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(l’Anselme de Lucques († 1080), du cardinal Deusdedit (septembre 1087), et de Bonizon de Sutri (pas avant 1089). Sur d’autres collections encore inédites, l’on peut consulter la dissertation des Ballerini, De antiquis canoinun colleclionibus, iv, 17, 18, dans leur édition des œuvres de saint Léon, P. /…t. lvi, col. 346 ; Theiner, op. cit., p. 338, 341, 345, 350 ; Fournicr, mémoire cité des Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. xiv, p. 209-223. Les droits du Saint-Siège et divers points intéressant la théologie de l’Église et du pape sont clairement formulés ici. Voir quelques affirmations dans les ouvrages cités, comme celles de Deusdedit, édit. Wolf von Glanvell, Die Kanonessammlung des Kardinals Deusdedit, Paderborn, 1905, 1. I, 6, 18, 48, 50, 53, 54, 57, 58, 59, 63, 65, 68, 70, etc. ; Anselme de Lucques, Collectio eanonam, édit. Thaner, Inspruck, 1906, 1. I, 12, 13, 57, 60, 65, 67, 68 ; 1. XII, 42, 47, etc. ; Bonizon de Sutri, Deerelum, 1. IV, 4, 7, 9, 16, etc., dans Mai, Nova Palrum bibliotheca, t. vii, part. III, p. 29, 47, etc. ; de Ghellinck, op. cit., p. 292-294. Ce mouvement de réforme, en connexion intime avec les fameuses propositions du Dictatus papa restitué de nos jours à Grégoire VII par Peitz et d’autres à sa suite, Das original Regisler Gregors VII, Exkurs ni, p. 272 sq., dans Sitzungsberichle der k. Akademie der Wissenschafien in Wien, philos.histor. Klasse, 1911, t. clxv, p. 272-286, affirme sa vitalité jusque dans le succès même de ces collections ; celles-ci se répandent rapidement partout et se multiplient en un grand nombre de manuscrits, surtout celles en 74 titres et celle d’Anselme de Lucques, dont les copies dépassent six fois et davantage le nombre des manuscrits connus de Deusdedit ou de Bonizon. Mais tandis que la question mentionnée tantôt, au sujet des sacrements, entre tout de suite dans les ouvrages de dogmatique, il faut attendre le xvie siècle pour que le traité de l’Église et du pape prenne définitivement sa place dans les cours de théologie ; cela ne veut pas dire que dans les siècles précédents, au xiie et xiiie siècle surtout, les idées des théologiens ne fussent pas nettes et claires à ce sujet. Voir Grabmann, Die Lehre des Thomas von Aquin, von der Kirche als Gotteswcrk, Batisbonne, 1903. Mais la pratique même dont on vivait dispensait d’une systématisation théorique en théologie. Le traité De Ecclesia et de romano ponlificc se préparait ainsi son entrée d’une double manière dans les essais de la codification théologique, comme on l’a dit plus haut ; il y a d’abord l’affirmation nette et précise des droits du Saint-Siège, telle que la formulent Anselme de Lucques, Deusdedit et les autres grégoriens ; il y a, en outre, le mouvement des idées qui correspond à celui des faits et des événements. Avant de se formuler en thèse précise dans les recueils dogmatiques, l’idée de la suprématie papale et des droits du Saint-Siège est en quelque sorte vécue et pratiquée. Les recueils grégoriens contribuent pour une large part à la faire passer dans les mœurs et préparent ainsi la voie aux textes qui entreront dans la codification théologique. Ce qui peut servir en quelque sorte de contre-épreuve à ce que nous affirmons ici, c’est que d’autres essais de réforme, comme ceux dont il a été question plus haut, et qui s’affirment dans quelques collections canoniques du sud de l’Italie, n’aboutissent à aucun résultat sérieux ; il leur manquait l’appui du siège de Borne. Les événements du xive siècle font constater qu’un progrès sur le terrain même de l’enseignement universitaire théologique en ce moment, eût évité les violents conflits dus aux idées conciliaires pendant le siècle qui précède la réforme.

