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GRATRY - GRAVE


des racines plus profondes. Quand il y songe, il le dit autant de force que jamais, mais à peine l’a-t-il dit. il mlaisse entraîner de nouveau à sa préoccupation cl à sa distraction… » Dans le Contemporain du 1 er mai 1872. Et toutefois, nonobstant cette explication d’une justesse ingénieuse et un peu attristée, on redit volontiers le jugement du P. Chauvin : « Au milieu même de cçs éclipses momentanées et de ces lacunes, que de vues pénétrantes ou prophétiques, quel élan, quelle générosité, quelle flamme ardente et communicative ! » Le Pire Gratry, p. 321-322. Et Ollé-Laprunc, résumant la philosophie sociale du P. Gratry, a presque formulé un arrêt définitif : « Otez-le de ce siècle, quelque chose manque à ce siècle. Mais quoi ? l’esprit qu’il y a souillé au début de la seconde moitié. Et quel esprit ? Un esprit généreux. » Éloge du Père Gralry, p. 25.

Ces préoccupations sociales avaient inspiré au P. Gratry son premier ouvrage : Catéchisme social par demandes et réponses sur les devoirs sociaux, Paris, 1818 ; il le réimprima, en juin 1871, sous ce titre : Les sources de la régénération sociale. Disons encore que, par ses œuvres et par les initiatives qu’il a provoquées et encouragées, le P. Gratry a été le défenseur des peuples opprimés (Pologne, Irlande), et l’infatigable adversaire de l’esclavage. Cardinal Perraud, Le Père Gralry, p. 223, 251.

Le P. Gratry écrivain a été loué par des maîtres, Caro, Vitet, Nisard. Nous reproduirons ici l’appréciation d’Ollé-Laprune : « Tout entier à son ol jet qu’il veut rendre tout entier, (le P. Gratry), poète et artiste, a une manière de peindre qui n’est qu’à lui… Pour suivre une idée dans tous les replis où elle s’engage, dans toutes les conséquences qu’elle déroule avec soi, il, i je ne sais quelles richesses et délicatesses d’expression incomparables, des tours variés, hardis, inattendus, des formules vives et frappantes, des phrases pleines, solides, qui sont superbes, ou des façons de dire ténues qui semblent saisir l’insaisissable et rendre palpable l’inflniment petit, et toujours et partout, le rythme, un rythme dont il a le secret, qui vient de l’accord intime de la pensée et de la parole entre elles et avec les choses et avec Dieu. » Éloge du P. Gratry, p. 14. P. Gratry, Œuvres, Paris ; Souvenirs de ma jeunesse, publics en 1874 par Adolphe Perraud ; Méditations inédites, 1871 (elles avaient été composées par A. Gratry de 1835 à 1840) ; cardinal Perraud, Le Père Gratry, ses derniers jours, son testament spirituel, 1872 ; Le Père Gralry, sa vie et ses œuvres, Paris, 1900 ; A. Chauvin, Le P. Gralry, 18051872. L’homme et l’œuvre d’après des documents inédits, 2e édit., Paris, 1911 ; Ollé-Laprunc, Éloge du P. Gratry, 1890 ; K. lUohler, Les derniers jours du Père Gralry, Paris, 1912 ; Ollé-Laprune, Etienne Vacherol, 1898 ; Caro, L’idée de Lieu ; Plnlosophie et philosophes ; Ferraz, Histoire de la philosophie au XIX’siècle. Le Père Gralry ; P.amière, Du procédé dialectique, dans les Études de théologie, de philosophie et d’histoire, 1857 ; Amédée de Margcrie, Le Père Gratry, dans le Contemporain du 1 er mai 1872 ; Ililaire de Lacombe, Les commencements du Père Gratnj, dans le Correspondant, 1905 ; Jean Vaudon, Une âme de lumière, Le l’ire Gralry, Paris, 1914 ; "Vitet, Réponse au discours de réception du PGratry éi l’Académie française, 1868 ; Saint-René Taillandier, Discours de réception à l’Académie française, 1874 ; D. Nisard, Réponse au discours de réception de M. Saint-René Taillandier à l’Académie française, 1874 ; Pontmartin, Nouveaux samedis, 5° série, 1X72 ; Albert Aubin, Le P. Gratry, Essai de biographie psychologique, avec préface d’Henry Cochin, Paris, 1912 ; Gratry, n. i ; m des Contemporains, 1905 ; Chauvelot et Bertrln, Gratry, d ; ms Les grandes figures catholiques du temps présent, 1. ii, p. 221-270 ; B. Chauvelot, Le R. P. Gralry, Paris, s. d. (Céli brités catholiques |.

