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GRACE

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de Dieu : ce secours est interne, mais c’est un secours et il faut que l’homme y ajoute l’effort spontané de sa volonté ; c’est ainsi que Dieu opère en nous notre salut. Ce secours, la grâce divine, non seulement nous fait voir ce que nous devons faire, mais nous aide à réaliser ce qu’il nous a montré. Ce secours consiste dans la connaissance certaine du bien à faire et dans la délectation victorieuse (scientia cerla, delectatio victrix) ; c’est Dieu qui nous fait connaître ce qui nous était caché, et qui rend agréable ce qui ne nous plaisait pas. De peccalorum meritis et remissione, 1. II, c. v, xix, P. L., t. xi.iv, col. 153 sq., 170. La nécessité du secours divin pour éviter le péché est affirmée dans De naliira cl gratia, c. xxvi, P. L., t. xliv, col. 261. Ces livres furent écrits par Augustin avant le concile de Carthagc en 418. Là on définit que la grâce est un secours donné à l’homme pour qu’il puisse éviter le péché, can. 3 ; que ce secours consiste et dans la connaissance et dans l’amour de ce que nous devons faire, can. 4 ; que ce secours est nécessaire pour accomplir les préceptes divins, can. 5. Denzinger-Bannwart, n. 103-105. Dans les canons, que nous venons de citer, il est question de la gratia justificationis : ce tenue ne désigne pas uniquement la grâce sanctifiante ; il désigne aussi ces secours qui influent sur l’intelligence et la volonté et aident ainsi surnaturellement l’homme à faire le bien ; cette portée du terme ressort de la description même qui est donnée de la gratia justificationis dans ces décrets. Saint Augustin, De gratia Christi, écrit en 418, indique très clairement que, sous le nom de grâce, il faut entendre un secours surajoute aux facultés naturelles, 1. I, c. iii, P. L., t. xliv, col. 361 sq., qui influe sur l’acte même par lequel nous voulons le bien, c. v, vi, col. 363, qui est une connaissance et une dilection infuses par Dieu dans l’âme, c. xiii, xiv, xxvi, col. 367, 368, 374, notamment aliquod adjutorium bene ageiidi adjunctum naturse alque doctrinæ per inspirationem flagrantissimx et lnminosissirn ; v charitatis, c. xxxv, col. 378. On sait que le mot charilas ne désigne pas toujours, chez saint Augustin, la vertu infuse de charité, ni l’acte de charité parfaite. Souvent il désigne généralement toute inspiration vers le bien, par opposition à l’amour des choses inférieures, à la concupiscence. Cf.’fixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 486. C’est ce dernier sens qu’a le mot charilas dans le texte que nous venons de citer.

Quand il s’agit d’actes salutaires, c’est-à-dire d’actes par lesquels l’homme se prépare positivement à la justification ou exerce la sainteté chrétienne, il est toujours question d’un secours surnaturel. Voir Augustin’, t. i, col. 2387. La grâce surnaturelle et interne, qui influe sur les actes salutaires, sans détruire le libre arbitre, est aussi affirmée dans le document Induculus, c. 12. Denzinger-Bannwart, n. 141. Cf. Célestin, t. ii, col. 2058 sq. Saint Prosper, Contra Collatorcm, c. vii, n. 2, 3, P. L., t. li, col. 230 sq., décrit les diverses allections, produites par le Saint-Esprit, par lesquelle les hommes sont attires au Christ, d’après le texte, Joa., vi, 44. Le IIe concile d’Orange affirme plus catégoriquement encore l’existence de la grâce actuelle et sa nécessité : personne ne peut avoir une pensée salutaire, ni croire, sans une illumination et une inspiration du Saint-Esprit, can, 7. Denzinger-Bannwart, n.180.

