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1799
1800
GREGOIRE VII


concubinæ ex lune et deinceps Laleranensi palalio adjudicarentur ancillse. Cf. Bernold, Chronicon, dans Monumenta Gcrmaniæ. Scriptores, t. v, p. 426 ; P. L., t. cxliii, col. 252. Il avait conseillé le pontife qui s’était élevé contre les violateurs du célibat, et qui, ne se contentant plus de suspendre les coupables de leurs fonctions, avait invité le peuple à déserter les églises où les prêtres incontinents exerceraient le ministère. Cf. Bonizo, Ad amicum, dans Watterich, t. i, p. 103. On connaît le fameux épisode de la « Pataria » . En 1046, sous l’archevêque Guido, la dépravation du clergé milanais était arrivée à son comble ; la ville lombarde reprit ses anciennes prêt en lions à l’indépendance vis-à-vis du Saint-Siège comme au temps de la controverse métropolitaine au ix c siècle. Une association de petites gens, recrutée dans la noblesse et le clergé, se forma, sous le nom de « Pataria » , contre les prétentions archiépiscopales. Cette société des < gueux » groupa les adversaires des simoniaques et des concubinaires. Deux diacres furent à sa tête : Ariald et Landulph. Cf. Muratori, Rerum itedicarum scriptores prxcipui ab anno 500 ad annum 1500 (1723-1738), t. iv. Durant trente années, les deux partis se livrèrent de sanglants combats. En 1066, Ariald y conquit le martyre. En 1059, sous le pontificat de Nicolas II (1059-1061), saint Pierre 1 himien, en compagnie d’Anselme de Lucques, le futur Alexandre II, avait été envoyé à Milan pour y régler ces difficultés, llildebrand dans la circonstance lit œuvre de doctrine. Il reçut au nom du pape le compte rendu de la mission. Actus mediolani de privilegio romanse. Ecclesiæ. Opuscul. V, P. L., t. cxlv, col. 89-98.

Comme pape, Grégoire VII fortifia les décrets de ses prédécesseurs. Un concile fixa ou rappela chaque année la discipline sur le célibat. Les années 1074 et 1075 marquèrent des décisions plus générales : l’invitation à la désertion des églises fréquentées par les clercs concubinaires ou simoniaques (1074, can. 11-20). l’interdiction de l’investiture laïque par la crosse et l’anneau furent deux points fixés alors ne varietur. Cf. Mansi, Concil., t. xx, col. 494 sq., 724 sq. ; Bonizo, Ad amicum, dans Watterich, t. i, n. 361. Les conciles quadragésimaux des années suivantes reprirent ces thèses d’ensemble pour y soumettre tout spécialement les Églises lombardes et germaniques. Ibid.

Une dernière question de théologie sacramentaire était à résoudre : celle de la validité des ordinations simoniaques. Cf. Saltet, Les rcordinations, Paris, 1907, p. 150, 250. Agitée dans trois conciles à Rome, en 1049, 1050 et 1051, elle était restée sans solution, et Léon IX n’avait pas de principe arrêté à ce sujet. Il acceptait que les clercs ordonnés gratuitement par des simoniaques fissent une pénitence de quarante jours, pour être admis ensuite à l’exercice de leurs ordres ; il regarda d’ailleurs le plus souvent comme nulles les ordinations faites à prix d’argent et les fit réitérer. Cf. Actus mediolani, etc., P. L., t. cxlv, col. 93. En toute hypothèse, Pierre Damien, dans sa mission de 1059 à Milan, avait appliqué sa propre doctrine. Elle concluait franchement à la validité de toutes les ordinations simoniaques. Il est naturel de conclure qu’à Home la doctrine n’était pas encore fixée. La prudence s’imposait certes : une décision prématurée pouvait Iriser un certain donatisme. Nicolas II se montra plus évère que son légat ; il décida la déposition des simoniaci simoniace ordinati vel ordinaiores, et des simoniaci simoniace a non simoniacis ordinati. Ceux qui avaient été ordonnés gratuitement par des évêques qu’ils savaient simoniaques étaient admis par indulice à l’exercice de leurs ordres ; mais le pape entendait qu’ils fussent déposés ainsi que ceux qui les avaient ordonnés. Cf. Hardouin, Acta concil., t. vi a, col. 1063 ; Baronius, Annales, an. 1059, p. 33, 31. Grégoire VII

