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GRACE

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à la nature à laquelle ils sont conférés. Gntia, secundum quod gratis datur, excluait rationem debiti. Potest autem intelligi duplex debilum, unum quidem ex mcrito provenions, quod refertur ad personam cujus est agcre meritoria opéra… Aliud est debilum secundum condilionem naturse ; puta si dicamus debitum esse homini quod habeat rationem et alla quse ad Iiumanam pertinent naturam. Dona naturalia curent primo debito, non autem carent secundo. Sed dona supernaturalia ulroquc debilo carent et ideo spccialius sibi nomen gratiæ vindicant. Sum. theol., V IF’1, q. exi, a. 1, ad 2’"".

Les théologiens définissent la grâce, considérée en général : un don surnaturel (ou l’ensemble des dons surnaturels) concédé par Dieu à une créature douée d’intelligence en vue du salut éternel.

Il faut cependant observer que chez les scolastiques anciens, tels que saint Bonaventure, saint Thomas, le mot gratia, employé sans épithète, signifie, ordinairement, non la grâce considérée en général, mais la grâce sanctifiante ou habituelle, en tant qu’elle se distingue et des vertus infuses et du secours transitoire ordonné immédiatement à l’opération. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. II, dist. XXVI ; De veritale, q. xxiv, a. 14 ; Cont. génies, 1. III, c. clvi ; Sum. theol., P II æ, q. cix, ex, a. 3, ad 3°" ; Capréolus, In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, q. i.

Division de la grâce.

Saint Thomas, In IV

Sent., 1. II, dist. XXVI, q. i, a. 1, dit que le Saint-Esprit lui-même, parce qu’il est gratuitement donné à l’homme, peut être appelé grâce, bien qu’il faille admettre, en l’homme justifié, un effet distinct de Dieu et produit par lui : c’est la grâce créée. Cf. De veritale, q. xxix, a. 1 ; Sum. theol., I » , q. xliii, a. 3.

1. De là la distinction entre grâce incréée et grâce créée. La grâce incréée est Dieu lui-même, en tant que par son amour il se donne surnaturellement à l’homme. La grâce créée est le don surnaturel produit en l’homme. Cf. Suarez, De gratia, proleg. III, c. ni, n. 2, Opéra omnia, Paris, 1856, t. vii, p. 137. Le même auteur, De gratia, 1. VIII, c. ii, t. ix, p. 313 sq., explique que la grâce sanctifiante, bien qu’elle soit produite immédiatement par Dieu, a cependant une cause matérielle, c’est-à-dire un sujet dans lequel elle est infuse ; c’est pourquoi l’action divine, qui produit la grâce sanctifiante, n’est pas une action créatrice ou une création au même sens où l’est l’action de Dieu produisant de rien une substance ou un être qui existe en lui-même, sans qu’il soit inhérent à un autre être. Cette considération, qui concerne l’exactitude de la terminologie, n’infirme en rien la notion vraie de la surnaturalité et de l’extrinsécisme de la grâce. Cf. Maupréaux, Revue auguslinienne, 1909, t. xv, p. 106 sq., 753 sq.

2. Quand on considère l’origine de la grâce, on peut distinguer la grâce de Dieu et la grâce du Chriit rédempteur. Grâce de Dieu est tout don surnaturel concédé indépendamment des mérites du Christ rédempteur. La grâce du Christ rédempteur est tout don surnaturel concédé dépendamment de ces mérites. Ainsi toutes les grâces proprement dites (nous ne parions pas des bienfaits purement naturels) accordées à l’homme après la chute d’Adam sont des grâces du Christ rédempteur ; les grâces, au contraire, concédées aux anges et à nos premiers parents, avant le péché, sont des grâces de Dieu. Nous avons dit du Christ rédempteur : la distinction reste établie même si l’on admet l’opinion de certains théologiens, suivant lesquels l’incarnation du Verbe aurait eu lieu, en vertu du décret actuel de la providence, même si Adam n’avait pas péché, et, par conséquent, toutes les grâces auraient été octroyées dépendamment du Christ, alors même qu’il n’y eût pas eu de rédemption. C’est l’opinion de Duns Scot, In IV Sent., 1. III, dist. VII, q. m ; voir Duns Scot, t. iv, col. 1890 sq. ; autre est l’opinion de

saint Thomas, Sum. theol., III » , q. i, a. 3. Suarez, De gratia, I. I, proleg. III, c. ii, n. 9, t. vii, p. 135 sq., défend l’opinion de Scot.

