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GUERRE


Déclaration de Saint-Pétersbourg, le Il décembre 1868, dans le but surtout d’interdire à la guerre l’emploi de certains projectiles propres à produire des blessures particulièrement douloureuses et graves, sans nécessité pour le résultat de la guerre. — 3. Après ces essais partiels, une première tentative de codification générale des lois de la guerre est due à la Russie, sous l’impulsion personnelle de l’empereur Alexandre II, qui proposa, à cet effet, en 1874, une réunion, ou conférence internationale à Bruxelles. Les séances eurent lieu du 27 juillet au 27 août 1874, et il en sortit un Projet de convention internationale concernant les lois et coutumes de la guerre. Mais les États-Unis ne l’ayant pas accepté, la chose resta à l’état de projet, et n’entra pas effectivement dans le droit international positif. — 4. On doit en dire autant du Manuel des lois de la guerre continentale, proposé par l’Institut de droit international, élaboré et discuté par une commission de treize membres français, anglais, italiens, hollandais, allemands, espagnols, russes et autrichiens, et, enfin, approuvé à l’unanimité, dans la session plénière d’Oxford, le 9 septembre 1880.

A l’heure actuelle, le droit international n’a donc précisé encore qu’en très peu de points, pour ces matières, cependant si importantes, et malheureusement toujours trop pratiques, les prescriptions générales du droit naturel. Cf. Lucchini, // digesto italiano. Enciclopedia metodica ed aljubetica di legislazione, doltrinae giurispru denza, au mot Guerra, tit. ii, c. ii, n. 31, t. xii, p. 1084.

VIII. DU DROIT CONFÉRÉ PAR LA VICTOIRE. Par

lui-même, le résultat d’un combat, ou d’une série de combats, si longue et si glorieuse soit-elle, ne saurait rien changer à la justice. La victoire ne confère donc par elle-même d’autres droits aux vainqueurs que ceux qu’il possédait avant de commencer la guerre. La victoire, en effet, n’est qu’une preuve de supériorité physique ou intellectuelle ; nullement une preuve de supériorité morale. Ces deux ordres sont absolument distincts l’un de l’autre, et évoluent séparément.

Assurément cette proposition, expression cependant d’une vérité élémentaire, est contraire à la pratique unanime de toute l’antiquité païenne, qui considérait la victoire comme un juste moyen d’acquérir, en vertu du prétendu droit de conquête. Plusieurs juristes modernes sont également tombés dans cette erreur, si ce n’est sur le principe lui-même, du moins dans ses applications et ses conséquences. De ce nombre est Grotius, De jure bclli ac pacis, 1. III, c. v-vi, qui prend pour lui l’axiome admis par Aristote lui-même : rem mililarem secum ferre naturalem acquirendi modum. C’est ce que les Grecs appelaient : cpusixrjv xtijaiv. De Vattel lui-même ne s’est pas assez prémuni contre ces errements. Cf. Le droit des gens, 1. III, De la guerre, c. xiii, § 195 sq., t. ii, p. 230-234. Ce droit de conquête mal compris a été la source, toujours renouvelée, d’une longue série de guerres atroces dans l’antiquité, et durant les siècles postérieurs. A la vue de tant de richesses, de pouvoir, de gloire et d’honneurs qui accompagnaient la victoire, rien ne paraissait plus désirable aux princes, à leurs officiers, et aux peuples eux-mêmes, que de se mettre en mesure de faire la guerre, et de la conduire à bonne fin. Jamais la paix, ni le commerce, ni l’industrie, ni l’agriculture, ni un travail quelconque, ne leur auraient procuré le moyen de s’enrichir aussi vite et aussi grandement. Quelle tentation pour les rois de reculer ainsi leurs frontières, de régner sur un empire toujours de plus en plus étendu, et d’abaisser leurs rivaux ! L’erreur sur ce point fut si générale dans l’antiquité païenne, qu’il ne faut pas s’étonner que le prétendu jus vicioriie n’ait pas disparu subitement, en pratique, aussitôt après la conversion des peuples au christianisme. Quoiqu’on l’atténuât un peu dans ses conséquences, on le retenait en principe,