n’avait qu’à confirmer des décisions aussi nettes. Il le fit dans son Ve synode romain de 1078. Cf. Mansi, t. xx, col. 507 ; P. L., t. cxlviii, col. 800 sq. Ordinationcs, quee interveniente pretio, vel precibus, vel obsequio alicujus personæ (aliqui personœ) ca intentione impenso, vel quæ non communi consensu cleri et populi secundum canonicas sanctiones fiunl, et ab his ad quos consecratio pcrlinct non comprobantur, infirmas et irritas esse dijudicamus : quoniam qui taliler ordinantur. mm per oslium, id est per Christum inlranl, sed, ut ipsa Veritas testatur, I lires sunt et lalrones (Joa., x), P. L., t. cxlviii, col. 801. On s’acheminait ainsi vers la décision d’Urbain II, second successeur du pontife actuel. « Un évêque simoniaque ne peut pas faire une ordination valide, faute d’avoir été lui-même ordonné validement, qui nihil habiiit, nihil darc poluit. » Décret de Gratien, caus. I, q. vii, c. 21.

La controverse bérengarienne.

 L’année même

où Grégoire VII portait son décret sur les ordinations simoniaques, une autre question de théologie sacramentaire attendait de lui une mise au point. Depuis saint Paschase Radbert, moine de Corbie au ixe siècle († 865), la présence réelle de Jésus-Christ au sacrement de l’autel n’avait pas cessé de prêter matière à discussion. Cf. P. L., t. cxx, col. 1267-1351. Vers le milieu du xie siècle, la controverse avait repris. Un des disciples de Fulbert de Chartres, Bérenger, ressuscita les erreurs idéalistes de Scot Erigène. Voir Bérenger, col. 721-741. I ! fut choqué du réalisme des expressions employées par maints théologiens, entre autres le célèbre Lanfranc, directeur de l’école claustrale du Bec. Il nia sûrement la transsubstantiation et peut-être la présence réelle. Cf. De sacra adversus Lan/rancum liber poslerior, dans Neander, Bercngarii Turonensis opéra qux supersunt lam édita quam inedila, Berlin, 1834. Condamné en 1050 aux conciles de Rome et de Verceil par le pape Léon IX, il comparut en 1054 au concile de Tours, devant Hildebrand, légat du Saint-Siège. L’archidiacre de Rome, qui désirait étouffer ce sujet de dispute au milieu des crises très graves traversées par l’Église, et qui désapprouvait peut-être le grossier langage des adversaires de Bérenger, essaya de s’interposer. L’écolàtre de Tours ne signa alors qu’une rétractation équivoque, laissant dans l’ombre le point précis du débat. Renvoyé absous par Hildebrand, il était invité à porter sa cause à Rome pour qu’elle y fût jugée souverainement.

Le concile de 1059, réuni par Nicolas II, imposa à Bérenger, sous la pression du cardinal Humbert, une profession de foi circonstanciée. Cf. Lanfranc, De corpore et sanguine Domini, c. ii, P. L., t. cl, col. 410111. Bérenger y anathématise l’hérésie dont il a été accusé, de qua haclenus infamatus sum. « Le pain et le vin ofïerts à l’autel sont après la consécration, non seulement un sacrement, mais encore le vrai corps et le vrai sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ce corps est touché, rompu par les mains des prêtres, mangé par les fidèles, non pas seulement en forme de sacrement, mais réellement et en vérité. » De retour de Rome, Bérenær désavouait son abjuration ; ses disciples se multipliaient. La transsubstantiation était révoquée en doute ; le mode de présence du Christ dans l’eucharistie diversement expliqué. Cf. Guitmond, De corpore et sanguine Christi, P. L., t. cxliv, col. 1427-1494 ; Durand de Troarn, Liber de corpore et sanguine Christi contra Berengarium et ejus seclalores, P. L., t. cxlix, col. 13751424 ; Lanfranc, De corpore et sanguine Domini adversus Berengarium Turonensem, P. L., t. cl, col. 407-442.

Dans ces circonstances, Grégoire VII appela Bérenger à Rome, en 1078. L’attitude de mansuétude qu’il avait su garder, comme légat du Saint-Siège à l’égard du sectateur, vingt-quatre ans plus tôt, lui permettait alors d’agir plus encore par la persuasion