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GRACE

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1. Il n’y a pas, sans la grâce actuelle, de dispositions positives à la justification : cette assertion est contenue dans la définition générale du IIe concile d’Orange, où il est dit que l’homme, par la seule vigueur naturelle, et vins l’illumination ou l’inspiration du Saint-Esprit, ne lient ni concevoir ni choisir aucun bien, connue il le faut pour le salut. Denzinger-Bannwart, n. 180.

2. Les adultes doivent se disposer positivement à recevoir la grâce sanctifiante par des actes surnaturels. — Telle l’ut toujours la foi de l’Église catholique : on peut s’en convaincre en considérant ce qu’elle a toujours exigé des adultes avant de les admettre au baptême. Noir Baptême, t. ii, col. 212 sq. ; Catkchuménat, col. 1971. Cf. dom de Puniet. art. Calêchuménat, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. ii, col. 2579 ; Rituale romanum, t. il, c. iv. Saint Thomas expose la raison intrinsèque de cette nécessité, Sum. theol., Ia-IIæ, q. cxiii, a. 3, 4 : la nature humaine, douée d’intelligence et de volonté libre, exige que l’homme obtienne la sainteté et atteigne sa fin dernière par des actes conscients et délibérés ; ces actes doivent, en outre, être surnaturels pour qu’ils soient proportionnés à la fin à laquelle ils tendent. Il en résulte que ces actes, physiques et surnaturels, sont formellement dans l’ordre moral, et non dans l’ordre physique. Celte conclusion se déduit aussi de ce que l’infusion de la grâce a lieu chez les enfants sans que ces actes existent, (.’est au concile de Trente que fut explicitement définie la doctrine catholique concernant les dispositions des adultes à la justification. Sess. vi, c. VI, Denzinger-Bannwart, n. 797-780. Pour les détails, nous renvoyons à l’art. Justification.

3. îl est une autre question qui concerne directement l’infusion de la grâce sanctifiante. Les anciens scolastiques et notamment saint Thomas enseignent que la justification de l’impie en dehors de la réception des sacrements, c’est-à-dire que la justification de l’adulte (en état de péché mortel personnel) au moyen de l’acte de contrition parfaite, se fait instantanément : ils entendent par là que l’acte libre est en même temps la détestation du péché et l’amour à l’égard de Dieu, et que la grâce sanctifiante est infuse au même instant que se produit cet acte. Cf. le scholion des éditeurs des Opcra sancti Bonuvenluræ, t. IV, p. 427. Saint Thomas cnseigne, en outre, que l’infusion de la grâce sanctifiante et de la charité infuse est, quant à la nature, antérieure à l’acte de contrition et que cet acte est élicité par la vertu infuse elle-même. Sum. Iheol., Ia-IIæ, q. cxiii, a. S ; De veritalc, q. xxvii, a. 8 ; Cajétan, Di Sum. Iheol., I 1 II’. q. cxiii, a. 8 ; Soto, De natura et gratia, I. II, c. xviii, fol. 172 ; Vasquez, Commentaria et disputatior. es in Summam S. Thomæ, Anvers, 1621, In D m II’, I. ii, disp. CCII, c. m. p. 7Il sq. ; card. Billot, De gratia Christi, thés, xvii, p. 231 sq. Suarez, au contraire, De gratia, 1. VIII, c. XII, Opéra, t. ix, p. 366 sq., enseigne que cet acte surnaturel, par lequel le pécheur se dispose proxime à recevoir la grâce sanctifiante, ne procède pas effective de la grâce habituelle ou de Y habitas infusus charilatis, mais est produit par un autre secours, c’est-à-dire par une grâce actuelle adjuvante, et qu’alors seulement arrive l’infusion de la grâce sanctifiante. La même opinion est soutenue par Lugo, Disputationes scholasticæ et morales, Paris, 1868 sq., t. iv, /). pœnilentia, disp. VIII, sect. vii, p. 490 sq. ; par Gotti, Theologia scholaslico-dogmatica, Venise, 1750, t. ii, tr. VII, q. il, dub. IV, § 6, p. 390 sq. ; par Pesch, /Va*I. dogm., t v, n. 360 ; par Mgr Wafïclært, Annolationes in tractation de virtutibus theologicis, Bruges, l’ion, p. 155.

