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GRACE

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vis-à-vis de cette opération : enfin cette prémotion se termine à une opération surnaturelle. Dans l’homme, qui n’a pas encore les valus infuses, ni les dons du Saint-Esprit, la prémotion physique doit être en même temps une entité surnaturelle qui transitoirement élève ou surnaturalise intrinsèquement la faculté opérative et rende ainsi l’acte lui-même intrinsèquement surnaturel. En effet, bien qu’il ne soit pas de loi que les actes indélibérés salutaires sont intrinsèquement surnaturels cette assertion est communément admise par les théologiens et elle se déduit de la nécessité absolue de la grâce pour tout acte salutaire. Or, pour que l’acte vital indélibéré soit intrinsèquement surnaturel, il faut que la faculté, d’où il procède, soit en elle-même surnaturalisée, car l’opération n’est pas autre chose que l’actuatien ou l’actualité de la faculté opérative, cf. S. Thomas, Sum. theol, I q. liv, a. 1 ; De potentia, q. iii, a. 1 : l’acte donc est émis tel qu’il est contenu dans la faculté qui l’émet ; si alors la faculté est intrinsèquement naturelle, l’acte le sera aussi. Il faut donc que la faculté soit intrinsèquement.surnaturalisée par une entité transitoire, virlus fluens, qui fait transitoirement ce que l’habitus surnaturel fait d’une façon permanente. Dans le cas exposé, la prémotion physique apporte donc aussi la surélévation de la faculté. Bien qu’il y ait là deux fonctions distinctes, elles peuvent être exercées par la même entité. Voir Guillermin, dans la Revue thomiste, 1902, t. x, p. 386 ; Salmanticenses, Cursus theologicus, tr. XIV, disp. V, dub. vi, § 3, n. 125, p. 486. Quand l’homme possède déjà les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit, la prémotion physique à l’acte indélibéré ne sera que la motion appliquant à l’acte une faculté habituellement surnaturalisée et déterminant celle-ci à son objet. Les théologiens récents qui, sans admettre la prédétermination physique dans l’état d’élection, admettent la prémotion physique à l’acte indélibéré sont : H. Gutberlet, Dogmatische Théologie, Mayence, 1897, t. viii, j). 25sq., 415 sq. ; Pignataro, De gratin (lith.). thés, xv, p. 170 ; Terrien, La grâce et la gloire, t. ii, p. 365 ; Del Val, Sacra theologia dogmatica, Madrid, 1906, t. ii, p. 499 ; Herrmann, Institutioncs theologiæ dogmaticæ, Rome, 1908, t. ii, p. 207, n. 1130 ; Tabarelli, De gratia Christi, Rome, 1908, p. 244 ; card. Billot, De gratia Christi, p. 148 ; Van der Meersch, De divina gratia, Bruges, 1910, n. 279, 281 ; Manzoni, Compendium theologiæ dogmalicæ, Turin, 1911, t. iii, n. 290, 302. L’entité qui est prémotion physique et surélévation de la faculté appartient reduclive (par réduction) au genre d’accident qui est la qualité et se nomme exactement qualitas fluida. Cf. Guillermin, dans la Revue thomiste, t. x, p. 392 ; card. Billot, De gratia Christi, p. 154.

Corollaire. — a. La prémotion physique surnaturelle est donc ce en quoi consiste essentiellement la grâce excitante : elle est la motion divine, l’influence produite immédiatement par Dieu dans l’âme et elle a pour terme l’acte vital : celui-ci est l’effet immédiat de la motion.

Telle est la thèse exprimée par le cardinal Billot, op. cit., p. 142, en ces termes : Gratia actualis dupliciter consideratur : primo quidem SECl vdi v se, deinde vero in sua proximo et necessario EFFECTU. Considerata in suo proximo et necessario EFFEcru nihil aliud es/ quam actus supernaturalis indeliberalus potentia ; a Deo motic, qui quidam vero sensu in nobis esse dicitur sine nobis. Al sumpta secundumSE est motio in facultate recepta, principians ejusmodi actus. Les théologiens récents, que nous avons cités, en sont donc revenus, pour les actes indélibérés, à l’opinion défendue parBaiïez et son école. Cf. Alvarez, De auxiliis. 1. VII, disp. LVII, n. 1, p. 497 ; 1. VIII, disp. LXXIV, p. 618.

