Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée
1817
1818
GREGOIRE XV


concile créa toute une hagiographie. De 1564 à 1621, l’unité et l’apostolicité furent jalousement gardées par la vigilance et la charité pontificales. Grégoire XV reconquit sur l’hérésie, ou acquit sur le paganisme la quantité des fidèles nécessaire à la catholicité de l’Église romaine. A ces fins, il était des plus urgents de rendre la papauté indiscutable et de maintenir les élections pontificales dans la stricte observance des règles établies au xiiie siècle par Grégoire X ; il fallait aussi fixer les points de discipline encore litigieux, délimiter dans sa possibilité de discussion certaine question de mariologie, insuffisamment mûre pour la définition ex cathedra. Grégoire XV suffit à toutes ces tâches. C’est avec une élégante aisance qu’il les maîtrisa.

Le conclave et la papauté.

Dans les années qui suivirent

le concile de Trente, l’opinion romaine avait subi une détente vis-à-vis du conclave et de sa nécessité. Ce n’était pas à une époque où le rappel de l’Église à un examen motivé de sa doctrine, de sa morale et de sa discipline s’était vu imposé à elle par les audaces de l’hérésie qu’il fallait préconiser une réduction de prudence dans l’élection du souverain pontife. Grégoire XV le comprit. Deux bulles furent données par lui à ce sujet. Elles furent la confirmation solennelle du conclave. Le 15 novembre 1621, la bulle JEterni Palris restait générale. Celle du 12 mars 1622, Decet romanum pontifteem, fut très spéciale. Elle détermina avec une minutie de précisions très détaillées le mode de scrutin. Toute échappatoire était désormais impossible. Tout était prévu pour le cérémonial, la dignité et l’acceptation de l’élection. Les schémas des bulletins furent même présentés. Bullarium magnum de Cherubini, Luxembourg, 1742, t. iii, p. 444, 454 ; Cœremoniale continens rilus electionis romani ponlificis, Gregorii papse XV jussu editum, Rome, 1621 ; Lavadoro, Relazione délia corte di Roma, Rome, 1824. Si la valeur des conceptions d’un homme se mesure à la résistance de se : > œuvres à l’usure des hommes et du temps, Grégoire XV reste le pontife de la prévoyance expérimentée et avertie. Ses ordonnances ont largement contribué au fait de la primauté romaine. La force du pape dans la circonstance est d’avoir constitué un code électoral qui dure aujourd’hui. Une copie imprimée du cérémonial du conclave est encore remise à chaque cardinal, au moment de son entrée dans l’enceinte. Voir Conclave, col. 714716. En somme, l’élection du souverain pontife n’était désormais possible que par « scrutin secret » complété par le second tour dit « d’accession » et à la majorité des deux tiers des votants, par « compromis » , par « quasiinspiration ou acclamation » . Le serment, à haute et intelligible voix, exigé de chaque cardinal au moment où il place son bulletin de vote dans le calice, est intéressant : Teslor Christiun Dominum, qui me judicaturus est, me eligere quem secundum Deum judico eligi deberc, et quod idem in accessu præslabo.

Ces dispositions très fermes, et pourtant suffisamment souples pour éviter la formule trop rigide, offraient à Grégoire XV de belles garanties de succès dans le rappel de l’immunité ecclésiastique qu’il allait émettre devant la chrétienté. Le pape, qui avait su maintenir la dignité du chef de l’Église, avait une certaine facilité pour réclamer ses droits et ses privilèges.

La Congrégation de l’Immunité.

