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renient par l’objet représenté dans l’intelligence. La déterminât ion tant objective que physique de la volition libre, c’est-à-dire le vouloir ceci plutôt que cela, provient de la volonté. La réponse de saint Thomas citée ci-dessus dit que l’homme se détermine à vouloir ceci ou cela : parce que cette détermination vient de l’homme, et non de Dieu, l’homme peut pécher. L’essence même de la liberté exige que la détermination de l’acte vienne de l’homme : non enim esset homo liberi arbitrii, nisi ad cum determinalio sui operis perlinerel, ut ex proprio judicio eligerct hoc aut illud. In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, q. i, a. 1. C’est parce que cette détermination provient de l’homme, que l’acte libre lui est imputé et que cet acte peut être méritoire. Sum. theol., I a II- 1’, q. xxi, a. 4, ad 2’"". Remarquons cette assertion concernant la liberté dans la nature humaine du Christ : Voluntas Christi, liccl sit delcrminata ad bonum, non est tamen determinala ad hoc vel illud bonum. El ideo perlinet ad Christum eligere. Op. cit., III a, q. xviii, a. 4, ad 1°°. Cf. De veritate, q. xxix, a. G, ad l" m ; De malo, q. vi, a. unie. L’indétermination ou indifférence physique concernant tel ou tel bien à choisir est donc de l’essence même de l’élection. Cette indifférence physique disparaît par l’acte physique d’élection, et cet acte, comme tel, vient de l’homme ; c’est pourquoi il reste toujours contingent : ce n’est pas Dieu qui par sa prémotion fait disparaître l’indétermination, mais c’est l’homme lui-même. Sum. theol., I 1 II a’, q. x, a. 4. C’est encore parce que l’homme se détermine lui-même à vouloir qu’il a la maîtrise (dominium ) sur son acte : et ideo determinalio actus relinquitw in potestate rationis et voluntatis. De potentia, q. iii, a. 7, ad 13" m. D’après ces textes donc, l’homme, en acte de vouloir un bien final, choisit un bien comme moyen, et en choisissant il détermine formellement et physiquement son propre acte d’élection ; c’est pourquoi il en est maître et il en est responsable. Dieu laisse à la volonté l’indifférence physique, qui est essentielle à l’acte libre ou contingent. Dieu n’infuse donc pas une entité physique dont l’effet formel et immédiat serait d’enlever l’indifférence physique de la volonté et de prédéterminer physiquement l’acte d’élection. Par conséquent saint Thomas n’enseigne pas la prédétermination physique à l’acte d’élection.

L’interprétation que nous venons de proposer est conforme à celle de Capréolus, In IV Sent., 1. II, dist. XXIV, q. i, a. 1, concl. 5% et a. 2, § 3 ; dist. XXV, q. i, a. 3, Opéra, t. iv, p. 202, 208 sq., 233, 224, 249 sq. ; de Cajétan, In Sum. theol., I q. LX, a. 2. Elle est explicitement défendue par Jean de Gonzalez de Albeda, O. P., Comment, in Sum. theol., Naples, 1037, disp. LVIII, sect. il, t. il, p. 86 ; par Boniface Grandi, O. P., Cursus theologicus, Ferrare, 1692, t. i, p. 46 sq. : par d’autres auteurs de l’ordre des frères prêcheurs cités par le P. Guillermin, qui lui-même a exposé cette doctrine avec une spéciale compétence, dans la Revue thomiste, 1902, t. x, p. 655 ; par le P. Jeiler, Sancli Bonavenlune principiu de concursu Dei generali, Quaracchi, 1897, p. 69 sq. ; par le P. Pignataro, De Deo creatore, Rome, 1905, p. 517 sq. ; par le cardinal Billot, De gratia Christi, p. 21 sq. Parmi les auteurs récents qui n’admettent pas cette explication, il faut citer le P. Pègues, Commentaire français littéral de la Somme théologique, Toulouse, 1907 sq., t. v, p. 304 sq. ; t. vi, p. 300 sq.

