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GRACE

Iti’iii

L’assertion, que nous défendons, est appuyée sur les considérants que voici : a) L’homme peut connaître, sans douter prudemment, qu’il a les disposition ; requises quant à la substance des œuvres pour recevoir validement et fructueusement le sacrement de pénitence : la foi, l’espérance, la charité au moins imparfaite ou attrition, l’intégrité formelle dans l’accusation des péchés ; il ne peut pas avoir un doute fondé que Dieu lui refuse les grâces nécessaires pour que les actes exigés soient surnaturels, soient sicut oporlct ad salutem. Il peut aussi exclure tout doute prudent concernant la validité de l’ordination sacerdotale du prêtre et celle de l’administration du sacrement ; il entre ici diverse ? choses en considération ; mais si l’on tient compte et de la providence spéciale avec laquelle Dieu conduit son Église et des lois morales qui régissent la manière d’agir des hommes, il semble bien que l’on puisse, en beaucoup de cas, exclure le doute prudent sur la validité de l’administration du sacrement de pénitence, en le considérant de la part du prêtre. Dans ce cas, le jugement repose sur les témoignages ou des signes équivalents à l’attestation par la parole, et, s’il y a certitude, c’est une certitude morale, b) L’homme qui a la foi peut avoir conscience qu’il fait un acte d’amour parfait à l’égard de Dieu, un acte d’amour parfait, quant à la substance de l’acte ; il ne peut pas penser prudemment que Dieu lui refuse la grâce requise à la surnaturalité de cet acte. Remarquons que cette connaissance est, aussi dans ce cas, conjecturale : c’est d’un signe, l’acte de charité, que l’on part pour arriver, au moyen d’autres considérations, à la conclusion : cet acte de charité est surnaturel. Dans ce cas, la certitude n’est pas du même ordre que dans le cas précédent ; mais le degré de fermeté ne semble guère surpasser la certitude morale exposée ci-dessus c) Il y a certaines dispositions habituelles qui permettent à l’homme de conjecturer son état de grâce : n’avoir conscience d’aucun péché mortel, expérimenter qu’on a la délectation de l’amour de Dieu, qu’on a le mépris des choses mondaines, etc. De ces dispositions, que l’on connaît directement quant à la substance de leurs actes, on conjecture, au moyen de divers principes, qu’elles sont un effet de la grâce sanctifiante et des grâces que Dieu donne à ceux qui vivent dans son amitié. Cette conjecture peut arriver à la certitude morale, dont nous parlons, cl) Enfin la manière d’agir et la conviction des lidèles pieux confirment notre thèse : ceux-ci, en effet, notamment ceux qui se confessent régulièrement et communient fréquemment, qui se préparent avec grand soin à la réception de ces sacrements, s’ils ne sont pas scrupuleux, ne pensent pas qu’ils sont probablement en état de péché mortel ; on les troublerait violemment si on devait leur imposer cette conviction. Je ne vois pas comment ils échapperaient à une angoissante tristesse, s’ils devaient toujours aboutir à ce jugement : il est probable que je suis en état de péché mortel. Quand une âme a bien compris tout le désordre qu’implique le péché mortel (même en faisant abstraction de la crainte de la peine éternelle), quand cette âme est réellement dominée par l’amour de bienveillance à l’égard de Dieu, elle ne pourrait trouver du repos si elle devait penser : il est probable que je suis en état de péché mortel, en d’autres ternies : pour penser prudemment je dois penser que peut-être je suis en état de péché mortel. Remarquons bien que la confiance ne peut rien contre ce jugement : la confiance réside dans la volonté, elle a pour objet les secours à obtenir de Dieu et elle est basée sur la foi concernant la miséricorde divine ; aussi l’on peut toujours avoir confiance qu’on sera sauvé, qu’on échappera à l’enfer, pourvu qu’on n’entretienne pas dans sa volonté une affection positivement contraire à son état de grâce. Mais la confiance ne peut changer en rien le jugement que l’on porte sur l’état actuel de son âme.

