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GRACE


damné cette hérésie et a défini que la justice infuse a des degrés différents chez les hommes et que sa mesure dépend notamment des dispositions de celui qui la reçoit ; que les hommes justiliés, par l’exercice d’actions vertueuses et l’observation des préceptes divins, croissent en cette justice conférée par la grâce ; que les bonnes actions de l’homme justifié sont méritoires et méritent notamment l’augmentation de la grâce. Denzinger-Bamrwart, n. 800, 803, 834, 842. Remarquons ici que, pour l’objet qui nous occupe, Baius est radicalement opposé à Luther et à Calvin : pour Baius, la justice consiste, à proprement parler, dans l’observation des commandements, et la justice augmente à mesure que la fidélité à l’exercice des œuvres commandées est plus parfaite ; il réfute longuement la doctrine de la justification sans les œuvres. Baius, De juslitio, c. i-x. Ce qui, en ce point, rendait suspecte la doctrine de Baius, c’est qu’il ne tenait pas compte de la grâce sanctifiante infuse dans l’âme, ni des vertus infuses, et que sa théorie ne permettait pas d’admettre que les enfants fussent réellement, par le baptême, justes et saints. C’est pourquoi fut condamnée la proposition 42e : < La justice qui justifie l’impie par la foi consiste formellement dans l’obéissance à la loi, qui est la justice des œuvres, et non pas dans une grâce infuse qui fait l’homme enfant adoptif de Dieu, le renouvelle intérieurement et le rend participant de la nature divine, de sorte qu’étant ainsi renouvelé par le Saint-Esprit, il puisse ensuite vivre saintement et obéir à la loi divine. » Denzinger-Bannwart, n. 1042. Voir Baius, t. n. col. 100. Cette condamnation confirme la doctrine du concile de Trente, c’est la rénovation intérieure, obtenue par l’infusion de la grâce, qui est le principe de la perfection morale salutaire ; c’est après avoir reçu la grâce et par elle que l’homme peut exercer les vertus, et les œuvres qu’il fait, sous l’influence de la grâce, méritent l’augmentation de celle-ci. </) C’est en tant qu’elles sont méritoires que les bonnes œuvres causent l’accroissement de la grâce. En elTct, la grâce est un accident surnaturel ; c’est pourquoi il est produit immédiatement par Dieu en l’âme et ne peut avoir que Dieu pour cause efficiente principale ; s’il existe, pour la production de la grâce, des causes secondes, celles-ci ne peuvent être qu’instrumentales. Les actes de l’homme ne peuvent, en aucune façon, produire physiquement la grâce. L’entité de celle-ci dépend de Dieu qui l’infuse. C’est pourquoi les actes salutaires, que l’homme fait sous l’influence de la grâce, n’augmentent pas physiquement l’entité de celle-ci. mais sont seulement un titre exigitif de cet accroissement qui est physiquement produit par Dieu.

2. Deux points controversés pcirmi les théologiens. —’/) Le premier concerne en quoi consiste l’augmentation intrinsèque de la grâce. Saint Thomas, Sum. Iheol., II a II"’, q. xxiv, a. 5, enseigne que la charité surnaturelle augmente essentiellement par le fait qu’elle s’imprime plus profondément dans l’âme et par conséquent rend celle-ci plus semblable au Saint-Esprit ; il nie que l’augmentation de la charité se fasse par addition d’une nouvelle entité à l’entité préexistante. Voir aussi In I V Sent., 1. II, dist. XVII, q. ii, a. 1. Cf. Capréolus, Defensiones theologiee divi Thomæ Aquinalisjn IV Sent., 1. I. dist. XVII, q. n. Tours, 19(10 sq., t. ii, p. 94 sq. La même explication doit être appliquée a l’augmentation de la grâce sanctifiante. Saint Bonaventure, In IV Sent., I. II, dist. XXVII, a. 2, q., Opéra, t. il, p. 064, préfère l’opinion qui explique l’augmentation de la grâce par adjonction (per additionem), c’est-à-dire par l’infusion d’une nouvelle grâce ajoutée à la préexistante et se fondant avec elle, de façon à constituer une seule qualité augmentée. Sur cette opinion, voir les scholia des éditeurs des œuvres de saint Bonaventure, Opéra,

Quaracchi, t. i, p. 309, 313 ; t. ii, p. 665. Cette question regarde (dus directement les vertus infuses. Voir Vertus.

