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GRACE


tant qu’ils sont régénérés par la grâce qu’ils reçoivent au baptême : c’est là que commence leur vie, De Spiritu Sanclo, c viii, n. 26, P. G., t. xxxii, col. 113 ; c’est là qu’ils reçoivent la rémission du péché et la force vivifiante du Saint-Esprit, c. xv, n. 35, col. 129 ; suit une belle description des effets du baptême, où saint Basile signale, entre autres, la confiance d’appeler Dieu du nom de Père, la participation à la grâce du Christ, n. 36, col. 132. C’est à l’influence active du Saint-Esprit, à son secours, que saint Basile attribue les œuvres saintes des anges, notamment le culte qu’ils rendent à Dieu et l’ordre qui règne entre eux, c. xvi, col. 136 sq. C’est aussi à l’influence du Saint-Esprit qu’est attribué l’exercice de la perfection chez l’homme : saint Basile enseigne que l’Esprit-Saint est toujours présent dans les justes, mais qu’il n’y opère pas toujours, c xxxvi, n. 61, col. 180. C’est là, croyons-nous, l’affirmation implicite de l’existence de ce que nous appelons la grâce actuelle. Cette assertion est corroborée par d’autres textes : c’est par le Saint-Esprit que nous sommes rendus capables de rendre grâces à Dieu, n. 63, col. 184. Saint Basile exhorte à prier afin d’obtenir de Dieu de bonnes pensées, Epist., vii, P. G., t. xxxii, col. 244 ; il rend grâces à Dieu pour le secours spirituel accordé par Dieu au milieu des luttes pour la piété. Episl., lxxix, col. 453. Le secours donné par Dieu à celui qui se relève de la chute du péché est comparé à l’action de celui qui soutient sur les eaux un enfant qui ne sait pas nager. In ps. x.jx, n. 2, P. G., t. xxix, col. 309. Voir Schwane, Histoire des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, p. 77 sq. ; Scholl, Die Lehre des heiligen Basilius von der Gnade, Fribourgen-Brisgau, 1881.

L’existence de la grâce interne (considérée en général ) est exposée en maints endroits des écrits des autres Pères. Cf. Hummer, Des hl. Gregor von Nazianz Lehre von der Gnade, Kempten, 1890 ; Cyrille de Jérusalem, t. iii, col. 2555, 2561 sq. ; Ambroise, t. i, col. 499. Quant à saint Jean Chrysostome, voir notamment Calèches, ad illuminandos, i, n. 3, P. G., t. xlix, col. 227 ; In Joa., homil. xlvi, n. 1, P. G., t. lix, col. 257 ; In Malthxum, homil. lxix, P. G., t. lviii, col. 650 ; In Epist. I ad Cor., homil. xxiv, P. G., t. lxi, col. 198 ; cf. t. li, col. 51 ; Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2517 sq. ; cf. Mahé, Revue d’histoire ecclésiastique (Louvain), 1909, t. x, p. 30 sq., 467 sq. ; De Groot, Sludien (Nimègue), 1913, t. xlv, p. 343 sq., 501 sq.

Au début du ve siècle surgit l’hérésie pélagienne. Voir Pélagianisme. Il semble bien que l’erreur de Pelage concerne directement la nécessité d’un secours divin pour observer les commandements et exercer la vertu : Pelage nie que la grâce, en tant qu’elle est un secours interne, soit nécessaire, et affirme que la volonté humaine a, par elle-même, assez de vigueur pour accomplir tous ses devoirs et, par conséquent, rendre l’homme juste.

Mais nous croyons devoir insister sur ce point : Pelage ne s’attaquait pas formellement à ce que nous appelons maintenant la grâce actuelle, en tant qu’elle se distingue de la grâce habituelle ; il s’attaquait à la grâce considérée en général, telle que la notion en était répandue dans l’Église, comme il ressort de la doctrine des Pères, que nous avons exposée plus haut. Saint Augustin, de son côté, défend avant tout la nécessité de la grâce, notamment sa nécessité absolue en tant qu’elle est un secours ajouté à la volonté libre : l’influence de la grâce sur Yaclivité humaine est ainsi mise en lumière. Mais cette influence n’est pas due seulement à ce que nous appelons la grâce actuelle, elle est aussi due à ce que nous appelons la grâce habituelle, les vertus infuses, les dons du Saint-Esprit. Quand saint Augustin parle de la grâce, requise à l’observation

