v, col. 1407-1408 ; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv, col. 740-741.

A. Humbert.

    1. HABITUDES MAUVAISES##


HABITUDES MAUVAISES. —I. Définition et distinction. II. Faut-il nécessairement les accuser au tiibunal de la pénitence ?

I. Définition et distinction.

1° On appelle habitude mauvaise l’inclination, le penchant, ou la facilité qu’a un pécheur à pécher par suite de la répétition des mêmes fautes. Si. selon l’axiome, l’habitude est une seconde nature, il s’ensuit que celui qui a l’habitude de pécher, s’en corrige difficilement, car il lui faut non pas seulement résister à une tentation passagère, mais se dépouiller, pour ainsi dire, d’une seconde nature qu’il a revêtue par l’habitude de pécher. Cf. Suarez, De religione, tr. V, 1. III, c. viii, n. 7, Opéra omnia, 28 in-4°, Paris, 1876-1878, t. xiv, p. 694. Cette inclination au péché, devenue comme naturelle, porte plus ou moins fortement au péché, suivant que l’habitude est plus ou moins ancienne, plus ou moins intense, ou est excitée par une occasion plus ou moins prochaine. Cf. S. Jérôme, Episl., cxxiii, ad Ruslicum, De pœnilenlia, n. 3, P. L., t. xxii, col. 1044 ; S. Grégoire le Grand, Homil., xiii, in Evangel., n. 2, P. L., t. lxxvi, col. 1124 ; S. Anselme, Opuscul. de similitudinibus, c. exc, P. L., t. clix, col. 701.

2° Quelle multiplicité, ou quelle fréquence faut-il dans les actes peccamineux pour qu’un pécheur puisse être considéré comme ayant contracté une habitude mauvaise ? Il est assez dillicile de répondre à cette question d’une manière générale, car certains individus contractent plus de facilité à comm ttre certaines catégories de péchés par moins d’actes, que d’autres par beaucoup. On ne doit donc pas toujours considérer comme habitudinaire quelqu’un qui a péché plusieurs fois contre la même vertu, ou contre le même précepte ; de même qu’on ne doit pas juger comme non-habitudinaire. celui qui n’a commencé à pécher que trois ou quatre fois. En principe, un péché répété plusieurs fois en peu de temps engendre plus facilement une habitude mauvaise, que s’il était répété autant de fois durant un temps plus long. Cf. Ballerini, Compendium théologiæ moralis, tr. De sacramento pœnilentiæ, part. III, c. ii, a. 1, § 2, p. il, n. 638, 2 in-8°, Rome, 1869, t. ii, p. 440 sq.

Pour constituer l’habitude mauvaise, deux conditions sont essentiellement requises : 1° la répétition