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GUERRE

divers : a) Violation du territoire des États neutres ; b) Violation de la frontière française avant la déclaration de guerre ; c) Assassinats de prisonniers et de blessés ; d) Pillages, incendies, viols, assassinats ; e) Attentats contre les hôpitaux et les ambulances ; f) Emploi de projectiles interdits ; g) Emploi de liquides enflammés et de gaz asphyxiants, au mépris des règlements mêmes du Congrès de La Haye ; h) Bombardements de villes non défendues ; destructions d’édifices consacrés aux cultes, aux arts, aux sciences et à la bienfaisance, toujours en contradiction avec les règlements du Congrès de La Haye ; i) Usage de procédés de guerre déloyaux ; j) Actes de cruauté commis à l’égard des populations civiles. Les auteurs de ce livre officiel avertissent, enfin, le lecteur que, sous ces dix chefs, sont rangées non pas toutes les violations de la guerre sur terre commises par l’Allemagne, mais seulement quelques-unes. Ces chefs d’accusation sont prouvés par des pièces de toutes sortes, et dont la valeur démonstrative est indéniable ; par les dépositions de nombreux témoins ; par les procès-verbaux des enquêtes ; et même par les carnets militaires d’origine allemande, où ils sont relatés. Devant de pareilles autorités, et tant de témoignages accablants venus de tant de sources différentes, comment douter de l’incontestable vérité qui arrache aux victimes des cris de douleur, et aux spectateurs des nations neutres des cris d’indignation ?

Aussi, au consistoire du 4 décembre 1916, Benoît XV a-t-il solennellement réprouvé les ruines produites par cette horrible guerre dans toute l’Europe au mépris des lois suprêmes qui règlent les rapports réciproques des cités, et il a signalé expressément les violations du droit divin et du droit des nations contre les choses saintes et les ministres sacrés, même les plus élevés en dignité, les déportations des paisibles citoyens loin de leurs demeures, de leurs mères, de leurs épouses et de leurs fils éplorés ; les incursions aériennes contre les villes ouvertes et les multitudes sans défense ; tous les horribles forfaits qui se perpètrent sur terre et sur mer. Acta apostolicae Sedis, 1910, t. viii, p. 467-468.

3. Nous n’entrerons pas dans le détail des preuves. Il faudrait des volumes, et ils sont très nombreux déjà ceux qui ont été écrits sur ce thème, hélas ! inépuisable. Nous indiquerons seulement quelques faits entre une foule d’autres.

a) La déclaration de guerre fut signifiée à la France, par le baron de Schœn, ambassadeur d’Allemagne à Paris, le 3 août 1914, à 6 heures 45 minutes du soir. Or, dès le 2 août, plus de vingt-quatre heures avant la déclaration de guerre, les troupes allemandes avaient franchi sur trois points déjà la frontière française, et le 3 août au matin, toujours avant cette déclaration, elles avaient déjà aussi violé la frontière belge. Cf. Le Livre jaune français, in-4o, Paris, 1911, p. 139, 157, 158, 159.

b) Les innombrables témoignages recueillis en France aussi bien qu’en Belgique, les rapports officiels comme les enquêtes particulières, sont unanimes pour dénoncer chez les Allemands l’emploi d’un matériel perfectionné en vue de produire des incendies rapides et souverainement destructeurs, tels que pompes à pétrole, grenades incendiaires, boîtes nickelées à benzine, pastilles à résidus de pétrole, pastilles à nitrate de coton, tablettes de poudre comprimée, etc. Pendant qu’ils multipliaient les agents de destruction, ils brisaient les pompes à incendie et tiraient sur les personnes qui tentaient de l’éteindre. Ils se servaient de tous ces moyens, non seulement pour déchaîner le fléau, mais pour en seconder les ravages. Ils incendiaient de propos délibéré et de sang-froid, réalisant un plan de dévastation générale prémédité avant la guerre, et pour lequel ils s’étaient longuement outillés.