b) La grâce sanctifiante reçoit-elle immédiatement une augmentation, chaque fois que l’homme justifié accomplit une œuvre surnaturelle quelconque, fût-elle très faible au point de la ferveur’? Saint Thomas répond négativement, et exige que l’homme soit positivement disposé à recevoir l’augmentation par un acte proportionné â cette augmentation. Sum. theol., I » II"", q. exiv, a. 8, ad 3°". Cf. Billot, De gratin Christi, thés. xxi, p. 274 sq. L’opinion contraire est défendue par Suarez, De gratia, 1. IX, c. iii, n. 15 sq. ; 1. XII, c. viii, n. 4. Cette question rentre dans l’art. Mérite.

e) Il semble communément admis aujourd’hui que la grâce sanctifiante ne s’augmente jamais sans que ne s’augmente aussi toutes les vertus infuses, qu’aucune vertu infuse ne s’augmente sans que ne s’augmente aussi la grâce sanctifiante, enfin qu’il y a toujours proportion entre l’intensité de la grâce sanctifiante et celle des vertus infuses. Cf. Mazzella, De virtutibus infusis, Borne, 1884, n. 133 sq. ; Billot, De virtutibus in/usis, Rome, 1901, p. 14 sq., 160 sq.

3. Diminution.

La grâce sanctifiante est susceptible d’augmentation et, de fait, augmente intrinsèquement en l’homme, soit par la réception des sacrements, soit par les œuvres méritoires. Diminue-t-elle aussi parfois intrinsèquement ? Non, répondrons-nous avec Suarez, De. gratia, 1. XI, c. viii, n. 1 sq., Operu, t. ix, p. 679 sq., qui n’admet pas la probabilité de l’opinion contraire. En effet, la grâce sanctifiante, dans son être, dépend uniquement de Dieu, qui la produit et la conserve. Son entité physique ne dépend pas de nos actes, et ceux-ci ne peuvent physiquement ni la produire, ni la détruire, ni l’augmenter, ni la diminuer. Il reste à demander si Dieu ne la diminue pas en raison directe de nos actes moralement mauvais : nous répondons négativement. Car, quand l’homme commet le péché mortel, la grâce lui est immédiatement enlevée, comme nous l’exposerons ci-après. Quant au péché véniel, « ) il n’est pas cause méritoire de cette diminution : en effet, il n’est pas une aversion de Dieu, cf. Billot, De nulura et ralione peccnli personalis, Rome, 1894, thés, ix, p. 105 sq., par conséquent il n’est pas contraire à l’ordre moral qui subordonne l’homme à Dieu ; c’est pourquoi il n’exige pas que Dieu diminue le principe radical qui ordonne l’homme â sa fin dernière surnaturelle ; b) il n’introduit pas en l’homme une disposition qui s’oppose à l’intensité de la grâce, car il n’est pas contraire à la grâce. Les péchés véniels, bien qu’ils ne produisent pas la diminution de la grâce, s’opposent cependant à l’exercice des vertus et empêchent l’augmentation de la grâce. Ensuite les péchés véniels, fréquemment commis, produisent une habitude mauvaise qui dispose l’homme au péché mortel. Cf. Billot, De virtutibus infusis, p. 47 sq.

Amissibililé.

1. L’Écriture sainte enseigne que

l’homme peut pécher et perdre par là son état de justice. Cf. Ezech., xxviii, 24 ; xxxiii, 12 ; Joa., xv, 6 ; I Cor., ix, 27. Jovinien, d’après saint Jérôme, enseignait que ceux qui ont reçu le baptême ne sont plus sujets à la tentation ; saint Jérôme réfute cette doctrine, Adversus Joviniunum, 1. II, n. 1, P. L., t. xxiii, col. 281 sq. Saint Augustin, De correptione et gralia, c. viii, n. 17 sq., /’. L., t. xliv, col. 925 sq., enseigne que le juste peut pécher, que tous ne persévèrent pas. Luther enseignait que la justification demeurait aussi longtemps que l’homme conservait la foi, que la justification était conservée indépendamment des œuvres, même concurremment avec le péché. Cf. Hartmann-Giïsar, Luther, t. ii, p. 152 sq. Calvin enseignait aussi l’inamissibilité de la grâce. Voir Calvinisme, t. il, col. 1405 sq. Ces hérésies furent condamnées au concile de Trente, dan s