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IV, , ;

GRACE

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règne du Saint-Esprit vivant dans l’àmc, Rom., viii, 2, 14 : elle est donc une participation directe à la vie qui est propre à Dieu.

Cette surnaturalité se démontre encore par cette considération que l’homme, en recevant l’influence vivifiante, dont nous parlons, devient fils adoplif de Dieu. Gal., iv, 46 ; Rom., viii, 14-17. L’homme, et toute créature, est, en vertu de sa nature, serviteur de Dieu, et ne peut avoir d’autre rang auprès de lui. Si donc l’homme est élevé à la dignité de fils de Dieu, celle-ci est absolument surnaturelle, comme aussi la qualité qui réalise en lui cette filiation. De plus, l’adoption comporte le droit à l’héritage, à jouir des biens qui sont propres à Dieu et ne correspondent pas à l’exigence de la nature créée. Voir Adoption subnaturelle, t. i, col. 431 sq.

Nous avons donc trouvé, dans la doctrine de saint Paul, l’affirmation de l’existence de la grâce interne proprement dite : une réalité physique, infuse dans l’âme, essentiellement surnaturelle, ordonnée au salut.

3. Enseignement d’autres apôtres.

Saint Jacques alfirme aussi la génération spirituelle, i, 18, et l’habitation du Saint-Esprit en nous, iv, 5.

Saint Pierre enseigne aussi que les élus de Dieu sont sanctifiés par l’Esprit-Saint, I Pet., i, 2 ; qu’ils sont régénérés, 3, non d’une semence corruptible (comme dans la génération naturelle), mais par une semence incorruptible, par le Verbe vivant de Dieu et permanent. I Pet., i, 23. La seconde Épître de saint Pierre contient un texte célèbre, i, 4, dont l’interprétation est malheureusement difficile. Il est assurément très probable que le texte contient l’attestation de la participation des chrétiens, dès cette vie, à la nature divine. Cette affirmation n’aurait rien de surprenant après ce que nous a dit saint Paul touchant la communication aux fidèles de l’Esprit de Dieu et la I re Épître de saint Pierre touchant la sanctification par l’Esprit, i, 2. Toutefois le texte allégué est obscur et le sens n’en est pas définitivement fixé. Cf. Tobac, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Grâce, col. 339.

Saint Jean enseigne que la pratique de la justice est la conséquence d’une naissance spirituelle : le juste est engendré par Dieu et porte en lui une semence divine ; il est enfant de Dieu. Joa., i, 12 sq. ; I Joa., ii, 29 ; iii, 1 sq. Déjà sur cette terre le juste est engendré à la vie éternelle et cette génération se réalise dans l’union avec le Fils, I Joa., v, 11 ; cf. Joa., xv, 5 sq. ; elle a pour conséquence l’imitation du Christ, I Joa., ii, 6, mais elle ne reçoit son complément qu’après la mort, lorsque le juste voit Dieu tel qu’il est : c’est alors que le juste acquiert la parfaite ressemblance avec Dieu, iii, 1-3. Le juste demeure en Dieu et Dieu en lui : l’Esprit-Saint, qui nous a été donné, rend témoignage de notre union avec Dieu, iii, 24. C’est la même idée exprimée par saint Paul : « L’esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom., vm, 16. L’influence divine dans l’âme est appelée onction ; elle est principe de connaissance vraie : celle-ci unit à Dieu, au Père et au Fils, ii, 20-28. La vraie charité aussi est une conséquence de notre connaissance spirituelle, iv, 6-8.

La doctrine de saint Jean, comme celle des autres apôtres, aboutit donc à la même conclusion que nous avons tirée des Épîtres de saint Paul : il existe une grâce interne. Car de l’exposé que nous avons fait, il résulte que la sainteté spécifiquement chrétienne n’est pas une simple orientation nouvelle de la vie morale déterminée par la foi en la révélation ; elle n’est pas formellement une perfection morale acquise par l’activité humaine soutenue par un secours de Dieu ainsi que par l’exemple du Christ, et caractérisée par l’imitation des vertus du Sauveur, mais elle consiste formellement dans une renaissance spirituelle et surnaturelle réalisée

dans l’âme par l’infusion d’une entité physique qui transforme l’âme et fait de l’homme un fils de Dieu, un membre du Christ, un temple du Saint-Esprit. De ce principe transcendant dérive l’activité morale du juste et son progrès en sainteté. Joa., xv, 4-5 ; Eph., n, 8-10 ; iv, 20-24 ; I Pet., ii, 1-2 ; II Pet., iii, 18.