b) Doctrine de Molina. — Comme nous l’avons exposé plus haut, Molina n’admet qu’un concours divin simplement simultané, et cela pour toute opération de la créature : il n’établit, sous ce rapport, aucune différence entre l’acte indélibéré et l’acte délibéré, entre l’acte appelé voluntas ut nulura et l’acte appelé voluntas ut ratio. Cf. Concordia, disp. XXVII sq., p. 158 sq. De plus, il faut remarquer la définition qu’il

donne de l’acte libre ou élection : Agens liberum dicitur quod posilis omnibus requisitis ad agendum potest agere vel non agerc, aut ila agere unum ut contrarium agere possit. Concordia, disp. II, p. 10. Si l’on met cette définition en rapport avec la doctrine de Molina, il en résulte que la liberté consisterait aussi en ce que la volonté, quand toutes les conditions requises à son opération sont vérifiées, peut agir ou n’agir pas, choisir ou ne pas choisir. Nous ne nous rangeons pas à cet avis : la liberté ne consiste pas en ce que la volonté puisse agir ou n’agir pas, mais en ce qu’elle peut choisir, c’est-à-dire vouloir ceci plutôt que cela. Quand les conditions requises à cet acte, l’élection, sont vérifiées, l’acte se produit nécessairement ; mais il peut avoir pour objet de ne pas penser à telle chose, de ne rien vouloir concernant telle chose.

c) D’après la doctrine de saint Thomas, telle que nous l’avons exposée, nous admettons les propositions suivantes : a. quand la volonté commence à agir, c’est-à-dire à vouloir indélibérément, elle doit être mise en acte, ou appliquée à agir par une prémotion physique de la part de Dieu ; b. quand la volonté est ainsi en état d’activité et veut un bien final, elle se détermine physiquement elle-même à vouloir ceci ou cela ; une seconde prémotion physique ou application à l’acte n’est plus requise. Mais nous le répétons, l’influence divine, qui constitue le quatrième mode d’après lequel Dieu opère en toute créature, est nécessaire. Cf. Billot, De gratia Christi, p. 19 sq. c. La prédétermination physique à l’acte d’élection est, à notre avis, inconciliable avec la liberté d’indifférence et avec la sainteté de Dieu. a. La prédétermination serait une entité physique, infuse à la volonté, antérieure par sa nature à l’acte d’élection et déterminant physiquement et intrinsèquement celui-ci, c’est-à-dire faisant physiquement vouloir ceci plutôt que cela, en d’autres termes enlevant précisément l’indifférence physique de la volonté par rapport à l’objet à vouloir ; dès lors l’homme lui-même n’aurait rien à déterminer physiquement dans cet acte, il n’aurait aucune maîtrise sur le choix, il ne pourrait pas en être responsable, il ne serait pas libre. p. Si la prédétermination physique était nécessaire, elle le serait à tout acte d’élection, quel que soit son objet. Dès lors Dieu prédéterminerait physiquement et de la même manière l’acte qui a pour objet un bien dans l’ordre moral, et l’acte qui a pour objet un bien apparent qui, dans l’ordre moral, est un mal ; donc Dieu serait cause physique et immédiate du péché comme il l’est de l’acte vertueux. Il serait cause du péché, non pas seulement en tant qu’il est une opération physique, mais encore en tant qu’il est un acte moralement désordonné, car c’est Dieu qui aurait déterminé la volonté à vouloir ceci (le mal moral) plutôt que cela (le bien moral).

d. Dans l’ordre surnaturel, la grâce actuelle excitante consiste, comme nous l’avons exposé plus haut, dans la prémotion physique surnaturelle qui a pour terme l’acte indélibéré de l’intelligence et l’acte indélibéré de la volonté. Quand l’homme est ainsi excité à vouloir un bien salutaire, il ne faut plus une nouvelle application à l’acte d’élection pour le consentement à la grâce : l’homme se détermine lui-même à vouloir ceci, par exemple, l’objet salutaire vers lequel il est porté par l’impulsion de la grâce excitante, ou cela, un objet différent. Quand l’homme est en état de grâce et possède par conséquent les vertus infuses, il est clair qu’il ne faut aucune virlus fluens supernaturalis pour surnaturaliser intrinsèquement l’acte libre de consentement : il émane d’une faculté intrinsèquement surnaturalisée par V habitas. Mais quand il s’agit de l’homme | privé des vertus infuses, faut-il alors une virlus fluens i supernaturalis nouvelle pour surnaturaliser intrinsè ! quement l’acte libre du consentement ? Les molinistes