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C’est l’œuvre d’un savant professeur, d’un chrétien rempli de foi et d’un pasteur zélé ; on peut trouver que son apologétique a vieilli, mais ses appels ont gardé leur touchante éloquence.

Un des devoirs des métropolitains était de veiller aux intérêts religieux de toute leur province et notamment des églises veuves. Or, dans sa circonscription, Bayeux était vacant par la mort de Fauchet ; les évoques d’Arras, d’Évreux et de Beauvais avaient abandonné leur état. Gratien multiplia les démarches, et amena plusieurs départements à reconstituer leur église schismatique désorganisée pendant la Terreur.

En 1797, il avait assisté au concile réuni à Paris et en avait été l’un des vice-présidents. Doux et pacifique par tempérament, il n’en était pas moins entiché des maximes les plus avancées du gallicanisme le plus outrancier. Voici ce qu’il écrivait à Grégoire le 17 mars 1797 : « Tant que l’œcuménicité du concile de Trente et son infaillibilité sur le dogme passera pour constante, dans le concile national, on n’y fera pas grand’chose ; on y sera arrêté à chaque pas par la prétendue autorité irréfragable de ce concile. » Il ne se faisait d’ailleurs que peu d’illusion sur les destinées ultérieures de l’Église constitutionnelle ; il regardait une réconciliation avec le pape comme inévitable, tout en traitant la « dévotion au pape » de superstition. « Si le pape, écrit-il le 13 mai 1797, s’en tient aux brefs de 1791 et 1792, le clergé insermenté est bien à plaindre ; il est impossible de tenir contre l’idée exagérée que le peuple a de l’autorité du pape, et, dans le peuple, il faut comprendre la plupart des ecclésiastiques ; aussi ceux-ci ne manquent-ils pas de rétracter leur premier serment à la constitution civile du clergé dès qu’ils sont convaincus que lesdits brefs sont bien du pape. Tout échoue contre la dévotion envers le Saint-Siège. » C’est là un aveu significatif.

Depuis sa rentrée à Rouen, Gratien habitait le second étage d’une maison de la rue de la Croix-de-Fer n. 10 (aujourd’hui 19). Il y menait une vie de travail, et de prière, de pauvreté et d’austérité, au milieu d’un groupe restreint de fidèles que ses doctrines n’avaient pas éloignes et que retenait la vénération due à d’incontestables vertus.

Atteint de cruelles infirmités contractées pendant son emprisonnement, il avait passé quelques semaines à Versailles, où son collègue Clément lui avait offert une fraternelle hospitalité. Il venait de rentrer à Rouen, quand il mourut, le 16 juin 1799, assisté pendant ses derniers jours par quelques amis fidèles qu’il édifia par sa résignation. Telle était la force de ses préjugés qu’aucun reimrds ne parut le troubler à l’heure suprême ; sa mort fut sereine comme celle d’un juste. Peul-on croire que Dieu n’a pas usé de miséricorde envers celui qui avait souffert pour sa foi ?

Œuvres de Gralien. — Exposition de mes sentiments sur les vérités auxquelles on prétend que la constitution civile du elergdonne atteinte et recueil d’autorités et de réflexions qui la favorisent, Chartres, 31 mai 1790 ; Défense de l’Exposition. .., Chartres, 1790 ; Lettre théologique sur l’approbation des confesseurs, Paris et Chartres, 1791 ; Contraste de la réformation anglicane par Henri VIII et la réformation gallicane par l’Assemblée nationale, Chartres, 1792 ; réimprimé à Paris, mai 1795 ; Lettre de communion écrite au pape, Rouen, 1792 (bibliothèque de Rouen) ; Lettre de prise de possession (3 mai 1792), Rouen (bibliothèque de Rouen) ; Lettre sur les cercueils de plomb provenant d’une église désaffectée (2 juin 1792) (ibid.) ; Mandement ordonnant des priera pour la cessation des troubles civils et la prospérité des armées françaises (21 juin 1792) (ibid.) ; Lettre pastorale sur la continence des ministres du culte, 24 juin 1792 (bibliothèque municipale de Pont-Audemer) ; Réponse a cette lettre par Le Contour, partisan du mariage des prêtres ; Lettre de deux curés du département de Seine-Inférieure dans le même sens : ces deux piè ::sont : '> la bibliothèque de Pont-Audemer ; Lettre sur l’administration des sacrements

le baptême et de mariage (19 octobre 1792) : prescriptions concernant la loi sur les actes de l’état civil ; Lettre aux fidèles de l’église de Rouen (1" avril 1795) ; La vérité de la religion chrétienne démontrée par les miracles de Jésus-Christ, instruction familière, Rouen, 1795 ; réédité à Paris, 1796 ; Lettre pasU>rale ordonnant un Te Deum pour la paix conclue entre la République française et l’Empereur (3 mai 1797).

