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GRACE


n’est pas une perfection morale acquise par l’activité de l’homme, mais elle est l’effet immédiat et de la renaissance spirituelle et de la nutrition opérée par la communion. Voir Communion, Eucharistie. Cette vie est encore décrite par le Christ comme étant l’influence vivifiante émanée de lui dans l’âme des fidèles, influence qui est le principe des actes salutaires : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure on moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits : car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire. » Joa., xv, 5 sq. Cette union avec ie Christ inclut la charité et celle-ci fait que la Trinité entière habite dans l’âme du juste, xiv, 23.

2. Enseignement de saint Paul.

II n’entre pas dans notre plan de faire un exposé complet de la doctrine de saint Paul concernant la grâce ; nous nous contenterons d’indiquer ce qui est requis à la démonstration que nous avons en vue. Pour saint Paul aussi, l’origine de la justification de l’homme est sa renaissance au baptême. Tit., iii, 5 sq. Cette renaissance est une résurrection. Le baptême a pour effet immédiat la mort au péché et la vie dans le Christ, a) « Ignorez-vous (lue nous tous qui fûmes baptisés dans le Christ nous fûmes baptisés en sa mort. Nous fûmes donc ensevelis avec lui par le baptême (qui est) en sa mort, afin que comme le Christ ressuscita des morts par la gloire du Père, de même aussi nous marchions dans la nouveauté de vie. Si, en effet, nous fûmes greffes sur lui par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par (celle de) sa résurrection, sachant que notre vieil homme fut crucifié avec lui afin que le corps du péché fût détruit, pmr que nous ne soyons plus esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. » Rom., vi, 3-7. Mourir au péché, c’est être séparé du péché, c’est être délivré de la culpabilité du péché, c’est être délivré de sa tyrannie et être mis en mesure de résister à ses assauts. Le baptême délivre complètement de tout ce qui est péché : « Plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. » Rom., viii, 1. Hier, ils pouvaient être idolâtres, impudiques, voleurs, détracteurs, blasphémateurs ; ils ont été « purifiés, sanctifiés, justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ. » I Cor., vi, 11. L’affranchissement du péché n’est pas l’effet d’actes ou efforts moraux de l’homme, par lesquels il corrigerait peu â peu ses vices et deviendrait maître de ses passions ; mais il est l’eiïet immédiat et instantané du baptême lui-même, en tant qu’il symbolise la mort de Jésus et reçoit une efficacité spéciale â rendre les hommes participants aux fruits salutaires de la mort de Jésus : c’est l’efficacité religieuse et transcendante du baptême même. Cf. Tobac, Le problème de la justification dans saint Paul, Louvain, 1908, p. 246 sq. b) La vie nouvelle est une participation de la vie du Christ. Cette participation consiste à revêtir le Christ : « Vous tous, en effet, qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Plus de juif ni de grec…, tous vous êtes un dans le Christ. » Gal., ni, 27, 28. « Le baptême nous revêt du Christ : revêtus du Christ, nous sommes fils de Dieu ; revêtus du Christ, nous ne sommes qu’un en lui. Pour que le raisonnement tienne, il faut que le Christ, dans lequel nous sommes plongés et que nous revêtons, soit conçu comme une forme qui nous enveloppe, nous pénètre et nous unifie. » Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. il, p. 373 sq.

La vie nouvelle, reçue au baptême, consiste dans une influence réelle (physique) et surnaturelle (comme nous le démontrerons) du Saint-Esprit dans l’âme : cette assertion ressort très bien du texte de saint Paul : « Dieu nous a sauvés par le bain de régénération et de renouvellement de l’Espiït-Saint, qu’il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce de celui-ci, nous devenions

héritiers, en espérance, de la vie éternelle. » Tit., m, 5-7. « En négligeant les points accessoires, le baptême est un bain de régénération et de renouvellement : un bain qui purifie l’âme de toutes les souillures passées ; de rég’n’ration, parce qu’il est une seconde naissance par l’eau et le Saint-Esprit, qui nous rend enfants de Dieu, comme la première nous a constitués enfants de colère : de renouvellement, parce que, sous l’influence de l’Esprit créateur, le néophyte dépouille le vieil homme, revêt le nouveau, se transforme dans tout son être… Le baptême, c’est aussi le don du Saint-Esprit répandu dans nos cœurs… avec l’abondance de ses dons. » Prat, op. cit., p. 374 sq. Le baptême produit donc dans l’âme une transformation réelle ; elle est comme une naissance nouvelle qui donne une vie nouvelle et celle-ci consiste dans l’influence interne du Saint-Esprit qui est répandu dans l’âme et y est imprimé comme un sceau, arrhes de notre héritage. Eph., i, 13-14 ; II Ccr., i, 21. Cette transformation physique, que nous venons d’indiquer, s’actualise et sxprime dans une transformation morale, l’exercice des œuvres bonnes et salutaires. Le baptisé est une nouvelle créature : « Quiconque est en Jésus-Christ est une nouvelle créature. » II Cor., v, 17 ; un être nouveau qui est destiné à des opérations nouvelles : « Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour faire de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions. » Eph., ii, 10. Le principe de cette activité nouvelle est l’influence du Saint-Esprit : influence permanente qui fait du chrétien le temple où habite l’Esprit-Saint, I Cor., iii, 1617 ; vi, 19 ; influence aussi qui est une source d’action : l’Esprit nous métamorphose graduellement en l’image du Seigneur glorieux, II Cor., iii, 18 ; il nous fait prier, Rom., viii, lô sq. ; il est cause de toutes les manifestations de la vie salutaire dans les chrétiens. Cf. Tobac, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. ii, art. Grâce, col. 336 ; Prat, op. cit., p. 240. Ce dernier auteur, op. cit., p. 421 sq., expose l’analogie qui existe entre la vie dans le Christ et la vie dans l’Esprit.

Ce qu’il importe de démontrer maintenant, c’est la surnaturalilé de cette réalité interne conférée à l’âme par le baptême. Cet effet est surnaturel d’abord quant au mode dont il est produit : ce n’est pas une perfection acquise par l’activité humaine, mais infuse du dehors : c’est le baptême (une ablution avec une formule) qui fait exister dans l’âme l’influence vivifiante, caractérisée par la présence de l’Esprit-Saint ; cet effet n’est pas naturel à un rite humain, considéré comme tel. L’influence vivifiante dont nous parlons est encore surnaturelle en elle-même, dans sa réalité physique ; en effet, elle est une participation â la vie qui est propre à Dieu lui-même. La communication naturelle entre le créateur et la créature consiste en ce que Dieu produise les substances finies avec les accidents qu’elles réclament, leur conserve l’être, qui leur est propre, les meuve aux actions qui leur conviennent et les dirige ou gouverne toutes d’après le plan divin. De cette façon Dieu reste infiniment élevé au-dessus de tout le créé et n’a aucune communication personnelle avec la créature. Celle-ci, si elle est douée d’intelligence, peut, au moyen des autres créatures, connaître le créateur ainsi que les obligations morales qui résultent et de la dépendance des êtres créés vis-à-vis du créateur et des relations qu’ils ont entre eux. Mais aucune créature ne peut réaliser ni exiger une communication immédiate avec Dieu tel qu’il est en lui-même. Toute communication de Dieu tel qu’il est eu lui-même est surnaturelle ; or c’est ce qui se réalise dans le baptême. L’influence vivifiante, qu’elle produit, est surajoutée à la nature et l’unit directement à Dieu ; elle fait résider Dieu en l’âme, y fait surgir une activité vitale particulière, due à l’influence de l’Esprit-Saint, Gal., v, 25, et qui consiste dans le