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GUERRE


droit de faire peser sur l’État offensant le poids d’une guerre dont celui-ci est la cause injuste ; mais cette coutume est illégitime, si, par pays envahi qui doit nourrir l’armée envahissante, on entend ies biens particuliers. Proudhon lui-même l’a reconnu : « Vous ne pouvez, dit-il, exiger des habitants le moindre service, sans le payer. » La guerre et la paix : Recherches sur le principe, el la constitution du droit des gens, 2 in-12, Bruxelles, 1861. En effet, les armées régulières ne prétendent traiter qu’avec des corps réguliers. Un individu qui porte les armes, sans être revêtu d’un uniforme et sans dépendre d’un chef d’armée reconnue, est considéré comme un brigand, et fusillé sur l’heure. Pour être conséquentes avec elles-mêmes, les armées doivent, même pour leur subsistance, respecter les biens des particuliers, puisqu’elles exigent que les particuliers les respectent elles-mêmes. Cette conclusion est aussi une application du principe admis universellement par le droit international moderne, que les guerres sont d’État à État, et non d’individus à individus. Les maraudeurs, souvent, pillent et rançonnent pour leur propre compte, se croyant autorisés à faire sur une moindre échelle ce que les généraux font en grand, en imposant des réquisitions arbitraires. Si la maraude, qui a pour but la subsistance du soldat, est illégitime, à plus forte raison le pillage, qui a pour but son enrichissement, est-il coupable. La nécessité peut parfois excuser la maraude, suivant l’axiome : Inextrema necessilale omnia bona sunt communia. Aucune raison ne saurait excuser le pillage, qui est le vol. Ceci n’est plus la guerre d’État à État : c’est l’acte criminel d’individus qui, abusant de leur force, volent d’autres individus incapables de se défendre. On ne saurait donc, en ce point, se ranger à l’avis de Vattel qui trouve le droit de butiner tout à fait conforme au droit naturel. Cf. Le droit des gens, 1. III, c. ix, § 164, t. ii, p. 199 sq. Son erreur vient de ce qu’il considère comme ennemis tous les sujets de l’État auquel un autre fait la guerre, oubliant que la guerre est une relation d’État à État. Op. cit., 1. II, c. v, § 69-73, t. ii, p. 126 sq. Cf. Dalloz, Dictionnaire pratique de droit public, loc. cit. ; Dudley Field, Oullines of an international Code, in-8°, NewYork, 1876, p. 468 ; Walker, The science oj international law, in-8°, Londres, 1893, p. 249.

3. Certains juristes, plus militaires que jurisconsultes, ont pensé qu’un général a le droit de condamner au pillage une ville qu’il a dû prendre d’assaut, ou qui a violé les lois de la guerre. — Mais comment une ville, habitée en grande partie par des gens inofîensifs : femmes, enfants, vieillards, ou citoyens paisibles, pourrait-elle être accusée, dans son ensemble, d’avoir violé les lois de la guerre, ou être justement punie par le pillage d’un crime qu’elle n’a point commis ? Parce que les soldats qui la défendaient ont fait vaillamment leur devoir, en résistant tant qu’ils ont pu, faut-il punir à ce point ceux qui n’ont point porté les armes, ou qni maintenant les ont déposées ? Cf. Meyer, Instilutiones juris naturalis, part. II, sect. iii, 1. II, c. ii, a. 2, § 2, n. 760 sq., t. ii, p. 809.