Certes, il n’y a pas de répugnance à ce que l’acte de contrition parfaite soit produit par une grâce actuelle, et que, dès que cet acte est produit, soit produite en l’âme la grâce sanctifiante, avec les vertus qui lui sonl

connexes. Mais il ne semble pas y avoir une raison suffisante d’admettre ce secours actuel, comme nous le dirons plus loin. La principale objection que l’on présente à l’opinion de saint Thomas est celle-ci : Si l’acte de contrition parfaite est la disposition ultime à la justification, il s’ensuit que la grâce sanctifiante et la vertu infuse de charité sont données parce que 1 homme est contrit et elles sont natura postérieures à l’acte ; mais si la grâce sanctifiante et la vertu de charité infuse sont le principe efficient d’où procède l’acte de contrition parfaite, il s’ensuit cpie la grâce sanctifiante et la vertu infuse de charité sont données pour que l’homme soit contrit, et elles sont natura antérieures à l’acte. Or, il est impossible que la grâce sanctifiante et la charité infuse soient données et parce que l’homme est contrit et pour qu’il le soit ; il est impossible que ces dons soient et antérieurs à l’acte et postérieurs au même acte. On répond à cela, logiquement, nous semble-t-il, en distinguant la mineure, c’est-à-dire en distinguant diverse ; raisons formelles d’après lesquelles la grâce et la vertu infuse influent dans le même acte et exercent ainsi des causalités formelles différentes ; d’après l’une de ces raisons formelles, les dons dont il s’agit sont natura antérieurs à l’acte, d’après l’autre, ils lui sont postérieurs.

Voici comment le cardinal Billot, op. cit., p. 233 sq., explique et défend l’opinion de saint Thomas. D’abord, l’on admet communément que l’acte de contrition parfaite et l’infusion de la grâce sanctifiante se font au même instant. Dés lors, si l’acte de contrition parfaite était produit (elicilus) par la seule grâce actuelle, et non par la grâce habituelle, il faudrait admettre la coexistence d’une double élévation de la même faculté opéralive, l’une habituelle, l’autre transitoire : ce qui est impossible ; car l’élévation transitoire, qui se fait par la grâce actuelle, ne peut exister qu’en l’absence de l’élévation habituelle, au défaut de laquelle la première supplée.

Maintenant quant aux raisons diverses de causalité, voici d’abord un exemple emprunté à Soto : le vent ouvre la fenêtre et pénètre par là. L’entrée du vent est la cause efficiente de l’ouverture de la fenêtre, et l’ouverture de la fenêtre est la cause dispositive de l’entrée du vent. Si vous considérez l’ordre de la cause efficiente, la fenêtre s’ouvre parce que l’air entre. Si vous considérez l’ordre de la causalité dispositive, l’air entre parce que la fenêtre s’ouvre. D’après la première considération, l’entrée de l’air est natura antérieure, et l’ouverture de la fenêtre est natura postérieure ; d’après la seconde considération, c’est l’ouverture de la fenêtre cpii est natura antérieure, et l’entrée qui est natura postérieure. On aura la même chose dans la matière que nous étudions : l’infusion de la grâce correspond par analogie à l’entrée du vent, et la production de l’acte de contrition à l’ouverture de la fenêtre.

Pour mieux le comprendre, distinguons par la raison un double moment dans un seul et même instant physique, et distinguons une double formalité aussi bien dans la grâce qui est infuse que dans l’acte de contrition qui est produit. Au premier moment, on doit considérer la grâce habituelle dans son infusion, en tant qu’elle meul et élève l’âme, étant ainsi grâce opérante, principe de l’acte de contrition, qui est disposition ultime à la justification. Au second moment, on doit considérer la même grâce habituelle dans sa possession (c’est-à-dire en état d’être possédée parl’homme) en tant cpie déjà elle informe l’âme et exerce l’effet qui lui est propre ; ainsi elle est grâce coopérante, principe de l’acte de contrition en tant qu’il est méritoire de la vie éternelle. Si donc nous considérons l’acte de contrition précisément en tant qu’il est disposition ultime à la justification, il procède réellement de la vertu infuse de la charité ; mais en tant que celle-ci tient lieu