Les auteurs, qui n’admettent pas cette opinion, sont

d’avis que la grâce excitante consiste essentiellement et uniquement dans l’acte vital lui-même et que cet acte lui-même est produit immédiatement par Dieu. Cependant ils ne donnent pas tous la même explication du mode dont cet acte est produit et est rendu surnaturel. Ces uns disent que Dieu lui-même supplée l’élévation qui est produite par la vertu infuse dans l’acte qui émane d’elle : c’est ce qu’on appelle élévation externe ou extrinsèque. Voir cette opinion dans Mazzella, De gratia Christi, n. 149 sq. ; Lahousse, De gratia, n. 105 ; Pesch, Prselection.es dogmatica’, t. v, n. 57. Le P. Palmieri, De gratia actuali, thés, xvi et xvii, croit que l’acte est surnaturalisé par un mode qui n’est pas réellement distinct de la faculté, ni de l’âme. Cette opinion est réfutée par Lahousse, op. cit., n. 100. Mgr Waffelært, Méditations théologiques, t. r, p. 637 sq., enseigne que l’acte vital est surnaturel parce que Dieu s’unit transitoirement la faculté créée comme un instrument par lequeî et dans lequel il produit une action déterminée ; il la produit, non seulement en tant qu’il lui donne l’être, mais en tant qu’il la fait être telle. Xous avouons ne pas comprendre comment, d’après ces explications, on aurait un acte qui serait en même temps vital et surnaturel dans son entité. Cf. Billot, op. cit., p. 150 sq. Certains théologiens invoquent, contre notre thèse, ce principe : Dieu peut produire immédiatement par lui-même tout effet qu’il peut produire aussi par une cause seconde ; ils en concluent que Dieu peut produire immédiatement par lui-même un acte surnaturel sans employer pour cela une cause seconde, une entité créée, une virtus fluens. Nous nions le principe et la conclusion ; Dieu ne peut pas faire l’impossible ; il ne peut pas produire un acte intellectuel sans une faculté qui est l’intelligence ; il ne peut pas produire un acte vital sans une faculté vivante d’où il procède et dans lequel il reste. Ainsi encore il ne peut pas réaliser un acte vital surnaturel sans que, dans la faculté d’où cet acte émane vitalement, il y ait un principe réel de surnaturalisation ; si cela n’y est pas, l’acte émanera vitalement et non surnaturalisé.

b. Le rôle de la grâce excitante se conçoit donc ainsi : Dieu, au moins dans les conditions ordinaires, dispose par sa providence les événements extérieurs à l’homme, par exemple, la prédication, la lecture, cerlains faits particuliers comme la maladie, la mort d’une personne chère, etc., et puis il prédétermine lui-même l’intelligence à des pensées opportunes d’ordre pratique et la volonté à des affections correspondantes. Ainsi la volonté se trouve être affectionnée vers un bien salutaire, par exemple, vers un acte vertueux à poser, ou elle conçoit de l’horreur pour un acte mauvais. C’est ainsi que la volonté est aidée à faire l’acte délibéré, à choisir librement de vouloir ce bien vers lequel elle est actuellement poussée ou de ne pas vouloir ce mal à l’égard duquel elle a actuellement horreur. Les auteurs ascétiques nous donnent la description des effets de la grâce dans l’âme. Voir, par exemple, De imitatione Christi, 1. III, c. n sq. ; S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, I. VIII, c. x sq., Œuvres complètes, Annecy, 1894, t. v, p. 89 sq. ; Janvier, La grâce (conférences de N.-D. de Paris), Paris, 1 910, p. 99 sq. Sur la connexion entre les grâces actuelles et les dons du Saint-Esprit, cf. Dons, t. iv, col. 1735 sq., 1775 sq. ; Billot, De virtutibus in/usis, p. 178 sq. tue autre opinion est défendue par Mgr Waffelært, Collationes Brugenscs, 1913, t. xviii, p. 6 sq.

2. Actes délibérés.

Nous avons parlé jusqu’ici des actes vitaux d’intelligence et de volonté, qui sont les termes immédiats des prémotions surnaturelles, des impulsions ou mouvements instinctifs de l’Esprit-Saint sur notre âme : ces actes-là sont indélibérés, c’est-à-dire indépendants de toute délibération de notre part. U nous faut considérer maintenant les actes délibérés :