 Depuis le

xive siècle, l’immunité ecclésiastique et la souveraineté pontificale étaient attaquées en différents pays de l’Europe, notamment par la République de Venise et par les gallicans théologiens ou politiques. Pour répondre à ces attaques, Grégoire XV ne préconisa d’autre méthode que la saine et féconde division du travail pratiquée depuis la clôture du concile par Pie V, Grégoire XIII et Sixte-Quint. Des Congrégations avaient été fondées pour la création des compétences

calmes, aisées parce qu’expérimentées. Pour résoudre la question de l’immunité, Grégoire XV institua une commission spéciale qui prit le nom de « Sacrée Congrégation de l’Immunité ecclésiastique. » Créée le 22 juin 1622 par la bulle Inscrutabili diuinæ providentiæ, elle fut provisoirement unie à la S. C. du Concile. Composée de sept cardinaux et de quatre consulteurs, elle eut pour mission de défendre l’immunité et les privilèges de l’Église. Sa fondation coïncidait avec le retour à Rome, dans l’entente catholique, de Marc Antoine de Dominis.

3° Décisions dogmatiques et disciplinaires spéciales.

— Grégoire XV gardait à l’Église romaine son caractère surnaturel et divin. Le magistère ordinaire de 1621 à 1623 suivit avec un soin jaloux les quelques points qui demandaient encore une précision. En 1622, le pontife reconnaissait aux frères prêcheurs, par la bulle Eximii atquc singularis, la faculté de discuter privatim l’impeccabilité de la Vierge Marie ; mais la congrégation générale du 24 mai 1622, écartant désormais la discussion publique à ce sujet, n’admettait plus que l’affirmative. D’ailleurs, Grégoire XV avait déclaré l’immaculée conception dans sa bulle Sanclissimus Dominus noster, également de 1622. Cf. Bullarium magnum de Cherubini, Luxembourg, 1742, t. iii, p. 478. Le 25 février 1622, une bulle défendit à tous les ecclésiastiques et religieux, exempts et non exempts, de prêcher et de confesser sans la permission et l’approbation de l’ordinaire. La même année, la bulle Univcrsi dominici gregis reprenait et accentuait les mesures édictées par Pie IV contra sacerdoles in confessionibus sacramentalibus pœnilentes ad turpia sollicitantes. Bullar. magnum, t. iii, p. 484. La bulle Omnipotentis Dei de 1623 visait les sorciers et faiseurs de maléfices, qui, en s’écartant de la foi, ébranlaient les croyances de leurs frères. Bullar. magn., t. iii, p. 498. En ordonnant la collection de ; décisions de la Rote, le pape constituait un code de jurisprudence, un véritable arsenal dont la solidité allait arc-bouter les nombreuses institutions des pontifes précédents pour parfaire la grande œuvre qui, en réalisant un dogme, restera la gloire de Grégoire XV : la Propagande.

Politique catholique en Europe.

En Europe, la

religion romaine s’était partout relevée dans les vingt premières années du xviie siècle. Les armes avaient confirmé la parole persuasive du missionnaire. Dès son élévation au trône pontifical, Grégoire XV prononça le mot de l’affirmation : « Nous devons appliquer toutes nos pensées, dit une de ses premières instructions, à tirer autant d’avantages que possible de cet heureux changement et de la situation victorieuse de nos affaires. » Ranke, Histoire de la papauté pendant les xvi" et xiie siècles, trad. Haiber, Paris, 1838, t. iv, p. 117. Le grand succès du pape fut de maintenir la paix entre les grandes puissances amies de sa cause. En composant avec adresse, il sut profiter de l’avènement de Jacques I" Stuart pour entraîner dans la politique papale l’Angleterre qui, au cours du siècle précédent, s’était faite le champion des réformés.

La guerre de Trente ans était commencée depuis 1018. Le 8 novembre 1620, l’électeur palatin Frédéric V, chef de l’Union évangélique calviniste, avait succombe sous le nombre à la Montagne-Blanche. La Bohème était écrasée dans ses prétentions à l’indépendance religieuse. Le Haut et le Bas-Palatinat furent occupés par les troupes de la Sainte Ligue, dirigée par Maximilien de Bavière. Grégoire XV n’attendit pas pour multiplier les conséquences de ces victoires catholiques. En doublant les subsides payés jusqu’alors à l’empereur Ferdinand II et en lui promettant en même temps un présent de 200 000 scudi, il lui demandait de continuelle plus promptement possible l’unification religieuse de ses États héréditaires. La rébellion de ces pays rendait