c) Dans cette furie de destruction, il faut noter surtout l’acharnement spécial contre les églises, chapelles et cathédrales, sans aucune nécessité d’ordre militaire. Cf. Louis Joubert, Les œuvres et les hommes, dans le Correspondant du 26 septembre 1914, p. 1030-1042 ; Comité d’artistes et d’hommes de lettres, Les Allemands destructeurs de cathédrales et de trésors du passé, d’après les documents officiels et les témoignages directs, avec pièces justificatives, in-8o. Paris, 1915 ; Pierre Laboureyras, La ville d’Albert avant et pendant la guerre, in-8o, Paris, 1916.

d) Pour se justifier, les Allemands ont prétendu que l’on avait placé, dans les tours de ces édifices, des canons, des mitrailleuses, ou des postes d’observation. À Reims, le cardinal Luçon, archevêque, et le chanoine Landrieux, doyen du chapitre, vicaire général, puis nommé évêque de Dijon, le 18 novembre 1915, par Benoît XV, l’ont formellement démenti, en invoquant le témoignage de toute la population, ainsi que le général Joffre, généralissime français. Il est vrai, néanmoins, que, pendant quelques jours, un poste d’observation fut établi sur la cathédrale de Reims ; mais ce fut précisément pendant l’occupation allemande. Cf. Alice Martin, Sous les obus et dans les caves. Notes d’une bombardée, dans le Correspondant du 25 octobre 1914, p. 217-236. Démentis analogues aux mêmes fausses accusations furent donnés, à Soissons, par Mgr Péchenard et le curé de la cathédrale ; à Arras et à Senlis, par les autorités militaires et religieuses. À Paris, le cardinal Amette, archevêque, éleva une vigoureuse protestation contre les aviateurs qui avaient jeté des bombes incendiaires sur la basilique de Notre-Dame. Les évêques de Nancy et de Saint-Dié parlèrent d’une façon identique pour leurs diocèses respectifs. Celui-ci disait : « Les Allemands continueront à prétendre que les Français ont utilisé les églises et les clochers pour la défense : c’est une affirmation mensongère ; mais ce qui est certain, c’est qu’ils ont, eux, transformé nos églises et nos clochers en forteresses. » Dans une de ses lettres pastorales si remarquables, Mgr Mignot, archevêque d’Albi, justement indigné de cet acharnement furieux contre les églises, écrivait : « Quand Alaric — un des grands ancêtres — s’empara de Rorne, en 490, Marcella et Principia, sa fille, trouvèrent un asile assuré contre la violence des Goths dans la basilique de Saint-Paul. Ces patriciennes auraient été moins heureuses, si, vivant en l’an de grâce 1914, elles s’étaient réfugiées dans la cathédrale de Reims, sous le règne d’un successeur lointain d’Alaric. » Cf. Lettres sur la guerre, in-12, Paris, 1915, p. 45.

Avant de détruire les édifices du culte, les soldats prenaient plaisir très souvent à y commettre des sacrilèges, en profanant les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, ou les faisant servir à des usages innommables.

e) Tous les rapports, en France comme en Belgique, signalent également l’obstination des envahisseurs à s’emparer des prêtres et des religieux, pour les abreuver d’injures, en faire les victimes de leurs amusements impies et cruels, les incarcérer, les maltraiter et les assassiner, sous le moindre prétexte.

f) Il est également indéniable que, comme les églises et les prêtres, les ambulances, les hôpitaux et les blessés ont été spécialement visés, au mépris de toutes les prescriptions du droit des gens, des conventions du Congrès de La Haye, et des principes mêmes du droit naturel qui défend de tuer ceux qui ne peuvent plus nuire, puisqu’ils sont incapables de porter les armes. Le drapeau de la Croix-Rouge, arboré sur ces édifices, ne les a pas défendus contre ces sauvages attentats. Batteries d’artillerie, avions et zeppelins ne leur ont ménagé ni les obus, ni les bombes.