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GUERRE


veille de la bataille de la Vistule, a prononcé ces paroles qui constituent comme le farouche programme de toutes les atrocités commises : « Malheur aux vaincus ! Le vainqueur ne connaît pas de grâce. » Cf. Léon Maccas, op. cit., p. 286. C’est le mot d’ordre auquel ministres, princes, ofïiciers de tous rangs se conforment, et les soldats naturellement n’ont aussi qu’à s’y conformer. Que de pages rempliraient les instructions barbares adressées par les généraux allemands à leurs troupes ! Que de pages aussi rempliraient les proclamations très souvent réitérées, par lesquelles ces mêmes généraux, au mépris de la loi morale la plus évidente et la plus élémentaire, rendent les villes et villages solidaires des fautes commises par de simples individus, déclarant qu’on ne fera pas de quartier, que les innocents payeront pour les coupables, que la mort d’un seul soldat allemand doit être vengée par la destruction de villages, ou de villes entières, voire même d’une capitale de trois à quatre millions d’habitants, comme Londres ou Paris. Tels sont les ordres du jour et les proclamations des généraux Stengen, von Bulow, von der Goltz, von Nieber, von Bissing, du major von Mehring, etc. Cf. M. G. Somville, Vers Liège. Le chemin du crime. Un défi au général von Bissing, in-12, Paris, 1915. Il y relate, avec preuves à l’appui, une foule d’assassinats, commis par l’armée allemande sur des civils inoffensifs et sans l’ombre d’une raison militaire. X., avocat à la cour d’appel de Bruxelles, La Belgique sous la griffe allemande, avec, comme annexe et preuves à l’appui, tout le Bulletin officiel des lois et arrêtés allemands pour le territoire belge occupé, in-12, Paris, 1915 ; Hervé de Gruben, Les Allemands à Louvain, avec préface de Mgr Deploige, président de l’Institut supérieur de philosophie à Louvain, in-8°, Paiis, 1915 ; Jean Massart, Comment les Belges résistent à la domination allemande. Contribution au livre des douleurs de la Belgique, in-8°, Paris, 1916. C’est incontestablement par ordre que le plus souvent les soldats ont incendié, pillé, volé, achevé les blessés, fusillé les otages ou les prisonniers, et massacré une foule d’innocents. Toutes ces atrocités, d’ailleurs, n’étaient que trop conformes à l’enseignement traditionnel donné aux officiers par le grand état-major allemand, dans le manuel que nous avons sommairement analysé au commencement de cet article, Kriegsbrauch in Landkriege, in-8°, Berlin, 1902.

4. L’opinion publique s’étant, à bon droit, indignée, non seulement en Europe, mais dans le monde entier, le bourreau, pour se justifier devant les cris de réprobation générale, n’a pas rougi d’imputer, non seulement à quelques individus, francs-tireurs ou non, mais à ses innombrables victimes, c’est-à-dire à l’ensemble de la population, ses propres méfaits. Néanmoins, les accusations intéressées proférées contre le peuple belge et même contre le clergé belge par les Allemands, ont été démontrées fausses et totalement imaginées, sans exception aucune. Cf. Henri Davignon, Les procédés de guerre des Allemands en Belgique, in-12, Paris, 1915 ; La Belgique et l’Allemagne, in-12, Paris, 1915 ; Enquête instituée par Mgr Rutten, évêque de Liège, et communiquée au maréchal von der Goltz. La fausseté de ces accusations a été reconnue par la Gazette populaire de Cologne et par la revue scientifique allemande Der Fels. Cf. Henri Davignon, op. cit., p. 107.

5. Pas plus que les accusations contre les particuliers, ou contre la population en général, ne subsistent celles dirigées contre le gouvernement belge par le gouvernement allemand, pour justifier l’invasion de la Belgique et la violation de sa neutralité t Cf. Le Livre gris. Royaume de Belgique. Correspondance diplomatique relative à la guerre de 1914(24 juillel-29 août), in-8°, Paris, 1914.