Passons à la théologie sacramentaire de ces recueils ; l’on sait qu’à ce moment même commence le grand travail de la codification théologique, qui aboutira à constituer le IIIe livre des traités de l’école abélardienne et presque tout le IVe livre des Sentences de

Pierre Lombard, dont tous Ici centres théologiques feront leur Liber texlus pendant plus de trois siècles : nouvelle manifestation du lien étroit qui unissait ces deux branches des sciences sacrées. Plusieurs des recueils qui s’inspirent des idées grégoriennes puisent en même temps chez Burchard de Worms ; ce qui garantit la survivance à divers chapitre ; théologiques du Decretum rhénan. Le De pœnilenlia, notamment, fait son entrée dans les traités grégoriens ou dans les exemplaires remaniés de ces collections. Mais ici la question dogmatique n’est pas encore au premier plan ; la question morale et l’histoire de l’administration de la pénitence sont surtout l’objet de l’attention : de tout cela la théologie positive peut déjà tirer des ressources, rien que pour l’histoire des usages pénitentiels, les formules et les conditions de l’absolution et de la satisfaction, etc. Voir de Ghellinck, op. cit., p. 295. Quelques autre ; parties ne se haussent pas encore beaucoup au-dessus des recommandations d’ordre pratique données par Burchard, telle, par exemple, la collection d’Anselme de Lucques, 1. IX, inédit (table des chapitres dans Mai, Spicilegium romanum, t. vi, p. 352-375, d’après la seconde recension de la collection). Il faut attendre la répercussion de la controverse de Bérenger sur les recueils chartrains pourvoir apparaître la note dogmatique en cette matière. Par contre, de nombreux chapitres sur la dédicace des églises, comme dans la. Collection en 74 litres et diverses collections italiennes inédites (de ecclesiis sacrandis… el sacramentis carum, etc.), préparent déjà les voie ; à la dist. I du De consecratione de Graticn. En même temps, l’emploi fréquent du mot sacramentum, chez les canonistes et chez les liturgistes, fournit abondante matière à l’étude des sacrements et des sacramentaux. Mais le principal problème qu’agite en ce moment la théologie sacramentaire est celui de la valeur du sacrement dans le cas de sa collation par un indigne. Elle commence surtout à occuper les esprits après l’apparition de la Collection en 74 titres, c’est-à-dire après les grandes mesures de déposition décrétées par les conciles réformateurs sous Hildebrand et Grégoire VII : élément de controverse qui déborde d’ailleurs des collections canoniques et des traités théologiques, pour envahir toutes les productions polémiques, épistolaires, historiques, voire exégétiques, de l’époque. Les tenants des systèmes les plus opposés se rencontrent parfois dans le même camp, et il est assez curieux de remarquer que tous ne voient pas dans le problème une question de dogme : il en est qui veulent, comme Bonizon, Decretum, dans Mai, Nova Palrum bibliolheca, Borne, 1854, t. vii, part. III, p. 2, restreindre la question au seul terrain disciplinaire. Voir de Ghellinck, op. cit., p. 295-297 ; Saltet, Les réordinalions, Paris, 1907, p. 173-360 ; Mirbt, Die Publizislik im Zeilaller Gregors VII, Leipzig, 1894, p. 372-462.

4. Groupes des collections charlraines.

Les recueils du groupe français qui viennent au jour ensuite et dont les collections chartraines forment le principal noyau, surtout le Decretum d’Yves et sa Panormia, se font remarquer, au point de vue qui nous occupe ici, par une double caractéristique. S’ils ouvrent la place moins large aux préoccupations romaines des recueils grégoriens, ils enrichissent de nouveaux documents la partie théologique aussi bien que la partie canonique. L’on peut en donner comme exemple le Decretum, la première des œuvres chartraines dans l’ordre chronologique (avant la fin du xie siècle), qui conserve les parties dogmatiques de Burchard et les développe même. Voir 1. I, 253 ; 1. II ; 1. XVII, 1-11, 121, etc., P. L., t. clxi, col. 120, 135, 967, 1015, etc. Mais peu après, la seconde œuvre d’Yves et la plus parfaite, celle qui allait régner en maîtresse jusqu’à l’apparition du Décret de Gratien, la Panormia, se met en devoir d’élaguer une bonne partie de ces matières théologiques. Une comparaison