3° Les scolasliques anciens se sont occupés de la grâce sanctifianle plus que de la grâce actuelle ; ils nous ont néanmoins exposé l’existence et la nécessité de celle-ci. Cf. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, a 2, q. i, Opéra omnia, Quaræchi, t. m. p. 682 ; S Thomas, Quodl., I, a. 7 ; Sum. theol., I’II’, q cix, a. fi ; q. exi, a. 2 ; q. cxii, a. 2. Dans ces passages saint Thomas parle d’un secours intérieur et gratuit, c’est-à-dire surnaturel, qui meut l’âme au bien salutaire ; il ne s’agit donc pas de la coopération naturelle

de Dieu ; de plus, saint Thomas distingue explicitement une double grâce : le secours divin qui nous meut à vouloir et à exécuter le bien, et le don habituel infus. Sum. theol., I" II*’, q. exi, a. 2. Ces passages sont tout différents de celui qu’on lit In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, q. i, a. 4, où le saint docteur semble ne pas exiger, pour la conversion de l’adulte, la grâce actuelle proprement dite. Sur la grâce actuelle, voir aussi Duns Scot, t. iv, col. 1899 sq. ; Capréolus, In IV Sent.. 1. II, dist. XXVIII, a. l.concl. 6, t. vi, p. 286 ; Dcnys le Chartreux, Summa fidei orthodoxæ, 1. II, a. 117, 118, t. xvii, p. 325 sq.

1° Le concile de Trente a repris la définition du IIe concile d’Orange, Denzinger-Bannwart, n. 813, mais de plus a exposé ce qu’il entend par grâce prévenante et quels sont les effets qu’il lui faut attribuer. C’est à la grâce prévenante qu’il faut attribuer le commencement de toute activité salutaire, notamment de toute l’activité par laquelle l’homme adulte parvient à la justification. La grâce prévenante comporte avant tout la vocation ; Dieu touche le cœur de l’homme par l’illumination ou l’inspiration (ces deux termes sont synonymes) du Saint-Esprit, l’homme la reçoit en lui. et peut librement y consentir ou la rejeter ; il doit agir, c’est-à-dire coopérer à cette impulsion pour arriver à la justification, de façon que l’activité salutaire soit reflet et de la grâce de Dieu et de la libre volonté de l’homme. Les différents actes par lesquels les adultes, excités et aidés par la grâce, se disposent à la justification, sont notamment la foi, la crainte, l’espérance, la charité initiale, la détestation des péchés, le propos de recevoir le baptême, de commencer une vie nouvelle et d’observer les commandements divins. Sess. vi, c. v et vi, Denzinger-Bannwart, n. 797-798. On trouvera une explication plus détaillée du sens de ce décret dans Hefner, Die Enlslehungsgeschichte des r Trienter Rechl/erligungsdekretes, p. 139 sq., qui cite à propos, p. 154, une remarque d’André de Vega, Tridenlini decrcli de justificationc expositio et defensio, Cologne, 1572, p. 89 : « Les Pères du concile, en énumérant ces six dispositions, n’ont pas eu l’intention d’affirmer qu’elles soient toujours toutes nécessaires, et que personne ne peut être justifié si l’une ou l’autre fait défaut. Quant à l’ordre de succession d’après lequel elles sont exprimées, ils n’ont pas voulu établir qu’il est toujours observé soit par Dieu soit par l’homme dans la préparation à la justification. »

Les hérésies et les controverses qui, après le concile de Trente, ont surgi au suj et de la grâce actuelle, concernen t non pas son existence, niais sa nature et sou efficacité.

II. Essence.

Doctrine catholique.

1. Les

textes, que nous avons cités pour démontrer l’existence de la grâce actuelle, nous ont déjà fait connaître que celle-ci consiste dans une influence divine, surajoutée à l’énergie naturelle, influence qui fait que l’homme connaît ce qu’il doit savoir, aime et veut ce qu’il doit vouloir pour être sauvé. Mais comme cette connais sance et cette volition se réalisent dans des actes d’intelligence et de volonté, tous les théologiens enseignent que le concept de grâce actuelle comprend des actes et des actes d’intelligence et de volonté : sous cette forme, la thèse est un dogme de foi, exprimé dans le can. 7 du IIe concile d’Orange. Denzinger-Bannwart. n. 180. En précisant davantage, on donne le nom d’illumination à l’influence exercée par Dieu sur lin telligence, et le nom d’inspiration à l’influence exercée par Dieu sur la volonté. Cependant, chez les Pères, ces termes sont souvent synonymes, et l’un des deux s’emploie fréquemment pour désigner les deux effets. On admet aussi que Dieu, en vue d’aider l’homme à bien agir, opère parfois sur les facultés sensibles, notamment sur l’imagination, l’appétit sensitif : ces influences (Usines peuvent rentrer aussi dans la catégorie des