Après avoir avoué ouvertement, le 4 août 1914, en

plein parlement, qu’en envahissant le territoire belge, l’Allemagne violait la neutralité de la Belgique, contrairement aux lois internationales et au droit des gens, mais que les nécessités militaires l’y forçaient, le chancelier de l’empire allemand, M. de Bethmann Hollweg, regrettant cette confession publique, tint ensuite à disculper son gouvernement, en essayant de prouver que la Belgique elle-même avait prémédita de manquer à sa propre neutralité. Une telle explication, inventée après coup, n’a convaincu personne, et personne ne pouvait s’y tromper. Les maladresses qui se sont succédé ensuite dans le but de l’accréditer, sont aussi « colossales » que le cynisme du précédent aveu. Mais, comme l’écrivait le cardinal Gasparri, secrétaire d’État, au ministre de Belgique auprès du Vatican, M. van den Heuvel, le 6 juillet 1915, même si on admettait que la preuve de cette préméditation de la Belgique eût été faite postérieurement, ce qui n’a jamais été démontré, « encore resterait-il toujours vrai de dire que l’Allemagne, de l’aveu même du chancelier, pénétra dans le territoire belge, avec la conscience d’en violer la neutralité, et, par conséquent, de commettre une injustice. Cela suffit pour que cet acte doive être considéré comme directement compris dans les termes de l’allocution pontificale. » Or, dans cette allocution prononcée au consistoire du 22 janvier 1915, le pape Benoît XV, « comme constitué par Dieu, suivant ses propres expressions, l’interprète suprême et le vengeur de la loi éternelle, » réprouve « hautement toute injustice de quelque côté et pour quelque motif qu’elle soit commise, » et affirme, en même temps. « qu’il n’est jamais permis, pour quelque raison que ce puisse être, de violer la justice, » repoussant ainsi l’aphorisme immoral du chancelier que « nécessité n’a pas de loi. » Acla apostolicæ Sedis, 1915, t. vii, p. 34. La morale, en effet, n’admet aucune nécessité capable de la faire pactiser avec l’injustice, ce qui serait le pire des maux. Pie IX avait déjà déclaré, dans la 64’proposition du Syllabus, que l’amour même de la patrie ne justifie pas la violation d’un serment. A plus forte raison, un intérêt d’ordre stratégique ne peut jamais justifier la violation d’un droit, malgré les maximes chères à Bismarck, à Treitschke, Nietzsche, Bernhardi et consorts. Dans son Manuel des lois de la guerre continentule, le grand état-major allemand rappelait que « les belligérants doivent respecter l’inviolabilité des territoires neutres, et s’abstenir de tout empiétement sur leur domaine, même si les nécessités de la guerre l’exigeaient » . Mais cet avertissement était probablement à l’adresse des seules nations étrangères, l’Allemagne s’en considérant comme dispensée, vu sa supériorité incontestable, et le droit qu’elle s’arroge de dominer le monde entier. D’ailleurs, que l’Allemagne eût depuis longtemps l’intention de violer la neutralité de la Belgique et même celle de la Hollande, cela ressort en toute évidence du livre publié par Daniel Frymann, deux ans avant la déclaration de guerre, Wenn ich der Kaiser wâr ! in-8°, Leipzig, 1912. Voir aussi sur cette affaire van den Heuvel, ministre de Belgique auprès du Vatican, De la violation de la neutralité belge, in-8°, Paris, 1914 ; Introduction aux Rapports belges de la Commission officielle, in-8°, Paris, 1915 ; E. Vaxweiller, membre de l’Académie royale de Bruxelles, La guerre de 1914. La Belgique neutre et loyale, in-8°, Lausanne, 1915.

Dans son discours où il confessait publiquement la faute de l’Allemagne, le chancelier de Bethmann-Hollweg disait au Reichstag : « Nos troupes ont toulé le territoire belge. Cela est contraire aux prescriptions du droit international… L’illégalité — je parle ouvertement — l’illégalité que nous commettons ainsi, nous chercherons à la réparer, dès que notre but militaire aura été atteint. Quand on… combat pour un bien