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GREGOIRE II

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ment hérétiques, écrit-il, il t’est permis do manger ou de parler avec eux. Tu (luis, usant de l’autorité apostolique, lis avertir, les réprimander et les ramener, si possible, a la pureté de la discipline ecclésiastique. S’ils obéissent, ils sauveront leurs âmes, et tu auras mérité la récompense. En attendant, ne refuse pas de t’entretenir avec eux et de t’asseoir à la même table. Souvent, il arrive que ceux à qui la correction disciplinaire ne parvient pas à faire observer la loi de la vérité se laissent ramener au chemin de la justice par les exhortations familières de commensaux assidus. Tu observeras la même règle à l’égard des grands qui te prêtent leur secours. » Epist., xxvii. Grégoire 1 er avait ajouté l’Angleterre aux peuples catholiques. Grégoire II, en donnant à l’Église la Thuringe et la Hesse, le nœud, le passage, la forteresse des Allemagnes, avait fait plus que son prédécesseur. Il créait la Germanie dans l’univers civilisé. Les mots qu’il adressait à Boniface, en 726, n’ont rien d’exagéré : « Voilà, frère très cher, ce que nous te demandons, en vertu de notre autorité apostolique, et cela suffit. Pour le reste, nous implorons la miséricorde de Dieu, afin que celui qui t’a envoyé dans ces contrées à notre place, et qui a fait par ta bouche pénétrer la lumière de la vérité dans l’épaisse forêt du paganisme, t’accorde un accroissement de sa protection. Nous lui demandons que tu reçoives la récompense de cette œuvre de salut, et qu’elle nous vaille à nous même le pardon de nos péchés. » Epist., xxvii.

La lutte contre les iconoclastes.

Grégoire II

maintint le dépôt de la doctrine chrétienne. En 717, l’empereur Léon III l’Isaurien inaugurait son règne. Il commença, en 726, la guerre aux images, par un édit dont on ne connaît pas exactement le contenu. En vain, avait-il tenté de gagner à sa cause le patriarche byzantin Germain ; le vieil évêque résista à toutes les sommations du tyran ; il se désista de sa charge en 729, et mourut peu après, âgé de quatre-vingt-dix ans, remplacé d’ailleurs par l’iconoclaste Anastase. Léon menaçait aussi d’envoyer une armée à Rome, de renverser la statue de saint Pierre et de saisir la personne du pontife romain. Grégoire II protesta par une lettre très ferme ; il soulignait l’ignorance impériale, et excommuniait Anastase. La distinction était formelle entre le culte d’adoration Q.x-c, vjtv/.wç) et le culte de convenance (ay sti/63 ;). P. L., t. lxxxix, col. 51 1-524 ; Labbe et Cossart, Conciliorum collectio, Paris. 1672, t. vi, col. 1460. Le IIe concile général de Nicée devait répéter cette doctrine dans des termes presque identiques. Il concède aux images un culte honorifique, tiut)tixÎ] ;  : poay.uvT)atç ; il en écarte la véritable adoration, à/.r/Jtvfj Xaffsïa. L’attitude de Grégoire II pouvait exaspérer Léon III. Saint Jean Damascène à Jérusalem, protégé par le calife, avait soutenu le pontife, dans trois Discours apologétiques. Dans les Cyclades et dans la Grèce, les populations de l’empire avaient déposé l’Isaurien pour proclamer Cosmas. Les représailles de Léon furent terribles. Après la défaite de son adversaire en 730, il publiait un nouvel édit : les attentats contre les images et leurs défenseurs se succédèrent. Le pape resta loyaliste au milieu des pires menaces de sentence capitale. Intransigeant sur la doctrine, il sut maintenir dans l’obéissance à l’exarchat de Ravenne les populations de Rome, révoltée contre l’empereur.

L’ébauche du pouvoir temporel.

Durant les

troubles civils qui avaient marqué la lutte du pape il de l’empereur, le roi des Lombards, Liutprand quin 712-744), avait cru le moment opportun pour étendre sa domination dans l’Italie centrale. S’emparant de Ravenne, puis des villes de la Pentapole, (I Osimo (Marche d’Ancône), il s’avança jusqu’à Sutri où les prières de Grégoire II arrêtèrent l’envahisseur.