Ce jugement dépend de l’examen sérieux et loyal de ses propres dispositions et actions, de la connaissance des moyens établis par Dieu pour obtenir sa grâce et de l’usage que l’on fait de ces moyens. Si, après un examen fait logiquement et prudemment, on aboutit à un doute prudent sur son état de grâce, ce doute ne peut pas être dissipé par la confiance : celle-ci ne peut rien changer à la rectitude des opérations intellectuelles qui ont précédé le jugement en question, et ne peut pas apporter un élément nouveau de connaissance ; elle ne concerne que les biens à obtenir.

Inégalité.

1. Doctrine catholique. — a) Nous

avons démontre que l’état de justice était réalisé par la grâce, c’est-à-dire par un don (ou un ensemble de dons) interne, infus dans l’âme, permanent en elle, de plus, surnaturel et, quant à son obtention, indépendant des œuvres naturelles de l’homme, notamment de l’observation, comme telle, de la loi mosaïque ou de la loi naturelle : en ce sens, nul homme ne sera justifié devant Dieu par les œuvres de la loi. Rom., ni, 20. L’homme adulte, pour recevoir la grâce sanctifiante ou justifiante, doit s’y disposer par certains actes, comme nous l’exposerons plus loin. Mais quand l’homme adulte est justifié, qu’il a donc reçu en lui cet état nouveau, il doit agir conformément à cet état et il doit s’efforcer de l’augmenter en lui. C’est la doctrine de saint Paul, Eph., iv, 11-16 : la perfection morale croissante de la société chrétienne doit s’obtenir par la coopération de chaque individu à l’influence qu’il reçoit du Christ ; la charité et l’union au Christ peuvent et doivent augmenter dans chaque individu, mais dépendamnient de sa propre activité, de sa coopération à l’influence du Christ. Une exhortation semblable au progrès est adressée aux justifiés par saint Pierre. I Pet., ii, 1-2 ; II Pet., iii, 18. Ce par quoi l’homme est rendu juste et saint (notamment la charité, Eph., iv, 15) est donc susceptible d’augmentation en lui et croît de fait d’après l’activité morale et salutaire de chaque individu.

Si l’on désigne l’état de grâce par l’habitation de Dieu en l’homme, l’on dira aussi que Dieu habite inégalement dans les âmes : Non œque Dcus omnes inhabitat : nec ad camdem mensuram omnibus infunditur. C’est l’assertion de saint Jérôme, Adversus Jovinianum, I. ii, n. 29, P. L., t. xxiii, col. 325, et l’explication, qui suit, montre qu’il s’agit de l’inégalité de ce qui rend l’homme fils de Dieu, participant de la nature divine.

b) Les scolastiques ont enseigné que la grâce sanctifiante et les vertus infuses, qui en sont réellement distinctes, se trouvent inégalement dans les hommes et sont susceptibles d’augmentation. Saint Thomas, Sum. theol., I » IF’, q. exil, a. 4, explique que la grâce sanctifiante est plus grande chez l’un que chez l’autre ; cette diversité peut dépendre immédiatement des dispositions dans lesquelles se trouve l’homme au moment où il reçoit la grâce. Mais ce n’est pas la raison principale de l’inégalité ; cette raison est la providence divine qui distribue inégalement ses dons et produit ainsi la beauté morale dans l’Église. Cf. Suarez, De gratia, I. Vf II, c. i, Opéra, t. ix, p. 453 sq.

c) Luther n’admet pas que la grâce soit une réalité infuse dans l’âme, il ne reconnaît que la bienveillance intrinsèque de Dieu, qui consiste uniquement dans la rémission des péchés et qu’on obtient par la foi (fuies fiducialis). L’état de justice, chez l’adulte, ne requiert aucune disposition autre que la foi, et l’état de justice se maintient par la foi, indépendamment des actions bonnes ou mauvaises ; il n’y a chez l’homme aucun mérite. Dès lors, il n’y a chez lui aucun titre à ce que sa justice augmente ; elle ne le pourrait pas d’ailleurs, car elle n’est pas autre chose que l’imputation de la justice du Christ, qui, elle, est évidemment toujours la même. Le concile de Trente, dans la session vi, a con-