4. Peut-on approuver, au nom de la justice, la coutume, dans les guerres maritimes, de saisir les navires marchands appartenant aux sujets de l’État ennemi, et de les considérer, suivant l’expression admise, comme de « bonne prise » pour ceux qui les ont capturés ? Les principes de droit ne sauraient être différents, que la guerre soit faite sur terre ou sur mer, car la justice est de tous les climats. Peu importe que ces prises soient accomplies par des navires de l’État, ou par des corsaires, individus conduisant et défendant des navires armés pour la course : c’est toujours un attentat perpétré contre la propriété privée. Pour légitimer ce droit de course, on prétend qu’on n’en veut pas précisément aux individus que l’on dépouille, mais à l’État, dont on cherche ainsi à miner le commerce. Le raisonne ment ainsi présenté ne manquerait pas d’une certaine justesse dans le cas où l’État, supposé une puissance surtout maritime, tirerait, en majeure partie, sa force de ce commerce ; mais il en serait différemment, si, vu les circonstances, ce commerce maritime pouvait être considéré comme plus utile aux individus qu’à l’État lui-même. Pratiquement, il faut l’avouer, la solution est des plus difficiles. Cf. S. Alphonse, Theologia moralis, loc. cit., n. 409, 1. 1, p. 663 ; Abreu, Tratado de las prisas maritimas, in-4°, Cadix, 1746 ; Ortolan, Règles internationales el diplomatie de la mer, 2 in-8°, Paris, 1864 ; Galiano, Droit de visite, blocus, contrebande de guerre, prises maritimes (Journal de droit international privé), in-8°, Paris, 1898 ; Carnazza-Amari, Del rispello délia propriété privata nelle guerre maritime, in-8°, Modène, 1898 ; Cauvées, L’extension des principes de la convention de Genève aux guerres maritimes,

-8°, Paris, 1899 ; Bar clay, L’inviolabilité de la propriété privée sur mer, in-8°, Bruxelles, 1900 ; Dalloz, Dictionnaire pratique de droit public, au mot Guerre, § 5, n. 39 ; et Prises maritimes, n. 4 sq., p. 703, 1134.

Des stratagèmes et ruses de guerre.

Qu’il soit

permis, à la guerre, d’user de ruses et de stratagèmes, tous les théologiens le reconnaissent, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’une violation de la foi jurée, ou d’un véritable mensonge, ce qui est toujours intrinsèquement illicite. Mais, s’il n’est jamais permis de dire la fausseté, on n’est pas évidemment obligé, surtout envers un ennemi, de révéler ses propres secrets, projets, plans de campagne, tactique que l’on se propose de suivre pour l’attaque ou la défense, etc., etc. On est même en droit de les cacher le plus possible pour assurer le succès de la stratégie. Si donc, à la suite de marches et de contre-marches, d’attaques et de contreattaques, le commandant, ou chef d’armée ennemie se trompe sur l’endroit où il doit concentrer ses troupes, ou se laisse surprendre par des forces supérieures, il ne peut s’en prendre qu’à son manque de sagacité, ou de prévoyance, ou d’intuition, et c’est tant pis pour lui. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II a IF, q. xl, a. 3 ; Laymann, Theologia moralis, 1. II, tr. III, c. xii, De bello, n. 10, t. i, p. 188 sq. ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III, tr. IV, c. i, dub. v, a. 3, n. 410, t. i, p. 663 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. I, 1. II, divis. III, tr. II, n. 807 sq., 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1902, 1. 1, p. 510.

Mais tous les théologiens affirment que la parole donnée doit être tenue, même envers un ennemi. C’était déjà une prescription formelle insérée, dès les premiers temps, dans le Corpus juris. Cf. Décret de Graiien, part. II, caus. XXIIÎ, q. i, c. 3 ; Laymann, loc. cit., n. 15, t. i, p. 189 sq. ; S. Alphonse, loc. cit., t. i, p. 663 ; Meyer, Instilutiones juris naturalis, part. II, sect. iii, 1. II, c. ii, a. 2, n. 749, t. ii, p. 800.

Des lois de la guerre.

1. Dans le courant du

xixe siècle, des efforts ont été tentés pour codi fier les lois et coutumes de la guerre, et constituer, à cet effet, une sorte de droit international, reconnu par toutes les nations. Ce fut d’abord l’essai partiel de la Convention de Genève, du 24 août 1864, qui s’occupa surtout du soin des blessés. De là naquit l’organisation de la Croix-Rouge, ensemble de sociétés appartenant à divers pays, pour porter secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer. Reconnues, pour la plupart, d’utilité publique par leurs gouvernements respectifs, elles sont ainsi appelées parce que leurs membres sont autorisés, en temps de guerre, à porter le brassard de neutralité, institué par la Convention de Genève elle-même, et qui consiste en une croix rouge sur fond blanc. Ces diverses sociétés de la Croix-Rouge, établies en diverses nations, ont un organe commun : le comité international de Genève, et se réunissent fréquemment en congrès internationaux. — 2. Un autre essai partiel fut celui de la