A. Largent.

    1. GRAVE (Henri de)##


GRAVE (Henri de), de un vrai nom Vermeulen, Vermolanus, mais appelé de Grave du nom de sa ville natale, dans Le Brabant septentrional ; c’est là qu’il naquit vers le commencement du xvi c siècle. Il prit

l’habit dominicain au couvent de Nimègue, appartenant à la province dominicaine de Germanie inférieure. Pendant longtemps il fut professeur de théologie. En 1548, au chapitre provincial, réuni à Nimègue, une approbation des capitulaires désigne frère Henri comme remplissant les fonctions de sous-prieur de ce même couvent de Nimègue. Peu après il fui élu prieur, mais il mourut bientôt, le 22 octobre 1552, ; i ;  ; é seulement de 52 ans. Il était particulièrement versé dans la connaissance de l’hébreu et du grec. I.a littérature patristique l’attirait d’une façon spéciale. Il montra par son exemple que les méthodes d’enseignement dans son ordre étaient hospitalières à toute étude qui tendait à donner de la tradition une meilleure connaissance. Il devait avoir des successeurs émériles dans les Combctis, les Goar, les Le Quien, etc. Il travailla surtout, selon ses moyens, à donner des Pères et de leurs œuvres des éditions plus correctes. Pour cela il ne s’épargna aucune fatigue, visitant les bibliothèques pour y découvrir les meilleurs manuscrits, et essayant de restituer le texte aussi parfaitement que possible. Ainsi préparé, il lit paraître successivement : 1° S. Cy priani episcopi et martyris opéra cum brevibus aniwlationibus suis ad Erasmianas addilis, in-fol., Cologne, I 5 I 1 ; ibid., 1549. Cette édition a mérité d’être louée des critiques, qui se sont occupés plus particulièrement de saint Cyprien. 2° Sancti palris Juhannis Damasccni philosophi pariter et theologi suo lemporc facillime summi universa, quæ oblineri hac vice potucrunt opéra summo Hcnrici Gravii studio parlim ex lencbris cl situ crula, parlim cum græcis excmplaribus mature collata, in-fol., Cologne. 1546. Dans sa lettre de dédicace au prince Oswald, comte de Mons, il explique comment l’idée lui vint de donner une édition des œuvres de saint Jean Damascène. C’est à la lecture de la traduction latine du traité De fide orlhodoxa que, saisi par la beauté de cet exposé de la foi catholique, il se prit à désirer qu’il fût connu davantage. Le typographe Pierre Quentel de Cologne fit les frais de l’édition. Il est intéressant de voir comment H. de Grave conduisit cette entreprise. Son édition comprenait d’abord : 1. Vita S. P. Joannis Damasceni per Joanncm palriarcham Hicrosolymilanum conscripta, per F. vero Joannem Œcolampadium versa. Lorsqu’il fit cette traduction Œcolampade n’était point encore passé au protestantisme ; 2. Scrmo de philocosmis et philotheis, ici est de diversis amaloribus mundi et Dei, conversationem S. Palris Joannis Damasccni obilcr narrans. Ce n’était là que la traduction par un inconnu d’un écrit dont l’auteur grec lui aussi était anonyme. Puis venaient les œuvres de saint Jean Damascène, réparties dans l’ordre suivant : a) Logica. Inlroductio dignitatum. De duabus in Christo voluntatibus, et operalionibus, reliquisque naturalibus proprictatibus. Ces trois premiers traités étaient jusqu’alors inédits, b) De fuie orlhodoxa libri quatuor interprète Fabro Stapulensi, cujus et scholiis iidem illuslrantur. H. de Grave ajouta des notes à celles de Lefèvre d’Etaples, et lorsqu’il lui sembla que le texte de saint Jean Damascène pouvait servir contre les hérésies courantes, il fit ajouter par un savant théologien des explication ? nécessaires, c) De Trisagio, De ccntum hxresibns, De altercatione christiani et saraceni ; ces trois traités él aient inédits, d) Fragmentum sententiarum ex sermonibus Damasceni, interprète Bilihaldo Pircheymero Norimbergensi. e) De his qui in fuie hinc migrarunl, quod sacris operalionibus et virorum beneficiis multum ju.ven.tur liber. L’auteur de cette traduction était encore Jean Œcolampade, avant son apostasie. /) Ilisloria Barlaam de Josaphat. Enfin g) Carmina Eyxalavuyla Damasccni et aliorum ; le traducteur était Aide Manuce de Home. Henri de Grave ne se faisait pas illusion sur les défauts d’un pareil travail, entrepris