3. Par rapport au sujet qui reçoit la grâce, celle-ci est externe ou interne. Externe est tout don surnaturel qui est en lui-même et reste extrinsèque à l’homme, par exemple, la prédication de la vérité révélée, la loi divine révélée par Dieu, les exemples des saints, les miracles. Certains théologiens étendent fort loin cette dénomination et l’appliquent à des effets, en soi naturels, mais ordonnés par Dieu à la sanctification surnaturelle ou au salut éternel des hommes. Ad gratiam externam, prxter prædicationem Evangelii, cxemplum Christi aliaque facla supernaturalia recte revocantur bénéficia per se naturalia, quibus Deus ulitur ad nos supernaturaliler movendos, ut remolio occasionis peccandi, societas bonorum hominum, felices rerum eventus, cliam morbi, inforlunia et ipsa mors. IIæ quidem res per se sunt iiidijjerentes, sed nihilominus Deus ex benevolenlia potest cas disponere, ut simul cum gratia interna salutem conducant. Pesch, Prælcctiones dogmaticæ, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. v, n. 25. Mais nous ne comprenons pas comment on peut appeler grâces actuelles ces réalités qu’on vient d’énumérer : c’est donner lieu à des confusions. La grâce interne est tout don surnaturel qui se trouve dans le sujet qui le reçoit. Cf. Suarez, De gratia, proleg. III, c. ni, n. 10 sq., t. vii, p. 139 sq.

4. Saint Thomas, Cont. génies, 1. III, c. cl, cliv ; Sum. theol., I" II æ, q. cxr, a. 1, expose la distinction entre la grâce gralum faciens et la grâce gratis data. La première unit à Dieu et lui rend agréable l’homme qui la reçoit : c’est un don qui sanctifie celui auquel il est octroyé. Pour saint Thomas, c’est la grâce sanctifiante seule. La grâce gratis data est un don par lequel celui qui la reçoit coopère à amener les autres au salut : c’est donc un bienfait concédé principalement en vue du salut d’autrui. A ce genre de dons se rapportent les charismes, indiqués par saint Paul, I Cor., xii, 8. Alexandre de Halès, Sum. theol., part. III, q. lxxiii, m. ii, et saint Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXVIII, a. 2, q. i, Opéra omnia, Quaracchi, 1882 sq., t. ii, p. 682 sq., désignent par l’expression gratis dala, non seulement les dons, que nous venons d’indiquer, mais encore ce que nous appelons maintenant la grâce actuelle. Suarez, op. cit., c. iv, n. 15, p. 147 sq., et les théologiens modernes classent sous le genre gratum faciens tout don surnaturel interne concédé à l’homme en vue de son salut personnel, et sous le genre gratis data tous les secours accordés à quelqu’un en Mie du salut des autres. Cf. Jungmann, De gratia, 6e’édit., Batisbonne, 1896, n. 9 ; Hurter, op. cit., n. 10.

5. La grâce actuelle est un secours transitoire par lequel l’homme est mû par Dieu à une opération salutaire ; la grâce habituelle est un don, qui est infus dans l’âme et y demeure inhérent, à la manière d’une qualité permanente. Saint Thomas n’emploie pas l’expression actualis gratia, mais il connaît la réalité indiquée maintenant sous cette dénomination. Cf. Sum. theol., P II æ, q. ex, a. 2.

D’autres distinctions sont encore en usage : nous en parlerons plus loin, quand nous expliquerons l’essence de la grâce habituelle et de la grâce actuelle.

II. Existence.

Avant de démontrer l’existence de la grâce, il faut préciser la notion de la réalité désignée par ce mot.

Nous avons dit plus haut que nous entendions par grâce tout don surnaturel fait par Dieu à une créature intellectuelle en vue du salut éternel. La grâce, considérée sous ce concept générique, existe : en effet, l’état du premier homme, tel qu’il est décrit au livre de la Genèse, implique des dons positivement indus à la nature humaine. La révélation, proprement dite, c’est-