sous le nom spécieux de droit des nations, comme s’il était consacré et reconnu légitime par un accord commun de toutes les nations, acceptant comme enjeu de la terrible partie jouée sur les champs de bataille, que le vaincu perdît à peu près tous ses droits, tandis que ceux-ci passeraient au vainqueur. Il ne manqua pas de docteurs et de juristes, pour opposer, dans des thèses déclamatoires, ce prétendu droit des nations à la justice naturelle. Qui ne voit, cependant, que cette reconnaissance tacite des prétendus droits du vainqueur, n’était, de la part des vaincus, qu’un consentement forcé et nullement volontaire ? Ils se soumettaient à ces spoliations, ne pouvant les empêcher. Mais une coutume qui s’introduit de cette manière, et répugne autant à la saine raison qu’à la volonté libre de ceux qui la subissent, ne pouvant faire autrement, ne saurait fonder un droit réel, ni se transformer en loi véritable. Peu à peu, toutefois, sous l’influence des idées chrétiennes, on en est arrivé, surtout dans les siècles récents, à une conception plus équitable des droits et des devoirs réciproques des vainqueurs et des vaincus. Il est donc admis maintenant que la victoire finale, dans une guerre juste, ne confère pas au vainqueur un titre juridique nouveau sur son ennemi vaincu ; elle lui donne seulement la faculté, après avoir maîtrisé son injuste résistance, de récupérer ce qui lui est dû à lui-même, villes ou provinces que l’ennemi retenait injustement. Il peut exiger aussi une compensation proportionnée au dommage subi, ou à l’injure reçue ; demander le remboursement des frais de la guerre qu’il a été obligé de soutenir pour recouvrer son dû. Il peut même prendre des garanties convenables pour assurer, à l’avenir, le respect de ses droits par un ennemi dont il a expérimenté les fourberies, et se mettre ainsi à l’abri de ses machinations, s’il a des motifs sérieux de se défier de lui. Cette dernière considération, cependant, ne doit pas l’amener à dépasser les bornes de la nécessité ou de l’opportunité, et ne pas cacher, sous une apparence de justice, une cupidité démesurée, ou une ambition injustifiable. Cf. Suarez, De charitate, disp. XIII, sect. vi, n. 20, Opéra omnia, t. xii, p. 757 ; Laymann, Theologia moralis 1. II, c. xii, n. 14, t. i. p. 189 ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III, tr. IV, c. i, dub. v, a. 3, n. 411, t. i, p. 664 ; Isambert, Annales politiques et diplomatiques, Introduction, in-8°, Paris, 1823, p. 115 ; Meyer, Institutiones juris naturalis, part. II, sect. iii, 1. II, c. ii, a. 2, § 2, thés, lxxxiv, t. ii, p. 802 sq. IX. Des efforts tentés pour faire disparaître la guerre, ou, du moins, en atténuer les effets. L’arbitrage international. — 1° L’institution des tribunaux réguliers, au sein des nations civilisées, a fait disparaître les guerres privées, d’individus à individus. Ii serait extrêmement souhaitable qu’un tribunal de ce genre fût établi, auquel les nations pourraient et devraient recourir, pour résoudre légalement et pacifiquement les conflits qui surgissent entre elles. Quel bienfait pour l’humanité, si un tel projet pouvait se réaliser t Entre princes chrétiens, ce juge supérieur devant lequel ils pourraient juridiquement poursuivre la revendication de leurs droits, est naturellement le souverain pontife, père et chef de tous les fidèles. Le pape est l’autorité morale la plus haute qui soit sur terre : les princes non catholiques eux-mêmes l’ont parfois reconnu aussi, et, même pour eux, il pourrait être l’arbitre suprême.

Dans les siècles passés, en effet, les souverains pontifes sont souvent intervenus comme arbitres entre les nations belligérantes, soit que celles-ci le leur eussent demandé, soit qu’ils se fussent offerts eux-mêmes, comme médiateurs. Ainsi, par exemple, vers la fin du xie siècle, Pascal II rétablit la paix entre le roi d’Aragon et ses ennemis. Cf. P. L., t. clxviii, col. 305. Innocent II essaya aussi de le faire, en 1138, entre l’Angle-