C’est la même conclusion qu’exprime M. Tobac dans l’article très érudit, que nous avons cité plusieurs fois : on y trouve un exposé complet des fondements scripturaires de la doctrine de la grâce.

Preuve tirée de la tradition.

1. Les Pères apostoliques

expriment occasionnellement les vérités que nous venons d’exposer et en accentuent l’une ou l’autre. Nous nous servirons du texte et de la traduction publiés sous la direction de MM. Hemmcr et Lejay, Les Pères apostoliques. Paris, 1907 sq.

Saint Clément de Rome, dans la I re Épître aux Corinthiens, enseigne que c’est le sang de Jésus-Christ qui a mérité au monde entier la grâce de la pénitence : celle-ci est accordée à tous les hommes qui ne la refusent pas, viii, 4. La grâce de la pénitence est une influence interne, qui transforme l’homme, xxxviii, 3, et elle est évidemment surnaturelle, puisqu’elle dépend de l’effusion du sang du Christ. C’est la grâce de Dieu qui revêt l’homme de vertus, xxx, 3, qui donne notamment la vie dans l’immortalité, la splendeur dans la justice, la vérité dans la franchise, la foi dans la confiance, la continence dans la sainteté, xxxv, 1 sq., la charité, l. Les chrétiens forment une portion sainte, un peuple particulier à qui il est donné de pratiquer la sainteté, xxx, et où chaque âme peut plaire à Dieu, lxiv ; les chrétiens constituent un seul corps sur lequel est répandu un seul esprit de grâce, xlvi, 4 sq. Les justes sont les élus de Dieu, ibid. : leur justice ne résulte pas formellement de leurs œuvres, ni de leur conduite, mais elle dépend de la volonté de Dieu ; celle-ci a pour effet la vocation et l’homme y répond par la foi, xxxii. Cette foi et ce qui en résulte est l’effet de la grâce, xxx, xxxv, lxiv. Cependant la foi seule ne suffit pas à la sainteté : il faut la coopération énergique de l’homme, xxxiii, lix, lxii, lxiii. Voir Clément I", t. iii, col. 52 sq.

Saint Ignace d’Antioche enseigne aussi que c’est à la mort de Jésus que nous devons notre vie, Ad Magn., ix, 1 ; Ad Smyrn., i, 2 ; c’est par la vigueur, donnée par son sang, que les chrétiens exercent la charité. Ad Eph., i, 1 sq. C’est à la grâce de Jésus qu’est dû l’effet de la pénitence salutaire. Ad Philad., viii, 1. « A quiconque fait pénitence et se rallie à l’unité de Dieu autour du siège épiscopal, la grâce de Jésus-Christ assure la délivrance de tout lien. De cette métaphore de lien, Ignace tire un double effet : la grâce de Dieu fera tomber, pour les vrais pénitents, les liens du péché ; d’autre part elle resserre ces liens de la charité chrétienne qui sont l’honneur des enfants de Dieu et le gage du salut. » A. d’AIès, La discipline pénilenlicllc, ii c siècle, dans les Recherches de science religieuse, 1913, t. iv, p. 205. Jésus habite en l’âme chrétienne, il y est Dieu résidant en elle, l’amour que nous lui portons est un signe de sa présence en nous. Ad Eph., xv, 3. Jésus est notre éternelle vie, qui nous unit à Jésus et à son Père. C’est avec l’aide de Jésus que nous repousserons victorieusement tous les assauts du prince de ce monde, pour jouir enfin de Dieu. Ad Magn., i, 2. Saint Ignace insiste sur la nécessité des bonnes œuvres : l’apostolat du bon exemple, Ad Eph., x ; c’est par les bonnes œuvres que l’on reconnaît ceux qui appartiennent au Christ, ibid., xiv, xv ; c’est aux bonnes œuvres que sera proportionnée la récompense. Ad Pohjc, vi, 2. Cf. Tixeront, Histoire des dogmes. Paris, 1905, t. i, p. 139 sq. ; Lelong, Les Pères apostoliques, Paris, 1910, t. m.

Saint Polycarpe est moins explicite, Il rappelle l’assertion de saint Paul : c’est de la grâce et non des