Nouvelles ecclésiastiques, 1791, p. 182, 201 ; 1792, p. 10, 121, 157 ; 1793, p. 17 ; 1799, p. 30 ; 1801, p. 17 ; Annales de la religion, t. i, p. 58, 121, 601 ; t. iii, p. 432, 472 ; t. v, p. 96, 133, 234, 402, 478, 571, 599 ; t. VI, p. 21 ; t. vii, p. 15 ; t. ix, p. 177, 235-240 (notice nécrologique) ; t. x, p. 191 ; Annales catholiques de l’abbé de Boulogne, t. m il 79")). p. 662076, et critique du manJement du l or avril 1795 ; Edouard Rosset, Notices bibliographiques sur les écrivains de la congrégation de la Mission, par un membre de la congrégation, Angoulême, 1878, p. 271-273 ; Pisani, Répertoire de l’épiscopat constitutionnel, Paris, 1907, p. 163-165 ; Anecdotes de ce qui s’est passé dans la ville de Rouen depuis l’établissement des États généraux qusqu’au 23 octobre 1801), par M. d’IIorcholle, procureur en la chambre des Comptes de Rouen (manuscrit de la bibliothèque de Rouen) ; Rouen pendant la Révolution, par M. de La Querrière (manuscrit de la bibliothèque de Rouen) ; Mémoires de l’abbé Baston, publiés par A. Vendée et J. Loth ; P. Féret, La faculté de théologie de Paris et ses théologiens les plus célèbres. Époque moderne, Paris, 1910, t. vii, p. 104-105.

P. Pisani.

3. GRATIEN DE MONTFORT (BORDEY) fit profession chez les capucins de la province de Lyon le 21 janvier 1602. Il y remplit avec honneur les fonctions de prédicateur et de lecteur, ainsi que d’autres charges, qui lui valurent d’être élu comme provincial de la Bourgogne, quand le comté fut érigé en province indépendante de celle de Lyon, en 1618. Renommé plusieurs fois, il l’aurait été encore dans la suite, si en 1632 il n’avait donné sa démission à cause de ses infirmités. Sa vie cependant se prolongea encore assez longteinp.. car il mourut à Salins le 21 novembre 1650. On a de lui : La Tarentule du Guenon ci-devant nommé Lêandre et à présent Constance Gucnard, hérétique, apostat et dévoyé de l’Église romaine, contenant une entière réponse aux causes impertinentes de sa conversion, in-S°, Saint-Mihiel, 1620. Ce Guénard était un malheureux confrère du P. Gratien, qui, après avoir eu quelque succès comme prédicateur, sous le nom de P. Léandre de Dôle, avait jeté le froc et s’était déclaré protestant en publiant la Déclaration des causes de la conversion de Constance Guenard, in-8°, 1618. Le P. de Montfort publia sa violente et agressive réponse sous le pseudonyme de Denys de Fortmont. On a encore de lui des Axiomata philosophica, qux passim ex Aristolcl circumferri soient, cl in disputationum circuits venlilari, multiplici distinclionum génère variœque eruditionis supclleclili illuslrata, in-4°, Anvers, 1626. Il laissa aussi des Axiomala theohgica demeurés manuscrits.

Bernard de Bologne, Bibliolheca scriptorum ord. min. capuccinorum, Venise, 1747 ; Hœfer, Nouvelle biographie universelle ; Moret, Les capucins en Franche-Comté, Paris, 1882, p. 142.

P. Edouard d’Alençon.

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GRATRY. — I. Vie. IL Doctrine.

I. Vie.

Auguste-Alphonse Gratry, né à Lille le 30 mars 1805, fit ses études classiques, partie dans la maison paternelle, à Tours où son père, employé dans les intendances militaires, avait été appelé à résider, partie au collège de cette ville dont il suivait les classts comme externe. En 1821, à seize ans, il fut envoyé dans une pension de Paris qui conduisait ses élèves au collège Henri IV. Il y fit sa seconde, deux années de rhétorique et sa philosophie. A la fin de sa première année de rhétorique (1822), il obtint le second prix d’honneur au concours général ; et en 1821, à la fin de son année de philosophie, il remporta le premier prix de dissertation française et le second prix de dissertation latine. En 1825, il fut admis à l’École