des commandements, il ne parle pas exclusivement de la grâce actuelle. Voir, par exemple, Epist., clxxxvi, n. 3 ; De natura et gralia, 1. I, c. i, iv ; De gralia et libero arbilrio, c. xiv, n. 27 ; Opus imperjectum contra Julianum, 1. II. n. 226, P. L., t. xxxiii, col. 317 ; t. xliv, col. 247, 249, 897 ; t. xlv, col. 1247 sq. Il faut entendre le mot gralia, ou l’expression auxilium graliæ, dans un sens large : ils peuvent désigner ou l’ensemble des dons accordés pour le salut ou l’un de ceux-là. Cf. Jacquin, dans la Revue d’histoire ecclésiastique (Louvain), 1904, t. v, p. 742. Il faut tenir compte de la même remarque pour interpréter les documents qui contiennent la condamnation du pélagianisme et du semi-pélagianisme. La doctrine de saint Augustin, voir Augustin, t. i, cri. 2380 sq., constitue un événement important dans l’histoire du maintien et du développement de la foi chrétienne. Saint Augustin a défendu l’existence de la grâce, sa nécessité, sa surnaturalité, sa compatibilité avec la liberté humaine.

Cette même doctrine fut officiellement approuvée d’abord par le pape Innocent I er, ensuite par le pape Zosime en 418, et par le pape Célestin I er en 431. Elle est exposée dans le document intitulé : De gralia Dei indiculus ou præleritorum sedis apostolicæ episcoporum aucloritatis. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 1911, n. 129 sq. Sur l’origine, la valeur et la doctrine de ce document, voir Célestin, t. ii, col. 2502 sq. On y affirmait surtout la nécessité de la grâce pour la rémission des péchés, pour la résistance aux tentations, pour l’observation des préceptes, pour toute œuvre salutaire, notamment depuis le commencement de la foi.

La même doctrine fut de nouveau sanctionnée au concile d’Orange en 529. Denzinger-Bannwart, n.174 sq. Mais la discussion d’un siècle a eu pour résultat une plus grande précision : dans ce concile on a surtout déclaré la nécessité de la grâce prévenante pour tout acte qui commence la conversion, pour toute pensée ou toute affection par lesquelles l’homme adhère, comme il le faut, à l’Évangile. Nous aurons à revenir, dans la suite de cet article, sur les principales assertions émises dans ces conciles.

Les hérésies.

On comprend mieux une doctrine

en étudiant les erreurs qui y sont opposées ; de plus, les hérésies successives ont été pour l’autorité ecclésiastique les occasions de préciser la doctrine catholique. Nous indiquerons sommairement les grandes hérésies concernant la grâce et nous ferons voir ainsi les principales étapes du développement de la pensée chrétienne sur ce sujet.

1. Le pélagianisme, insistant sur la liberté, essentielle à l’homme, a nié que la volonté humaine avait été affaiblie par suite du péché d’Adam et se trouvait inclinée au mal. Il a nié aussi qu’Adam fut créé dans un état supérieur à celui où naissent maintenant tous les hommes. Pelage a nié encore la nécessité de la grâce interne, en tant qu’elle est un secours, qu’elle est une vigueur ajoutée à la volonté. L’homme peut toujours, disait-on, par la vigueur esscntitlle ou naturelle de sa volonté libre, résister au mal et faire le bien : la nécessité morale de la grâce n’existait donc pas pour Pelage et ses adeptes. Ont-ils nié de fait l’existence de toute grâce interne ? Les auteurs ne s’accordent pas sur la réponse à donner à cette question. Sur le pélagianisme, voir Tixeront, Histoire d"s dogmes, Paris, 1909, t. ii, p. 436 sq. Quoi qu’il en soit, les documents ecclésiastiques, condamnant les erreurs de Pelage, ont affirmé l’existence de la grâce interne, notamment dans l’assertion de la justice originelle, et, ensuite, dans les canons qui concernent la nécessité de la grâce interne, notamment la nécessité d’un secours accordé à l’infirmité actuelle de l’homme, sans lequel il lui est impossible d’observer les commandements divins, et la nécessité d’une impulsion interne pour faire des actes salutaires.