En 727, Liutprand se retira de la ville : il en lit présent aux apôtres Pierre et Paul. L’Étal pontifical commençait. C’était une nécessité. Avec le meilleur loyalisme, le pape ne pouvait plus se confier, pour défendre la réalisation de sa mission, aux aléas et à l’impuissance de la politique byzantine. Depuis Grégoire le Grand, d’ailleurs, les prédécesseurs de Grégoire II s’étaient acquis, en fait, une influence, qui les faisait les maîtres incontestés de Rome. Sauf en cas de brouille entre l’empereur et le pape, le préfet de la ville, comme le duc militaire, sont alors soumis au pontife. Cf. Louis Halphen, Études sur l’administration de Rome au moyen âge (751-1252), Paris, 1907 ; Diehl, L’administration byzantine dans l’exarchat de Ravenne, Paris, 1888, p. 127. Grégoire II devait continuer la tactique de ses devanciers. Il releva les murs de Rome, restaura les églises dévastées par les Lombards, notamment les basiliques de Saint-Paul et de Saint-Laurent hors des murs ; des monastères abandonnés, entre autres celui du Mont Cassin, furent aussi repeuplés par le pontife qui avait su transformer sa maison paternelle en couvent de prière et de charité. Le règne de Grégoire II apporte ainsi sa contribution à la réalisation de l’idée de la nécessité du pouvoir temporel pour les papes. Un programme s’affirme sur un terrain libre. Dans la déchéance de l’empire grec, par suite de son opposition même, en 729, Liutprand et l’exarque Eutychius, réconciliés, mettaient le siège devant Rome. Le pape n’hésita pas. Le front haut, il entra dans le camp du roi des Lombards ; en persuadant le souverain, il obtint de lui son manteau, son épée, sa couronne pour en faire le trophée du tombeau de saint Pierre. Cf. Kirsch et Luksch, Gcschichle der katholischen Kirche, Munich, 1906, p. 196. Sur la demande du peuple romain, resté quand même iconodoule, on conçoit que Grégoire II se soit montré à Rome, tout en relevant encore de Ravenne. En réservant la question de droit, il prenait en fait une attitude nécessaire. Les Byzantins avaient abdiqué. Du pontife contre les Lombards, décidaient seuls en cette occurrence des bienfaits vieux de trois siècles. Rome en jugeait ainsi quand, * le 10 février 731, le pape quittait la terre.

Dans la conquête des âmes, dans la défense de la foi, dans la résurrection de sa ville papale, Grégoire II reste l’homme pondéré, aussi ferme sur les principes que condescendant pour les personnes. Sa formule connaît la mansuétude. L’attitude silencieuse et calme, active partout, réalisatrice toujours, lui est familière. Son pontificat est au faîte du viiie siècle. 11 a tracé la voie, magistralement suivie par Grégoire III. On célèbre sa fête le 13 février.

I. Sources. — Grégoire II a laissé quinze lettres, dont deux adressées à l’empereur Léon sur le culte des images, trois à Boniface, sept à divers personnages pour recommander sa mission ; un capitulaire relatif à la discipline ; dix-sept anathèmes contre les mariages illégitimes prononcés dans un synode tenu à Rome (721). Ces documents se trouvent dans Labbe et Cossart, Conciliorum collectio, Paris, 1672 ; P. L., t. lxxxix, col. 495-534 ; Jaffé, Bibliotlieca rerum germanicarum, Berlin, 1866, t. iii, p. 24-315 ; E. Duemmler, Monumenta Germaniæ historica. Epistolæ, Berlin, 1892, t. m ; Jaffé, Regesta pont, romanorum, 1851, p. 175-180, 941 ; A. Potthast, Bibliotlieca historica medii eevi, 2e édit. ; Mai, Spicilegium romamim, 1841 ; l.iber pontlficalis, édit. Duchesne, Paris, 1885, t. i, p. 396-414. IL Ouvrages. — Sur la conversion de la Germanie, G. Kurth, Saint Boniface, 3° édit., Paris, 1902 ; Seiters, Bonifacius, der Apostel der Deulschen, Mayence, 1845 ; Arnheim, 1851 ; E. Sayous, De epislolis sive sancti Boni/acii sive ad sancturn Bonifacium, Paris, 1866 ; G. Pfahler, Sankt Bonifacius, Ratisbonne, 1880 ; Kuhlmann, Der heilige Bonifacius, Apostel der Deutschen, Padcrborn, 1895 ; Von Buss, Winfrid-Bonifacius, édit. von Scherer, Graz, 1888 ; Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, Leipzig, 1887, 1899, t. i ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Lcolercq, Paris, 1910, t. m />, p. 861 sq.